Reportage
Les Reutimann cultivent l’amertume du houblon depuis quatre générations

À Unterstammheim (ZH), la famille Reutimann figure parmi les plus grands producteurs de houblon de Suisse. La récolte des précieux bourgeons, prisés des brasseries, débutera dans quelques jours.

Les Reutimann cultivent l’amertume du houblon depuis quatre générations

Les rayons du soleil peinent à se frayer un chemin parmi la végétation luxuriante du houblon formant de véritables murs de tiges et de feuilles qui mesurent 7 mètres de haut. «Regardez ces cônes, dit Markus Reutimann. Ils sont nombreux. La récolte va être bonne.» Chez les Reutimann, le houblon est une histoire de famille: il y a près d’un siècle que le grand-père de Markus a mis en terre ses premiers plants sur le domaine d’Unter­stammheim, à un jet de pierre du Rhin.
Aujourd’hui, la quatrième génération se prépare à reprendre le flambeau. Mais tout n’a pas toujours été simple pour les pionniers de cette culture: «Au début des années 1990, le marché a été submergé par du houblon produit en Allemagne et en Europe de l’Est, se souvient Markus Reutimann. Nos coûts de production ne nous permettaient pas de rivaliser en termes de prix. Ce qui nous a sauvés, c’est la diversification de notre offre et le choix de l’agrotourisme.»

Croissance ultrarapide
Les visiteurs, qui se comptent en milliers chaque année sur l’exploitation zurichoise, découvrent que le houblon est une liane vivace, dont la racine charnue lui permet de vivre entre 30 et 50 ans. S’enroulant autour d’un câble vertical, tendu en début de saison, grâce à une écorce dont la texture rappelle le velcro, les tiges croissent à vitesse grand V durant le printemps et l’été: au mois de mai, la plante peut pousser de 35 centimètres par jour. Lorsqu’elle atteint le sommet du câble apparaissent des tiges secondaires et des fleurs, qui donnent elles-mêmes naissance aux fameux cônes. «Seules les plantes femelles en produisent, explique Markus Reutimann. Nous utilisons les mâles uniquement lorsque nous cherchons de nouvelles variétés.» Ouvrant un cône entre ses doigts, l’agriculteur désigne une poudre jaune clair: «C’est la lupuline. Cette substance a une triple utilité. Elle donne son amertume à la bière, favorise sa conservation et joue un rôle central dans la formation de mousse.»

Modeste production suisse
Entre fin août et mi-septembre, les Reutimann récoltent leur houblon. Un tracteur passe entre les rangs pour charger sur une remorque les tiges coupées au niveau du sol avant de ramener ces imposants bouquets à la ferme. Les cônes sont récoltés mécaniquement, séchés, conditionnés en granulés et mis sous vide. «On prélève entre 500 et 600 grammes de cônes séchés par tige, note Markus Reutimann. Cela semble peu, mais le potentiel aromatique du houblon est tel que cela suffit à brasser 1000 litres de bière.» Avec 3 hectares pour 12 000 plantes, le calcul est vite fait: la houblonnerie des Reutimann permet chaque année de parfumer 12 millions de litres de bière. Du moins lorsque les cultures se portent bien: le houblon est une plante relativement sensible, qui craint les maladies fongiques et les attaques de pucerons ou de charançons, tandis qu’une tempête ou une forte grêle peuvent réduire une récolte à néant.
Au bout de chaque rangée, un panneau indique la variété plantée. À chacune ses caractéristiques aromatiques: il y a le Hallertau aux notes herbacées, le fruité Mandarina Bavaria, prisé des amateurs d’India Pale Ale, le Tettnanger, aux accents d’épices et de thé noir, ou le précoce Opal. Pour découvrir de nouvelles saveurs, les Reutimann sont en contact avec les producteurs allemands. Il faut dire que, avec une surface totale qui approche tout juste les 20 hectares, la production suisse de houblon est loin de suffire pour répondre à la demande des brasseries industrielles et artisanales, qui se pressent au portillon pour acquérir cette matière première locale: le houblon suisse couvre à peine 15% des besoins nationaux.

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean

En chiffres

L’exploitation, c’est:

  • 4 membres de la famille, soit Brigitte et Markus épaulés par leurs deux fils, Thomas et Christoph.
  • 1 stagiaire et 1 cuisinière.
  • 34,5 hectares, dont 4 de houblon; le reste en grandes cultures et petits fruits.
  • 1 marché à la ferme.Une cinquantaine de produits artisanaux, de la bière au pesto de houblon.
  • 12 000 à 15 000 visiteurs par an.
  • 10 à 160 personnes. La taille des groupes accueillis pour des visites de l’exploitation

+ d’infos www.hopfentropfen.ch