Décryptage
Les pieds des vaches seront étudiés de près par les spécialistes

Un vaste projet national vient de débuter, avec pour objectif d’améliorer la santé des onglons des bovins. Les boiteries causent en effet de trop nombreuses pertes au sein des exploitations suisses.

Les pieds des vaches seront étudiés de près par les spécialistes

À Ballens (VD), Didier Roch peut se réjouir d’avoir drastiquement réduit les cas de boiterie au sein de son troupeau de 130 vaches laitières. Quelques mesures simples, conseillées par le Service sanitaire bovin (SSB), ont eu un impact positif sur la maladie de Mortellaro, à l’origine de cette problématique. «En changeant la position de la barre de nuque, à l’avant des logettes, mes vaches se sont davantage couchées, témoigne l’éleveur. À cause du robot de traite, qui conduit à un brassage permanent des bêtes, je n’avais pas réalisé qu’elles ne se couchaient pas suffisamment. Le résultat a été spectaculaire: l’amélioration moyenne de la production laitière a été de 2,5 litres par jour.» Didier Roch a également modifié sa manière de désinfecter les pieds. Le pédiluve hebdomadaire avec du formaldéhyde – un désinfectant réputé cancérigène – a été remplacé par un rince-pied biologique au moment de la traite.
Le cas de cet éleveur vaudois est loin d’être unique. Une étude réalisée en 2011 a pu déterminer que 97,7% des exploitations suisses détiennent au moins une vache ayant des problèmes d’onglons. «On l’oublie trop souvent, mais les boiteries sont la troisième cause de réforme la plus fréquente chez les vaches laitières, derrière les problèmes de santé du pis et de fécondité, souligne la vétérinaire Maria Welham Ruiters, collaboratrice du SSB. Dans la majorité des cas, les boiteries sont causées par des maladies au niveau des onglons.»

Des pertes importantes
Si cette problématique engendre des frais directs liés au traitement de la pathologie, les coûts occasionnés par la diminution de la production laitière, la baisse de fécondité, l’augmentation du taux de mammites, les troubles métaboliques associés, ainsi que la surcharge de travail de l’éleveur, sont souvent sous-estimés. Une étude datant de 2005 avait évalué les dépenses et pertes indirectes liées à une boiterie à 437 francs en moyenne par vache. Sans compter que les douleurs ressenties par l’animal ont un impact direct sur son bien-être. «Malgré leur influence sur la performance et la rentabilité des bovins, très peu de données concernant la santé des onglons sont collectées actuellement», regrette Maria Welham Ruiters. Pour pallier ce manque de connaissances, une étude nationale vient de débuter (voir l’encadré ci-contre). Le parage, effectué en moyenne deux fois par an, représente en effet un bon moyen de collecter des informations. Dans un premier temps, des pareurs d’onglons ayant reçu une formation spécifique vont saisir systématiquement, grâce à un logiciel adapté, des données lors des parages de routine. Celles-ci seront ensuite évaluées par l’équipe de suivi scientifique du projet. «Un vétérinaire du Service sanitaire bovin rendra alors visite aux exploitations identifiées comme ayant des problèmes de santé des onglons, complète Maria Welham Ruiters. Le but sera de déterminer les facteurs de risque qui favorisent leur apparition, puis de proposer des mesures spécifiques pour améliorer la santé des animaux.»

Impact environnemental
Plusieurs objectifs sont visés par cette recherche. «Nous souhaitons avoir une meilleure vision de la situation actuelle en Suisse, indique la vétérinaire. Cela nous permettra d’obtenir des chiffres précis et de développer ainsi des programmes spécifiques. Il s’agit aussi de définir des valeurs d’élevage «santé des onglons» afin de pouvoir améliorer sur le long terme la santé des onglons du cheptel bovin suisse par des mesures zootechniques ciblées. Identifier plus précisément les divers facteurs de risque – détention, qualité du parage, alimentation, conditions sanitaires, génétique, entre autres – permettra aussi de réduire le recours aux médicaments vétérinaires. Les initiateurs de cette étude souhaitent également trouver des alternatives aux désinfectants utilisés actuellement dans les pédiluves. Contenant pour la plupart des métaux lourds, ils présentent un risque pour l’environnement. «Aussi bien les exploitations laitières qu’allaitantes peuvent participer, pour autant que les onglons de leurs animaux soient parés par un professionnel adhérant à notre projet», souligne Maria Welham Ruiters.

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): DR

Bon à savoir

Dans 90% des cas, l’origine d’une boiterie est située au niveau des pieds. Les onglons ou l’espace interdigité, situé entre ceux-ci, peuvent être atteints. Les maladies des onglons sont d’origine infectieuse, alimentaire ou en lien avec la détention. Parmi les pathologies les plus fréquentes, la maladie de Mortellaro, aussi appelée dermatite digitée, est celle que redoutent le plus les éleveurs, puisqu’elle est impossible à éradiquer. Selon une étude publiée en 2014 par l’Université de Berne, près de 75% des exploitations laitières suisses sont touchées par cette inflammation. Les autres affections courantes sont le panaris, l’ulcère de la sole, la dermatite interdigitée, la fourbure et la seime. Le traitement consiste en un parage des onglons, accompagné, selon la pathologie, de soins locaux et éventuellement de traitements médicamenteux dispensés par le vétérinaire.

Bon à savoir

Le projet «Des onglons sains – de bon pied vers l’avenir» concerne aussi bien les pareurs que les éleveurs et les vétérinaires. Il est porté par des acteurs du monde agricole – l’Association suisse des pareurs d’onglons et la Communauté de travail des éleveurs bovins suisses – ainsi que par des vétérinaires via l’Association suisse pour la santé des ruminants. Financé par l’Office fédéral de l’agriculture, il a débuté cette année et va durer six ans. Le Service sanitaire bovin (SSB), à Berne, est responsable de la gestion du projet et la Faculté Vetsuisse de l’Université de Berne du suivi scientifique. Les éleveurs, les pareurs et les vétérinaires souhaitant intégrer cette étude peuvent contacter le SSB par courriel à l’adresse suivante:
onglons@vetsuisse.unibe.ch
+ d’infos www.onglonssains.ch