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Les parades nuptiales de la grenouille rousse sont animées en mars

Une rumeur s’élève d’un petit plan d’eau au cœur du marécage. Ce curieux ronronnement trahit la parade nuptiale de ces batraciens cachés dans la végétation. Voici revenu le temps des amours!

Les parades nuptiales de la grenouille rousse sont animées en mars

Fidèle à son étang
À l’exemple de nombreuses espèces animales, la grenouille rousse regagne fidèlement son site de reproduction d’une année sur l’autre. Correspondant pour le KARCH – Centre de coordination pour la protection des amphibiens et reptiles de Suisse –, Jean-Marc Fivat suit cette période sensible pour l’espèce depuis des années. «La plupart des grenouilles se déplacent dès la sortie d’hibernation, souvent à la faveur d’une pluie nocturne, en direction de leurs lieux de reproduction qui sont des sources, ruisseaux, étangs, canaux ou tourbières. En général des plans d’eau sans poissons. Certaines font une première migration en automne pour se rapprocher de l’endroit de frai. En plaine, la ponte a lieu de la mi-février à fin mars, alors que, en altitude, elle se déroule au mois de juillet.»

Rousse, oui mais…
La grenouille rousse, à l’inverse des dix-neuf autres espèces de batraciens indigènes, arbore des couleurs très variables. «Sa robe peut être jaunâtre, roussâtre, olivâtre, brunâtre ou pratiquement noire, mais jamais verte. Des taches noires ornent sa face supérieure alors que le ventre est en général d’un beige le plus souvent uni», détaille le spécialiste. Pourrait-on la confondre avec une autre présente chez nous? «Sous nos latitudes, seule la grenouille agile, qui est très rare, lui ressemble beaucoup. Mais cette dernière a les pattes postérieures nettement plus longues, et son tympan, d’un diamètre plus gros, est placé plus près de l’œil.» Des différences si peu marquées qu’il est bien souvent impossible de distinguer une espèce de l’autre lors de rencontres sur le terrain.

Forte concurrence
Les meilleurs sites pour l’observation de sa reproduction sont les grands étangs peu profonds. Ils accueillent parfois plusieurs centaines d’individus simultanément. «L’accouplement se déroule généralement dans 5 à 10 centimètres d’eau. Le mâle se place sur le dos de la femelle, qu’il agrippe de ses pattes antérieures, et dépose sa semence sur les œufs lors de leur expulsion, explique Jean-Marc Fivat. Plusieurs mâles s’agglutinent parfois autour d’une femelle et se battent pour s’accoupler. Certains s’accrochent même à des crapauds communs ou des salamandres tachetées. Il m’est arrivé de découvrir des salamandres mortes noyées, maintenues sous l’eau par des grenouilles rousses. Les mâles restent sur les lieux de reproduction de quelques jours à quelques semaines, les femelles en général une seule nuit.»

De multiples dangers
Nombreux sont les dangers pour la grenouille rousse à cette période de l’année, que ce soit pour l’adulte en chemin, sur le site des parades nuptiales puis, plus tard, pour les œufs et les têtards. «Durant la migration printanière, une forte mortalité est due aux voitures. Des prédateurs tels le hérisson et la chouette hulotte s’en prennent à elle, alors que, sur les lieux de frai, elle est aussi la proie du putois, du sanglier et des échassiers, signale le spécialiste. Souvent en nappes, les pontes de 1000 à 4000 œufs éclosent après huit à quatorze jours. Les œufs sont aussi appréciés, notamment des tritons. Il arrive que le retour du gel ou la sécheresse détruisent également la ponte.» Selon la température, la métamorphose des têtards, pas à l’abri de prédation non plus, prendra de sept à douze semaines. Ce qui leur permettra de quitter alors le plan d’eau. Mais que l’on se rassure, l’espèce se porte bien malgré ces périls!

Sous protection
«L’espèce n’est pas menacée dans notre pays. Elle est même répandue de la plaine à 1600 mètres d’altitude. Elle est protégée, comme tous nos batraciens indigènes. Il est interdit d’en prélever sans une autorisation, par exemple pour élever des têtards. Afin d’aider les batraciens à traverser les routes, des barrières sont posées pour les récolter dans des seaux. Des passages sous route sont même construits dans les secteurs comprenant de grosses populations», se félicite Jean-Marc Fivat.

+ D’infos www.jmfivat.ch

Texte(s): Daniel Aubort
Photo(s): Daniel Aubort