Nature
Postées dans les sous-bois, les tiques guettent leurs hôtes pour se nourrir

Le printemps venu, ce redoutable acarien sort de terre. Si sa population est en forte augmentation au Canada et en Scandinavie, elle reste stable en Suisse, provoquant néanmoins deux maladies très répandues.

Postées dans les sous-bois, les tiques guettent leurs hôtes pour se nourrir

Comme chaque année, elles sont de retour. Rares sont les promeneurs qui n’ont jamais découvert avec effroi que des petites bêtes noires s’étaient accrochées à leur peau durant une balade. De mars à novembre, les tiques, affamées, envahissent nos sous-bois en quête de sang, nécessaire à leur survie. Discrètes, elles se fixent sur l’épiderme de leur victime grâce à deux éperons et peuvent y rester jusqu’à dix jours, multipliant leurs poids par cent, le temps d’être rassasiées.

En Suisse, on dénombre une vingtaine d’espèces. Si certaines, comme Ixodes hexagonus, préfèrent les hérissons, d’autres, comme Ixodes frontalis, raffolent des oiseaux. Du point de vue de la santé publique, la plus ravageuse est Ixodes ricinus, appelée aussi «tique du mouton». «C’est la plus répandue dans le pays, mais aussi l’une des seules à s’attaquer aux humains. C’est donc celle que nous étudions le plus», explique Maarten Voordouw, professeur de parasitologie à l’Université de Neuchâtel.

À la conquête du nord

Cette espèce peut en effet être vectrice de plusieurs maladies. Les plus courantes sont la borréliose de Lyme – ou maladie de Lyme – qui affecte chaque année près de 10 000 personnes en Suisse, ainsi que la méningo-encéphalite à tiques, une inflammation du cerveau, qui touche généralement quelque 200 randonneurs, chasseurs et champignonneurs. De janvier à avril dernier, 1980 personnes se sont rendues chez le médecin après une piqûre. Parmi elles, 830 étaient atteintes d’une borréliose aiguë (au premier stade) et cinq d’une méningo-encéphalite à tiques, selon l’Office fédéral de la santé publique. «Ces chiffres sont dans la moyenne. Bien que les médias parlent de plus en plus de ces arachnides et que les campagnes de sensibilisation se multiplient, aucune recherche scientifique ne prouve que le nombre d’Ixodes ricinus ait augmenté ces dernières années dans le pays. Selon une étude menée sur un site neuchâtelois, il semblerait même que leur population ait diminué entre 2000 et 2014», note Maarten Voordouw.

Au contraire, le Canada et la Scandinavie souffrent d’un accroissement sans précédent de ces acariens, contaminant de plus en plus d’habitants. «Au Canada, une seule zone à tiques existait en 1995. Aujourd’hui, on en compte plus de 200! Selon certains scientifiques, cela serait dû au réchauffement climatique. Les populations s’étendraient vers le nord, car le climat serait devenu favorable à leur développement.»

Elles ne tombent pas des arbres

En effet, les tiques sont actives au-dessus de 5°C et sortent du sol dès le printemps venu. En Suisse, elles sévissent dans les sous-bois, à la lisière des forêts, dans les clairières et près des cours d’eau, à moins de 1500 mètres d’altitude. Habiles et à l’affût, elles ne tombent pas des arbres, mais colonisent la végétation basse, à la recherche de zones humides, attendant le passage d’un hôte auquel elles pourront s’accrocher. «On peut aussi en trouver dans les parcs urbains, pour peu qu’elles se soient agrippées à un oiseau. Il est donc possible de se faire piquer en ville.»

Que faut-il faire pour se protéger? Porter des vêtements couvrants lors d’une promenade, utiliser des produits répulsifs pour insectes et examiner toutes les parties de son corps de retour chez soi, notamment les zones chaudes et humides telles que les aisselles et l’intérieur des cuisses. En cas de piqûre, retirer sans attendre la bête grâce à une pince à tique ou à épiler. À noter également que l’Office fédéral de la santé met régulièrement à jour une carte des régions concernées par la méningo-encéphalite à tiques. La consulter permet de se faire vacciner préventivement.

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): DR

Notre expert

Professeur assistant en parasitologie à l’Institut de biologie de l’Université de Neuchâtel depuis bientôt huit ans, Maarten Voordouw s’intéresse essentiellement à l’écologie des maladies transmises par les tiques, telles que la borréliose de Lyme. Après avoir effectué un doctorat à l’Université de Victoria, au Canada, de 1999 à 2005, il entame des recherches postdoctorales à l’Imperial College de Londres puis à l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie, aux États-Unis, où il étudie les méfaits de ces acariens.