Recyclage
Le complexe démantèlement des appareils électroniques en fin de vie

Chaque mois jusqu’à l’été, nous partons à la découverte des principales filières de recyclage de Suisse. Dans ce troisième épisode, nous suivons le parcours des téléphones et autres lave-vaisselle hors d’usage.

Le complexe démantèlement des appareils électroniques en fin de vie

Fixée au plafond du gigantesque hangar de Solenthaler Recycling (Sorec), une grue empoigne une machine à laver dans ses griffes de fer pour la relâcher dans un impressionnant broyeur. Ici, à Gossau dans le canton de Saint-Gall, c’est le destin qui attend tous les déchets électroniques, petits et grands, comme les téléviseurs, les téléphones portables, les micro-ondes ou les lave-vaisselle. Équipés de casques de chantier et de gilets de sécurité, nous visitons l’entreprise, l’une des premières en Suisse spécialisée dans le démantèlement et le tri de ces appareils.

La première étape manuelle

Mais avant d’arriver ici, ces objets bien particuliers sont collectés dans les différentes déchetteries ou dans n’importe quel magasin spécialisé. S’ensuit un premier démantèlement, réalisé généralement à la main dans des ateliers à travers tout le pays. «Le travail manuel, nécessaire, permet un premier tri beaucoup plus efficace», note Lovey Wymann, communicante pour l’association Swico qui coordonne le recyclage en Suisse alémanique.

Grâce à cette étape, on isole les composants dangereux, comme les batteries, qui doivent être traités séparément. Markus Stengele, responsable de la qualité de l’environnement et de la sécurité à Sorec, nous illustre l’opération: il se place sous une coupole puisque les éléments qu’il manipule comportent des produits toxiques; armé d’un tournevis, il ouvre une tablette pour en dévoiler la batterie. Celle-ci est alors jetée dans un fût spécial en acier. «Il contient une protection en plastique et de la vermiculite pour assurer une isolation thermique contre le feu», précise-t-il. Elle sera envoyée chez Inobat, le responsable suisse du recyclage des piles.

Quant au reste de l’appareil, il poursuit son chemin pour être broyé. Une fois ce passage terminé, et bien que le matériel électronique soit désormais déchiqueté, on n’est pas au bout de ses peines. Il reste encore du travail, car le recyclage de ces petits morceaux est probablement l’un des plus complexes en raison des divers matériaux qu’ils contiennent: du verre, du plastique et une vingtaine de métaux différents.

Broyés, aimantés, criblés

À l’intérieur du centre de démantèlement, d’assourdissants engins grondent. Une légère poussière accompagne l’odeur de fer régnant dans l’atmosphère. Partout autour de nous, des bandes transporteuses pénètrent dans d’impressionnants dispositifs. À leur sortie, ces tapis se sont démultipliés et acheminent des éléments désormais triés. «Cette machine comporte un aimant, indique Nicolai Solenthaler, chef du département de recherche et développement de Sorec, en désignant la première à la sortie du broyeur. Elle permet de séparer les métaux ferromagnétiques. Le reste est ensuite criblé au travers d’un tamis.» Ainsi, lorsqu’ils ressortent, les déchets tombent dans un trou, où, dans la chute, les éléments en aluminium s’échappent dans une division, attirés par un champ magnétique. Puis le tout est encore passé au détecteur de métal.

Récupéré dans l’un des conteneurs en bout de chaîne, chaque élément sera expédié dans son centre de recyclage respectif. Là encore, il restera du chemin à faire, en particulier pour les métaux. «Il faut les dissocier pour éviter les pertes, ajoute Nicolai Solenthaler. Ce processus se déroule dans des raffineries spécialisées. Ici, nous les envoyons en Belgique. Il y en a moins d’une dizaine dans le monde, car elles représentent un investissement massif.»

Un secteur en développement

Chaque année, en Suisse, près de 130000 tonnes d’appareils électroniques sont démantelées puis triées. Il existe plus de 6000 points de collecte et de livraison à travers tout le pays, et 680 entreprises sont signataires de la convention Swico, garantissant le recyclage de ces déchets. «De manière générale, nous récupérons 95% du matériel usagé, se réjouit Lovey Wymann. Il y a quelques exceptions, comme les téléphones portables. Les gens y sont attachés et ont tendance à les garder plutôt qu’à les jeter. Mais dans l’ensemble, le secteur devient de plus en plus efficace.»

Et ce malgré des appareils toujours plus délicats à traiter. À l’intérieur des smartphones par exemple, les composants sont intégrés les uns aux autres, ce qui rend le processus de séparation des batteries bien plus complexe que pour les anciens modèles. Il y a les cartouches d’imprimante, dont le toner est explosif, qui doivent elles aussi être démantelées séparément. Sorec a récemment développé un dispositif permettant leur démontage, qui doit se faire dans un milieu humide pour éviter la moindre étincelle. «Les technologies de recyclage se développent et s’améliorent, sourit Nicolai Solenthaler. Le fonds Swico pour l’innovation encourage notamment ces projets.»

Texte(s): Mattia Pillonel
Photo(s): Mattia Pillonel

Ces déchets, ce sont...

  • 15 kilos par année et par habitant.
  • 130000 tonnes par an sont envoyées dans le cycle de démantèlement.
  • 6000 points de collecte à travers toute la Suisse.
  • 680 partenaires industriels.
  • 95% des appareils en fin de vie sont récupérés; 75% du matériel total est recyclé.
  • 62% des éléments isolés durant le processus sont du métal.