Du côté alémanique
Les variétés de maïs local de retour dans la campagne bernoise

À Belpberg (BE), la famille Staub cultive des variétés de maïs non hybride avec l’aide de l’association Landmais. Leurs épis verts et violets sont transformés en polenta et en farine vendues avec succès.

Les variétés de maïs local de retour dans la campagne bernoise

Entre la vallée de l’Aar et celle de la Gürbe, au pied du Belpberg, les dernières parcelles de maïs grain viennent d’être battues. Roger Staub a enfin pu engranger la récolte de l’année. Une moisson bien particulière, puisqu’il s’agit de maïs vert et violet, destiné à la fabrication de farine et de semoule. Mais pour le moment, la récolte sèche dans la grange de la famille Staub. «Il y a encore quelques années, j’étais persuadé que le maïs était seulement jaune, confie l’exploitant bernois. En réalité, il existe une multitude de variétés qui se distinguent en taille, couleur et résistance.»
C’est grâce à un de ses amis, Philipp Meyer, étudiant alors l’agronomie à Zollikofen (BE) et passionné par les variétés locales et anciennes de maïs, que Roger Staub s’est lancé dans la production de ces maïs particuliers. «J’étais fasciné par cette plante capable de fournir une telle masse végétale en seulement quatre mois, confie le jeune ingénieur. J’avais aussi envie de mettre en valeur des variétés originelles de maïs, non hybrides, et de comparer leur potentiel et leurs qualités à ceux des maïs hybrides utilisés communément dans nos campagnes.»

Du Mexique au Belpberg
Philipp Meyer parcourt l’Europe en quête de semences paysannes et collecte les variétés les mieux adaptées aux contextes pédoclimatiques helvétiques. Dans le cadre de son travail de fin d’études, il réalise tout un protocole d’essais comparatifs et prouve que certaines variétés paysannes ont un réel potentiel de rendement et de résistance aux maladies. Il y a trois ans, Roger et Marina Staub lui proposent de poursuivre son projet à plus grande échelle. Ensemble, ils fondent l’association Landmais et sèment quelques ares d’oaxacan, une variété originaire d’Amérique centrale, caractérisée par des épis vert émeraude que Philipp Meyer a lui-même multipliés. «J’étais séduit par le fait de m’affranchir de l’industrie semencière, confie Roger Staub. Cultiver mes propres semences, travailler en toute indépendance m’attirait particulièrement.» En 2016, les Staub sèment donc quelques rangs d’oaxacan devant leur maison. Une bonne surprise les attend lors de la récolte qui s’avère excellente – de l’ordre de 150 kg pour 3 ares: «Sur chaque plante, il y avait deux énormes épis. Sans qu’on ait réalisé aucun traitement ni apporté d’engrais!» Le couple les cueille, les effeuille et les égraine à la main avant de moudre les grains et de tamiser la farine de la semoule. «Notre polenta verte s’est tout simplement arrachée. Les personnes intolérantes au gluten étaient particulièrement intéressées par cette farine, confie Marina. On a rapidement compris qu’il y avait là une niche commerciale à explorer.»

Pollinisations croisées!
Convaincu, le couple poursuit l’expérience. Cet automne, il vient ainsi d’effectuer sa troisième récolte: 250 ares d’oaxacan et 250 de tama, une variété de maïs lila dénichée par Philipp Meyer chez un collectionneur français. «On peut se permettre de cultiver ces deux maïs dans des parcelles proches, car leurs dates de floraison sont très différentes et on ne risque pas de pollinisation croisée», précise Roger Staub.
D’ici quelques semaines, les grains une fois secs seront criblés dans une machine spécialement conçue à cet effet par Roger, grâce à un financement participatif lancé l’hiver dernier. La farine et la semoule plus ou moins grossière, destinée à la fabrication de polenta et de bramata verte ou lila, seront ensachées et commercialisées dans la région et sur le site internet de l’association, à raison de 5 fr. 20 les 250 g. «Pour l’instant, nous couvrons les coûts de production. Mais en augmentant les surfaces et en automatisant l’emballage, nous comptons bien pouvoir dégager un nouveau revenu pour notre exploitation», espère Marina. Reste que les variétés de maïs doivent être encore améliorées. «Le travail de sélection doit se poursuivre en parallèle, pour améliorer la tenue à la verse, la résistance aux maladies, et le remplissage de l’épi», reconnaît Roger Staub. En attendant, l’agriculteur planche avec un boulanger de Belp (BE) sur la création d’un pain à base de farine de maïs. Vert. Et idéal pour les intolérants au gluten.

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller/DR

Le maïs local, retour vers le futur?

Depuis le milieu du XXe siècle, l’amélioration génétique du maïs repose sur la technique d’hybridation, c’est-à-dire la création de variétés hybrides homogènes et reproductibles exprimant le plus de capacités et de vigueur par rapport aux lignées pures. En Europe, le maïs hybride a été importé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et a rapidement conquis les campagnes au détriment des variétés paysannes, locales, dites de «population». À la différence des hybrides, ces dernières sont multipliées en pollinisation libre, au champ, et les individus se croisent à chaque génération. «Au sein de cette population, les individus ne sont pas tous parfaitement semblables mais possèdent des caractères communs qui rendent la variété unique et cohérente», explique Philipp Meyer, agronome et fondateur de l’association Landmais. Par rapport aux lignées pures ou hybrides, les variétés population ont ainsi une base génétique plus large, qui leur donne la capacité de s’adapter à différentes conditions et aux évolutions climatiques. «Elles offrent une plus grande variété de couleurs, de formes et participent ainsi à la conservation de la biodiversité.»

En chiffres

La ferme Staub, c’est:
10 hectares situés en zone collines et cultivés en blé, orge, maïs ensilage et grain, pommes de terre semence.
1 élevage d’une centaine de truies mères.
0,5 hectare de maïs (variétés oaxaca et tama) destiné à la production de farine et de polenta.
+ D’infos www.landmais.ch