De saison
Le gélinot des prés fait fondre La Brévine

Un nouveau fromage vient de voir le jour à La Brévine (NE). Le Gélinot des Prés est né de l’association entre 26 producteurs et leur fromager afin de valoriser le lait en circuit court.

Le gélinot des prés fait fondre La Brévine

Non, la coïncidence n’est pas fortuite. Ce nouveau fromage neuchâtelois, le gélinot des prés, contient le mot gel. On est de La Brévine ou on ne l’est pas! «Notre village est connu loin à la ronde pour ses records de froid. Autant en faire un atout!», souligne avec humour Steve Benoît, agriculteur et membre de la société de fromagerie locale. La réputation de ce fromage au lait cru à pâte mi-dure dépassera peut-être un jour celle de Sibérie de la Suisse qui colle à ce village des Montagnes neuchâteloises. En attendant, les vingt-six producteurs de lait et leur fromager, Sylvain Troutet, font le pari de lancer un nouveau produit sur le marché.
Le public a dégusté les premières meules début mai lors de l’inauguration de la fromagerie flambant neuve et de l’installation de chauffage à distance attenante. Ce bâtiment incarne la volonté de développer une infrastructure moderne et durable dans la commune. Panneaux solaires et bois d’origine locale assurent désormais l’approvisionnement énergétique des locaux de transformation du lait et du village où les radiateurs sont allumés trois cents jours par an!

Valoriser le lait local
Doté d’une douce saveur lactée et florale qui se termine sur une note corsée, le gélinot des prés se déguste à la coupe, mais aussi en fondue dans un mélange avec du gruyère. L’objectif à terme? «Valoriser les surplus de lait qui ne sont pas transformés en gruyère AOP plutôt que de les envoyer à l’industrie. Et mettre en place un circuit de production court qui permette de garder toute la valeur ajoutée là où elle a été produite afin de rémunérer correctement les producteurs», explique André Aeby, agriculteur et président de la société Brevifrom. La marque DeLaBrévine a été créée à cette fin en association avec le fromager. Il est prévu qu’elle englobe encore d’autres produits laitiers à l’avenir.
Sylvain Troutet fabriquera ainsi régulièrement du gélinot des prés en plus de sa production quotidienne de gruyère AOP. Plus de 3 millions de litres de lait sont coulés chaque année dans ce village d’un peu moins de 700 habitants. «Les exigences sont les mêmes au niveau de la qualité du lait. On garde aussi le même niveau de prix. L’affouragement est à 85% issu des herbages. Il n’y a pas d’ensilage. Les compléments hivernaux sont principalement à base de lin ou de colza. C’est ce qui nous permet de spécifier sur l’étiquette que ce fromage est riche en oméga-3 (voir encadré ci-dessus).» Son petit nom «des prés» rend aussi hommage à la tradition herbagère helvétique et aux vastes pâturages qui font la réputation des paysages jurassiens.

Le challenge d’une nouveauté
Le lait étant là, et de bonne qualité, comment crée-t-on un nouveau fromage? «J’ai toujours fait quelques petites spécialités pour la fromagerie, mais lancer une nouvelle marque, c’est un challenge, relève Sylvain Troutet sans trop en dire sur ses multiples essais et tâtonnements. On a goûté quelques fois, mais avant qu’il soit mûr, difficile d’être fixé.» Il a donc fallu patienter cinq mois avant d’être sûr du résultat. Le gélinot des prés est fabriqué avec le lait du matin. Celui-ci n’est pas chauffé avant le caillage, ce qui permet de conserver ses arômes et ses qualités. Puis le caillé est tranché dans les deux immenses cuves de cuivre toutes neuves de la fromagerie. Équipé d’immenses fenêtres donnant sur les pâturages et le village, le laboratoire offre un cadre de travail agréable et optimisé. La coursive, elle aussi vitrée, permettra aux écoles, et peut-être au public, d’assister à la fabrication sans déranger le fromager et son ouvrier.
Pressées dans des moules, les pièces sont retournées trois fois durant l’après-midi avant d’être plongées dans un bain de saumure durant toute la nuit. D’un diamètre un peu plus petit que son cousin à pâte dur, les meules de gélinot des prés pèsent entre 5 et 7 kilos. Elles sont stockées en cave sur des claies en bois, retournées régulièrement et brossées avec de l’eau salée uniquement.
Disponible pour l’instant à la fromagerie de La Brévine, le gélinot des prés doit maintenant se faire une place sur les étals. Espérons qu’il y soit moins rare que la secrète gélinotte des bois, ce bel oiseau forestier qui lui a donné son nom!

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): Guillaume Perret/Lundi 13

De l’herbe pour un fromage riche en oméga-3

Le gras du fromage, bon pour la santé? On croit rêver. Et pourtant! Lorsque les vaches broutent essentiellement des herbages ou des compléments naturellement riches en oméga-3, comme du lin ou du colza, une partie de ces acides gras essentiels se retrouve dans le fromage, à condition qu’il soit fabriqué à base de lait cru. «On peut couvrir nos besoins en oméga-3 en consommant de l’huile de colza ou de noix, par exemple. Mais les fromages qui en contiennent y contribuent, confirme Muriel Jaquet, diététicienne de la Société suisse de nutrition. Ce qui n’est pas inintéressant étant donné que ces acides gras oméga-3 ne sont pas largement répandus dans l’alimentation.» Or ils nous sont essentiels car ils participent à la régulation des processus inflammatoires et seraient favorables à la santé cardiovasculaire. Le gélinot des prés répond donc à tous les critères pour proclamer haut et fort, sur son étiquette, «Source d’oméga-3».

Le producteur

Sylvain Troutet est le fromager de La Brévine depuis juillet 2015. Ce père de deux, bientôt trois enfants, gère la fabrication tandis que son épouse Julie accueille les clients au magasin situé dans le village. Originaire de Franche-Comté, il a accompli sa formation de fromager en France voisine. Il avait déjà été ouvrier à la fromagerie de La Brévine avant de rejoindre celle des Jordans, à l’autre bout du lac des Taillères, où il est resté six ans. De retour parmi les Bréviniers, il est associé avec la Société coopérative des producteurs de lait. Installé dans une infrastructure flambant neuve, il en apprécie le cadre et la commodité de travail. C’est désormais un robot qui retourne les quelque 8000 meules de gruyère AOP produites chaque année. De quoi lui laisser le temps de fabriquer des gélinot des prés, voire de développer de nouvelles spécialités sous la marque DeLaBrévine.
+ D’infos La fromagerie de La Brévine est ouverte le lundi de 17 h à 19 h, du mardi au samedi de 8 h 30 à 11 h 30 et de 17 h à 19 h, le dimanche, de 9 h à 11 h et de 17 h à 19 h. www.delabrevine.ch