Insolite
Les coraux séduisent toujours plus les amateurs d’insolite

Recréer un bout de récif corallien dans son appartement est désormais possible. Les couleurs fluorescentes de ces étranges animaux permettent de composer un tableau chatoyant.

Les coraux séduisent toujours plus les amateurs d’insolite

Il est l’heure pour Adrien Roulet de nourrir ses animaux. Pourtant, à part quelques rares poissons, on observe surtout dans l’aquarium une grande variété de ce qui ressemble à des plantes et des rochers. Le jeune homme prépare néanmoins un repas à base de plancton et de vitamines, avant de le déposer précautionneusement avec une pipette ici et là. «Regardez de plus près: vous verrez que ce que vous considérez comme des plantes bougent parfois, s’enthousiasme-t-il. Malgré leur apparence végétale, qui est un leurre, ce sont des êtres vivants, qui nécessitent qu’on en prenne soin.» Ce gardien d’animaux, spécialisé en aquariophilie, élève depuis plusieurs années des coraux. «Lors d’une exposition au Musée du Léman, à Nyon (VD), où je travaille, j’ai découvert ce monde fascinant, raconte l’habitant d’Agiez (VD). Si j’avais l’habitude des couleurs plutôt ternes et grises des poissons de nos lacs, les tons vifs des coraux m’ont immédiatement intrigué.» Dés­ormais, il veille sur une dizaine d’espèces différentes. Dans l’aquarium, celles-ci s’animent peu à peu pour capter les nutriments. «Les coraux vivent en colocation dans un immeuble commun, explique le spécialiste. Chaque polype, sorte d’excroissance, est en effet un individu distinct, qui partage la même colonie.»

Ne pas improviser
Ces animaux marins ont de quoi susciter la curiosité, tant ils cumulent les bizarreries, que cela soit au niveau de leur aspect, de leur durée de vie, du mode de repro-
duction ou de la variété d’espèces. L’une de leurs singularités les plus frappantes est leur fluorescence, verte ou rouge orangé, qu’ils doivent aux algues symbiotiques qui vivent avec eux. «Depuis quelques années, l’intérêt pour les coraux est en nette progression, se réjouit le Vaudois. Les avancées technologiques n’y sont pas étrangères. Il y a trente ans, on était tout simplement incapable de maintenir des coraux vivants hors de leur habitat naturel.»
Cependant, créer un milieu propice à ces animaux nécessite une bonne dose de connaissances. Chaque espèce a besoin de conditions particulières, certaines préférant des endroits avec beaucoup de lumière et de mouvements d’eau, d’autres des eaux plus calmes, en profondeur. «Pour débuter, les coraux mous sont idéaux, signale Adrien Roulet. On peut ensuite se lancer dans les coraux durs – plus exigeants aussi, car ils nécessitent un taux précis de calcium, de magnésium et de carbonate dans l’eau – ou encore les gorgones, qui ne supportent pas une quelconque pollution.»

Éviter les importations
Loin de se contenter de les admirer, Adrien Roulet a rapidement commencé à faire se reproduire ses propres coraux. Il en proposera à la vente lors de la prochaine bourse de l’Aquarium Club Lausanne. «Cette démarche permet d’éviter de les importer de l’autre bout de la planète, d’Indonésie ou d’Australie, souligne-t-il. Mon objectif est de créer un réseau qui permettra à terme à tous les amateurs de n’acheter plus que des coraux élevés en Suisse.» Pour multiplier ces animaux, qui peuvent par ailleurs aussi se reproduire de manière sexuée, il est possible de bouturer les extrémités, en s’inspirant du monde végétal. Le jeune homme prélève ici ou là un morceau de corail – en le rompant à l’aide d’une pince coupante ou d’une paire de ciseaux, selon l’espèce – avant de le coller sur une roche. «Il faut être précautionneux, certains coraux dégageant un gaz toxique lors de cette manipulation», avertit l’aquariophile. Avec cette méthode, il obtient un clone de la colonie d’origine.
Les coraux étant menacés dans leur habitat d’origine, à cause de la pollution et du réchauffement climatique, recréer un morceau de récif corallien dans son salon contribue aussi à préserver ces animaux uniques. Des réimplantations de boutures en pleine mer ont ainsi permis de revitaliser certaines barrières de corail.

+ d’infos 30e Bourse aquariophile de l’Aquarium Club de Lausanne, samedi 16 février de 13 h 30 à 16 h à la salle des spectacles de Lutry (VD)

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Thierry Porchet

Questions à...

Véronique Ivanov, présidente de l’Aquarium Club Lausanne

Votre club fête cette année ses cinquante ans d’existence. Comment a évolué l’aquariophilie?
La technologie s’est développée de manière spectaculaire, plus particulièrement en ce qui concerne l’eau de mer. Désormais, il est relativement facile de recréer un biotope propice au maintien des espèces marines, moyennant un certain investissement matériel. Ces progrès techniques ont conduit à un intérêt de plus en plus marqué pour les poissons d’eau de mer et les coraux. Par ailleurs, les amateurs abordent ce loisir de manière beaucoup plus éthique, en se préoccupant notamment de l’origine des poissons et de leur qualité de vie. Le volume d’eau à leur disposition est par exemple plus important qu’auparavant.

Quelle est la particularité de la bourse que vous organisez?
Nous prônons une approche durable de l’aquariophilie. Limiter les prélèvements dans la nature – qui sont de l’ordre de 80% pour les poissons de mer – est essentiel. Nous souhaitons également restreindre l’influence des élevages industriels, principalement asiatiques ou est-européens, qui utilisent des antibiotiques et des colorants à outrance. Les nombreuses espèces de poissons d’eau douce et coraux mis en vente à cette occasion sont donc tous nés dans notre région chez des éleveurs amateurs.

En chiffres

Les coraux, ce sont:

  • 200 millions d’années, l’époque de leur apparition.
  • 4000 ans, la longévité de certaines espèces.
  • De 1 mm à 20 cm, la croissance moyenne par année.
  • 2600 km, la longueur du plus grand récif corallien, la Grande Barrière de corail, qui se trouve au large des côtes du Queensland, au nord-est de l’Australie.
  • 400 espèces présentes dans celle-ci.
  • 60% des coraux en danger, 25% ayant subi des dégâts irréversibles
  • De 0 à 4000 mètres de profondeur l’habitat où on les trouve