Maraîchage
La tomate genevoise n’a pas à rougir de ses performances énergétiques

L’entreprise Jaquenoud a inauguré une serre destinée à la production de tomates à Lully (GE). Un système de déshumidification par ventilation permet de limiter considérablement le recours au chauffage au sol.

La tomate genevoise n’a pas à rougir de ses performances énergétiques

Cette année, le volume de tomates produit par l’entreprise Jaquenoud, à Lully, va pratiquement doubler, passant de 2500 à 4500 tonnes. La raison? Une nouvelle serre multichapelles en verre de 4 hectares, dont 3,7 consacrés à la production. Elle abrite pas moins de 60 000 plants à même de produire jusqu’à 30 tonnes de fruits par jour. La nouvelle serre, dévolue aux tomates, a été construite en 2017. Son budget se monte à 9,5 millions de francs, dont une part a été financée via le projet de développement régional agricole genevois.

Ventilation active
Le projet, initié en 2004, permet de faire des économies d’énergie à hauteur d’environ 25%. «L’ancienne chaudière à gaz de 10 megawatt suffit pour chauffer les 6,5 hectares de serres traditionnelles existants ainsi que la nouvelle infrastructure», apprécie Alban Jaquenoud. Pour arriver à ce résultat, l’isolation thermique des fondations et des parois du nouveau bâtiment ont été particulièrement soignées. La principale économie d’énergie repose toutefois sur un système de ventilation active (AVS). «Dans la phase de préparation du projet, nous sommes allés visiter de nombreuses installations. On trouve aujourd’hui, dans le sud de la France ou au Moyen-Orient, des serres à air conditionné refroidies par des rideaux d’eau. Ce système est inadapté et trop ambitieux pour la Suisse.»
La famille Jaquenoud a donc privilégié un système de ventilation fabriqué en Hollande, pour déshumidifier la serre. «En production conventionnelle, on doit mettre le chauffage au sol pour que l’air humide soit poussé en hauteur et s’évacue par les ouvrants de toiture. Les ventilateurs du système AVS aspirent l’air extérieur de façon contrôlée et le répartissent dans la serre. Le renouvellement complet de l’air est ainsi assuré deux fois par heure, 24 heures sur 24.» Résultat: une économie financière sur la consommation énergétique, une meilleure répartition du CO2 et la diminution des maladies, les plants de tomates étant mieux ventilés. Bien sûr, le programme informatique permet de contrôler et d’adapter tous les paramètres bioclimatiques, en fonction des données internes à la serre et de la situation météo. Au niveau technique, d’autres mesures d’économie d’énergie ont été prises. Le CO2 issu de la combustion du gaz naturel est réinjecté dans la serre durant la journée. De plus, si l’eau d’arrosage provient du réseau, elle tourne cependant en circuit fermé. Celle de drainage est désinfectée par ultraviolet avant d’être réutilisée. «Nous travaillons avec le système des bacs d’engrais, précise François Jaquenoud. Une fois la solution nutritive prête, elle est stockée dans un silo de 200 m3. Cela nous permet de compenser d’éventuels problèmes de pompes, mais c’est aussi un avantage au niveau du pH et de l’électro-conductivité, qui sont plus stables.»

Optimisation des cultures
Passé le sas de désinfection, on découvre les serres de l’intérieur. Les plants de tomates s’étendent à perte de vue. Dans les allées, les robots Power Bee, installés sur leurs rails automatiques, se chargent du transport des cageots. À l’extérieur, dans la zone de conditionnement, le déchargement est totalement automatisé. Vingt-cinq personnes travaillent dans la serre, principalement à l’effeuillage et à la récolte, qui s’échelonne de mars à fin novembre. Ils cueillent des tomates grappes endeavour destinées à Migros. Cette variété offre des rendements intéressants et une résistance standard. Elle exige toutefois la pose de supports de bouquets en début et en fin de saison.
Les plants sont cultivés en hydroponie dans des pains de laine de roche. Des bourdons se chargent de la pollinisation tandis que des auxiliaires macrolophus assurent la lutte biologique. La surpression a tendance à pousser les insectes en hauteur, vers les volets ouvrants. Placées à près de 3 mètres de haut, des bandes collantes jaunes permettent d’évaluer la pression des ravageurs.

Un seul mois à vide
La fin de culture approche. Début novembre, les arrosages seront progressivement réduis pour que la laine de roche s’assèche. Elle sera ainsi plus légère à évacuer. Les plantes seront hachées puis brûlées, car la ficelle qui leur sert de support n’est pas compostable. Une fois les gouttières et les goutteurs ôtés, la structure et le système d’irrigation seront désinfectés au chlore et à l’eau oxygénée. La serre ne restera en vide sanitaire qu’un mois environ. Tout début janvier, la saison recommencera avec les nouvelles plantations. Spécialisée dans la tomate hors sol, l’entreprise familiale produit également 180 tonnes d’aubergines, 40 tonnes de courgettes et 45 tonnes de fraises mara des bois.

+ D’infos www.jaquenoudsa.ch

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): Guillaume Mégevand

La tomate suisse, c’est:

49’051 tonnes produites en Suisse en 2017, pour 88’248 tonnes consommées en Suisse, soit 6,6 kg par habitant.
2535 tonnes de fruits cultivés en bio.
184 hectares consacrés à sa culture.
53% des parts de marché.
1 tomate suisse sur 5 est cultivée à Genève.
11 tonnes de petites tomates indigènes.
Leur volume a presque doublé depuis 2010.
Les tomates en grappe sont les plus produites, juste devant les tomates rondes et les variétés cerises en grappe.

Soutien régional bienvenu

«Sans le soutien du projet de développement régional agricole genevois (PDR), on aurait sans doute fait les choses plus simplement», reconnaît Alban Jaquenoud. Sur un budget total de 9,5 millions de francs consentis pour la nouvelle serre, 2,7 millions proviennent du PDR. «Rien que le système de ventilation AVS représente 40% de la subvention. Grâce à cette aide, nous avons pu installer des gaines sous une rangée de plants sur deux.»
Le PDR a été lancé en 2012. Il vise le développement durable de l’agriculture genevoise, le développement de nouvelles filières et l’augmentation de la part des produits bruts transformés (légumes, lait et céréales). Au total, 16 projets individuels ou collectifs genevois se sont partagé les 65 millions mis à disposition. Les deux tiers ont été financés par la branche. La Confédération a participé à hauteur de 13,5 millions auxquels s’ajoutent
10,5 millions en provenance du canton de Genève.