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L’épicerie fait le pari de numérique

À Bavois (VD), l’épicerie du village, accessible 24 heures sur 24 grâce une application mobile, mise sur les des produits fermiers et de saison régionaux. Un modèle appelé à se développer en Suisse romande.

L’épicerie fait le pari de numérique

Un conteneur maritime transformé en petit magasin, à l’entrée d’un village déserté par les commerces. Une épicerie accessible 24 heures sur 24, alimentée en électricité par des panneaux solaires, dont les rayonnages regorgent de farines, légumes et conserves locaux. Et si c’était ça, la solution pour valoriser les produits du terroir? Depuis qu’elle a vu le jour il y a quelques mois, La petite épicerie ne désemplit pas. Ce magasin installé à Bavois (VD) doit son existence à l’initiative de quatre copains originaires du village, tous trentenaires sensibles à la cause paysanne et décidés à créer un lieu de vente pour les produits fermiers et de saison.

Du physique… et du digital
Alors que le secteur de la vente en ligne de denrées alimentaires est en constante croissance, Stéphanie Favre, son frère Sylvain et leurs deux amis Steven Oulevay et Steve Brönnimann ont décidé d’investir un lieu de vente, faisant fi des plates-formes numériques. «Notre maman a tenu le dernier commerce du village. Elle a dû fermer son épicerie il y a dix ans, faute de rentabilité, raconte Stéphanie. Nous avions à cœur de rouvrir un magasin à Bavois, avec un assortiment de produits qui fasse du sens à nos yeux.» Ainsi, à La petite épicerie, on trouve d’abord des produits régionaux: polenta de Cossonay, cervelas de Champvent, endives de Penthéréaz, salades d’Orny, lait pasteurisé de Bavois, vinaigre de Cuarnens, pain de Daillens et tisanes de la Dent-de-Vaulion. Mais avant de pouvoir acquérir l’une de ces 500 références, le nouveau client doit d’abord télécharger une application sur son natel. C’est en effet via un système de géolocalisation que la porte de l’épicerie s’ouvre, à toute heure du jour ou de la nuit, sept jours sur sept. L’application permet ensuite au client de scanner les codes-barres de chaque article souhaité. Enfin, c’est par l’intermédiaire du portable qu’on règle la facture de ses commissions, via Twint ou carte de crédit – un terminal de paiement est également à disposition. «Avec 20 m2 de surface, on a conçu un magasin relativement simple. Ce qui n’empêche pas les technologies digitales d’être de précieux alliées», souligne Stéphanie Favre.
Attentive aux problématiques de commercialisation des agriculteurs, la jeune femme – qui tient par ailleurs un restaurant d’alpage six mois par an – a voulu faire de son magasin une véritable plate-forme «au service des producteurs». «Ce sont les paysans qui fixent les prix. La marge que nous prélevons sur chaque article ne dépasse pas les 20%.» En outre, chaque fournisseur dispose en temps réel, via l’application, de l’état des stocks de ses pommes terre, de ses jus de fruits ou de ses pâtes à gâteau. «À charge pour lui de venir remplir les rayons quand il s’aperçoit qu’on va bientôt être en rupture», précise Stéphanie Favre.
L’équipe de La petite épicerie ne manque ni d’idées ni d’énergie pour faire avancer son projet. Ainsi, les Bavoisans réfléchissent désormais à la mise en place d’un système de consignes.«En ramenant leurs contenants vides, les clients pourraient participer à boucler le cycle et limiter les déchets!» D’un point de vue financier, le projet est en passe d’atteindre le seuil de rentabilité. «En quatre mois, 1500 comptes clients ont été créés. Nous venons d’embaucher une personne à 40%!» Les quatre cogérants envisagent désormais d’ouvrir de nouvelles épiceries franchisées aux quatre coins de la Suisse romande. «L’assortiment différera selon l’endroit, relève Stéphanie Favre. Mais la ligne de conduite restera identique partout: la proximité avant tout!»

+ D’infos www.lapetiteepicerie.ch

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Thierry Porchet

Questions à...

Alessandra Roversi, spécialiste en alimentation durable

  • Quel regard portez-vous sur cette initiative?
    Ce projet répond à des besoins de consommateurs qui n’ont ni le temps ni la flexibilité d’aller s’approvisionner en produits locaux sur différentes exploitations ou marchés, à des heures fixes. En élargissant les horaires d’ouverture, La petite épicerie s’affranchit de ces contraintes. C’est très intelligent de la part des concepteurs! Par ailleurs, leur projet offre une grande souplesse pour les producteurs, ce qui est là encore un atout. Le pragmatisme des porteurs de projet, qui utilisent au mieux les outils du monde digital en conservant un lieu physique, de rencontres, est à saluer. Ils prouvent que les technologies peuvent être accessibles à tous et que le digital n’est pas nécessairement invasif.
  • Pensez-vous que ce projet né à Bavois soit reproductible?
    Oui, bien évidemment, à condition de garder la même politique d’approvisionnement, gage de succès, et de connaître particulièrement bien le tissu local en matière de producteurs
    et d’artisans. Il faut également trouver de bons entrepreneurs, qui auraient les mêmes valeurs et la même envie que les initiants! L’essentiel étant de rester à l’écoute des besoins des utilisateurs, à savoir les clients.