Décryptage
Le compost, une clé pour améliorer les sols agricoles

La qualité des sols et notamment le taux de matière organique est au cœur des préoccupations actuelles. Le compost, bien utilisé, s’avère un moyen simple pour améliorer l’humus dans les terres agricoles.

Le compost, une clé pour améliorer les sols agricoles

La qualité des sols est en passe de devenir un enjeu agricole et sociétal majeur, tant en Suisse qu’à l’étranger. Les phénomènes d’érosion et de perte en fertilité inquiètent, et l’on prend désormais conscience du rôle essentiel des sols dans la lutte contre le réchauffement climatique. «Maintenir la matière organique des sols est un défi et une urgence», lance Jacques Fuchs, spécialiste de la question à l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL). C’est l’humus, la matière organique du sol, qui en fait sa qualité. C’est une ressource clé, mais elle diminue malheureusement dans le monde entier. Parvenir à la conserver est donc un gage de durabilité. «Pour remonter la pente, le compost est une piste évidente puisqu’il améliore la teneur en carbone – et donc en humus – des sols agricoles.»
Cette précieuse matière issue de la transformation des matières organiques d’origine végétale, Fabien Chappuis ne saurait plus s’en passer. Voilà en effet quinze ans que l’agriculteur de Cuarnens (VD) amende ses sols à l’aide de compost. «Je n’ai pas de bétail et j’exporte ma paille. Au fil du temps, mes sols se sont appauvris. Le compost me permet d’y remédier et d’économiser sur les engrais du commerce.»

«Un allié agronomique»
L’agriculteur, qui exploite une quarantaine d’hectares de grandes cultures dans des terrains en pente, intègre donc chaque année environ 100 mètres cubes de compost entre les cultures de colza et de triticale. «Je l’incorpore dans les dix premiers centimètres à l’aide d’un outil à griffes.» Outre la hausse progressive du taux d’humus de ses terres, l’agriculteur apprécie particulièrement l’amélioration de leur structure. «Plus portant, moins compact, plus absorbant, mon sol retient désormais mieux l’eau. Il s’avère idéal pour y effectuer les travaux de semis simplifié comme le strip-till. Et par-dessus le marché, mon compost n’a pas beaucoup voyagé, puisqu’il provient des déchets verts de ma commune!»
Le compost de Fabien Chappuis a en effet été fabriqué par trois de ses collègues de Cuarnens qui ont créé la société de compostage SBZ en 2003. «À l’époque, c’était une forme de diversification pour nos exploitations, raconte son fondateur, Jean-Daniel Staub. Mais on a vite compris que le compost était un précieux allié agronomique.» Avec ses collègues Julien Bovet et Daniel Zimmermann, l’agriculteur broie environ 1500 tonnes de branchages et de déchets verts dans les déchetteries d’une quinzaine de communes de la région chaque année. Le broyat ainsi obtenu est andainé en bord de parcelles des trois agriculteurs ou de leurs collègues, puis régulièrement brassé, en moyenne tous les dix jours, durant trois mois, avant d’être enfin épandu.

Le compost, tout un art
«Le compostage de déchets verts est tout un art, précise encore Jean-Daniel Staub. Il faut, au moment du broyage, s’assurer qu’on a un équilibre entre les matières vertes et ligneuses. Car c’est de la composition du mélange que dépendra la qualité du compost final.» Des brassages réguliers, au besoin des arrosages, et surtout une surveillance de la montée en température du tas sont gages de réussite pour obtenir un compost de qualité. «Nous sommes des utilisateurs de ce compost et avons donc tout intérêt à ce que le travail soit bien fait», souligne Julien Bovet qui apprécie l’homogénéité de structure désormais affichée par ses champs, ainsi que leur capacité de retenir l’eau. «Et nos parcelles sont propres!», lance-t-il. Le compost souffre encore d’une mauvaise réputation associée à la présence de graines d’adventices qui saliraient les champs. «Nous maîtrisons aujourd’hui le processus et les mauvaises herbes ne sont pas un problème. On ne peut en dire de même avec le plastique, relève Jean-Daniel Staub. Malgré le tri réalisé en déchetterie et lors du broyage, on trouve encore des morceaux de sacs plastiques dans les tas…» Ce qui n’empêche pas le compost d’être source de bienfaits, à commencer par l’apport d’une matière fertilisante stable ainsi que l’amélioration du taux d’humus. «Le compost est une piste pour répondre au défi du réchauffement climatique, précise encore Jacques Fuchs. Le sol est en effet un réservoir essentiel de carbone de la planète, et l’amélioration de sa qualité ne peut que renforcer sa capacité de stockage.»

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller

Bon à savoir

Rendez-vous à Grangeneuve
Le 24 septembre prochain, l’Institut agricole de Grangeneuve (FR) organise une journée sur le thème «Savoir utiliser le compost en agriculture et dans les espaces verts», destinée aux agriculteurs et aux horticulteurs. Quelles sont les quantités préconisées, comment réussir l’incorporation du produit, quel est le niveau de sensibilité des cultures, quels sont les éventuels problèmes pouvant survenir, etc. seront quelques-unes des questions auxquelles répondront des experts, parmi lesquels Jacques Fuchs, du FiBL, Étienne Roulin, de SwissGreen, et Konrad Schleiss, de la société Umweko.

+ d’infos Information et inscription sur www.vulg-fr.ch ou au tél. 026 305 58 00.

Questions à

Clément Levasseur, spécialiste des sols à Grangeneuve (FR)

Que recommandez-vous aux agriculteurs débutant dans ­l’utilisation du compost?
De s’assurer dans un premier temps de la qualité du produit, en se renseignant, entre autres, sur son stade de maturité. Puis, de l’épanddre sur des microparcelles pour voir la réaction du sol. Enfin, de réfléchir à l’intégration du compost dans la rotation. Une exploitation bio sans bétail l’utilisera dans un but nutritif. Dans le cas de cultures spéciales, on peut utiliser le compost pour participer à la la protection phytosanitaire, puisqu’il va stimuler les défenses de la culture et empêcher le développement d’une flore microbienne indésirable.

Combien de temps avant des résultats tangibles?
Les apports chimiques et nutritifs du compost sont quasi immédiats. Par contre, sa participation à restructurer le sol prend plusieurs années. Il faut du temps pour que les organismes du sol, essentiellement les vers de terre et les champignons, forment le fameux complexe argilo-humiques qui est la clé pour retenir l’eau et les nutriments. Mais une fois la transition enclenchée, on est vraiment gagnant dans la lutte contre l’érosion. Les accidents climatiques (gros orages ou sécheresse) sont également abordés plus sereinement.