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La vigilance est de rigueur pour la cueillette des champignons

Après un été pauvre en champignons, petites pluies et rosées automnales devraient à nouveau faire pointer leurs chapeaux. Attention à bien les choisir et à respecter quelques règles.

La vigilance est de rigueur pour la cueillette des champignons

Dans le sous-bois, le vert de la mousse a perdu toute sa vivacité et les buissons souffrent visiblement de la sécheresse. Même les arbres présentent un feuillage dont les couleurs tournent déjà. Pour Christiane Salgat, contrôleuse officielle des champignons, rien de bien surprenant à l’absence de délices des bois dans ces conditions. «Avec la forte canicule des mois de juillet et août, cette disette est normale. Néanmoins, le début de l’année a été très bon pour la cueillette. Si nous traversons actuellement une période pauvre, cela ne signifie pas pour autant que la saison automnale est compromise. De bonnes petites pluies persistantes, une rosée matinale et un peu de chaleur devraient suffire à faire surgir une quantité de champignons dans l’étuve qui se forme sous les bosquets.»
À quelques pas devant nous, masqués par des ronces, quelques chapeaux orangés suscitent soudain l’attention de la spécialiste. Ils vont lui servir à montrer les influences de la sécheresse sur les champignons, mais aussi à insister sur des règles importantes à respecter. «On remarque que ces russules – en l’occurrence une espèce non comestible – ont perdu toute leur fraîcheur. Elles sont rabougries et dures. Or, la fraîcheur du champignon est un point primordial, en parallèle bien sûr à une parfaite connaissance des espèces, lors de la cueillette. Des champignons réputés comestibles mais pas frais peuvent en effet dégrader l’ensemble d’une récolte délicieuse lorsqu’ils sont véreux, altérés ou spongieux. Le risque est le même lorsqu’ils sont mal préparés ou pas optimalement conservés. Plus de 60% des cas d’indigestions ou d’intoxications sont dus à des bolets», met en garde la spécialiste.

Influence de l’homme
Les interventions de l’homme sur l’environnement ne sont pas négligeables, fait remarquer Christiane Salgat. «Il a été observé que des déchets de taille de haies de thuyas abandonnées dans les prés étaient la cause de contaminations toxiques de l’agaric champêtre (Agaricus campestris) pourtant bon comestible. Et, bien que cela reste plutôt ignoré, des particules de césium 137, arrivées à la suite de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, sont de nos jours encore fixées dans la sphaigne, plante à l’origine des tourbières où se cachent de bonnes espèces, tel le bolet bai (Xerocomus badius), classé avec le recul comme espèce à risque.»
Aujourd’hui, le nombre de contrôleurs diplômés est malheureusement à la baisse. «Il y a un risque réel que cela entraîne une hausse des cas d’intoxications, avertit la spécialiste. D’autant que le nombre de cueilleurs à pour sa part notablement augmenté. Ayant moi-même appris toute petite à reconnaître les différentes espèces – à 4 ans, sa mère l’installait sur une souche pour observer sa cueillette – puis à les apprêter chacune selon ses spécificités, je pense qu’il serait bon qu’un enseignement de qualité soit dispensé dans les écoles, de même qu’aux chasseurs et aux professionnels de la forêt. N’oubliez surtout pas qu’après les avoir coupés, les préparer sur place favorise à la fois leur reproduction et la protection de la biodiversité.» Nous ne sommes en effet pas seuls à apprécier les champignons. Les chevreuils, les écureuils et les petits rongeurs en consomment aussi. Ils savent même, selon Christiane Salgat qui l’a observé, choisir parmi deux espèces pour se tourner vers la meilleure. Plus étonnant: l’amanite phalloïde, réputée pour ses intoxications mortelles chez l’homme, est consommée sans dommage par certains rongeurs. Pour la spécialiste, il reste tout de même 35 à 40 espèces de champignons à savourer, dont plus d’une vingtaine carrément excellentes.

+ D’infos Du 10 au 14 septembre, la VAPKO (Association suisse des organes officiels de contrôle des champignons) organise un cours de formation à Veysonnaz (VS).

Texte(s): Daniel Aubort
Photo(s): Daniel Aubort

Notre experte

Détentrice du diplôme fédéral de contrôleuse officielle des champignons depuis 1997, Christiane Salgat est également présidente de la commission scientifique de la Société mycologique du Nord vaudois. Elle officie aussi en tant que contrôleuse d’empoisonnement. En cas d’urgence hospitalière pour cause d’intoxication alimentaire, les hôpitaux font appel à elle pour déterminer avec précision quels sont les champignons qui ont été ingurgités par erreur ou simplement en trop grande quantité.

+ D’infos Un numéro en cas d’urgence: le 145, www.toxinfo.ch