Reportage
Le transport de bétail est une course contre la montre très cadrée

Des milliers d’animaux transitent chaque jour sur les routes du pays, été comme hiver. Pour rendre les trajets plus supportables, notamment lors de canicules, les transporteurs n’hésitent pas à modifier leurs habitudes.

Le transport de bétail est une course contre la montre très cadrée

Il est 6 h 30 à Suscévaz (VD), deux veaux entrent dans le camion d’Alex Desmeules, sans grand entrain. Ils seront bientôt rejoints par trois de leurs congénères, neuf vaches et un taureau, tous installés dans la remorque de 23 m2, séparés par une cloison mobile. Ce matin-là, le transporteur vaudois – l’un de plus grands du pays avec sa flotte de 30 véhicules – a commencé sa journée plus tôt que d’ordinaire pour éviter les fortes chaleurs. «L’été, on raccourcit nos tournées, il nous arrive de débuter dès minuit, explique Alex Desmeules. Le producteur nous confie ses animaux et veut qu’ils soient bien traités, c’est une question de respect.» C’est ainsi près de 2000 porcs et autant de bovins que son entreprise prend en charge chaque semaine dans le pays.
Si, en France, le ministre de l’Agriculture a rappelé les règles à appliquer pour les transports de plus de huit heures lors de canicules – les 40 degrés ayant été franchis dans certains départements –, en Suisse en revanche, aucun rappel à l’ordre n’a été fait, l’Office fédéral de la santé vétérinaire estimant que la loi est assez claire (voir l’encadré ci-contre). «Chez nous, les transports sont moins longs et ne se font pas à l’international. En cas de problème, nous pouvons amener les animaux dans des écuries d’appoint», poursuit le professionnel, anticipant au maximum la fluidité du trafic pour éviter des à-coups malheureux. Dans ces cas-là, le numéro BDTA de chaque bête doit être entré dans le système, une opération chronophage, qui permet toutefois d’éviter des souffrances inutiles.

Un planning millimétré
Les accidents avec les bovins sont rares, constate Alex Desmeules, au volant d’un camion depuis vingt-trois ans. «Les vaches ont pris l’habitude de voyager régulièrement, notamment pour se rendre sur les alpages ou dans d’autres exploitations, note-t-il. Et elles semblent ne pas garder un mauvais souvenir du transport.» Les problèmes sont par contre plus fréquents avec les porcs, plus sujets à des soucis respiratoires ou cardiaques. «Des contrôles sont effectués dans les abattoirs et parfois aussi sur les routes», poursuit-il.
Son planning du jour le conduit de Provence à l’abattoir Marmy d’Estavayer-le-Lac (FR) en passant par Cheseaux-sur-Lausanne, Dommartin (VD) et Peyres-Possens (VD). À chaque arrêt, des bêtes rejoignent le convoi. Elles sont réparties selon leur poids, déterminant l’espace qui leur est dévolu (1,6 m2 pour une vache, la moitié pour un veau), d’après une tabelle précise, obligatoire dans les camions. Plus le convoi est lourd, plus la conduite se complexifie, même si les animaux ne bougent pas d’une oreille.
Le temps est compté, mais pas question de stresser. En moins d’un quart d’heure, le chargement a lieu, suivi de la transmission du document prouvant l’identité de la bête et le camion repart. Parfois, le chauffeur refuse de prendre en charge un animal, blessé, sale ou pas en état de voyager. «Si une bête est stressée, mieux vaut repousser le transport, pour éviter que le pH de sa viande soit trop élevé, ce qui nuit à sa qualité et à son prix. Cela peut prendre une semaine pour que l’animal retrouve son calme», précise Alex Desmeules, qui rappelle que les chauffeurs suivent une formation continue chaque année, à laquelle s’ajoutent des cours sur l’éthique tous les trois ans.

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Mathieu Rod

Ce que dit la loi

Les dispositions légales sur le transport des animaux sont réglées au chapitre 7 de l’ordonnance sur la protection des animaux. Il y est précisé qu’ils doivent s’effectuer avec «ménagement et sans retard inutile» et que leur durée ne doit pas excéder six heures, huit en comptant les pauses. La législation prévoit que le transporteur est responsable du bien-être des animaux à bord. Peu importe si la température dépasse les 35 degrés ou si le froid est sibérien. Si le bien-être ne peut pas être garanti, un transport ne doit pas être effectué, souligne l’Office fédéral de la santé vétérinaire, qui ajoute que le contrôle de ces transports revient aux cantons, par le biais des vétérinaires cantonaux.
+ D’infos www.blv.admin.ch

Les précautions à prendre pour assurer le bien-être des bêtes

 

Des abreuvoirs provisoires
Un transporteur doit avoir en tout temps des bacs qu’il peut remplir d’eau pour abreuver les bêtes qu’il véhicule. L’entreprise Desmeules utilise à cet effet de grandes caisses en plastique, qui servent d’ordinaire à stocker la sciure.

 


 

Un logo comme passe-droit
La mention «Animaux vivants» à l’arrière des véhicules n’a rien d’anodin. «Pour éviter que les bêtes restent bloquées dans le camion en cas d’embouteillage, on peut demander à la police de nous faire sortir du bouchon», note Alex Desmeules, qui n’a jamais eu à le faire.

 


 

Aérations en suffisance
Des hublots, situés au minimum 35 cm au-dessus du garrot des bêtes, permettent une aération de la remorque, qui doit disposer d’un toit (solide ou en toile). Ils peuvent être fermés au besoin. À noter que certains camions sont aussi équipés de ventilateurs.

 


Des trajets matinaux  
Pour éviter les fortes chaleurs, mieux vaut prévoir le transport d’animaux tôt, voire très tôt. En période de canicule, il n’est pas rare qu’ils aient lieu entre minuit et 4 h du matin. Les transporteurs raccourcissent aussi les trajets et les chargements en cours de route.