Société
La protection de la nature doit beaucoup aux dons et aux legs

En fin d'année la collecte de fonds bat son plein. Les dons représentent la majeure partie du financement des organisations actives dans la protection de l'environnement. Et les legs testamentaires sont des bonus bienvenus.

La protection de la nature doit beaucoup aux dons et aux legs

Fin octobre, Greenpeace Suisse annonçait devoir réduire son personnel à la suite d’«une baisse inattendue des dons survenue cette année, plus particulièrement dans le domaine des legs». Sept personnes sur les 127 employés que compte l’organisation environnementale vont être licenciées, mais le nombre final de postes n’est pas encore défini. Cette annonce met en lumière une réalité pour toutes les fondations d’utilité publique: leur survie dépend de la générosité des donateurs.
Sur les 24,9 millions de francs de budget annuel de Greenpeace Suisse, les dons et les legs représentent 98% du total. Un pourcentage relativement semblable pour toutes les autres organisations de protection de l’environnement basées en Suisse. Ce fonctionnement leur assure une totale indépendance vis-à-vis de l’État, des pouvoirs publics et des entreprises privées.
Il les rend par contre fortement dépendantes de leurs donateurs.

Donner local?
«De 2009 à 2013, dons et legs étaient en hausse. Depuis lors, les deux sont en recul. Fin septembre, il nous manquait deux millions de francs par rapport à l’an dernier, souligne Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace Suisse. Malgré l’urgence de la situation climatique, la protection de l’environnement ne fait pas partie des thèmes les plus importants pour les Suisses.» Une affirmation démentie par plusieurs autres organisations caritatives actives en Suisse telles que Birdlife Suisse, WWF Suisse, Pro Natura ou Vogelwarte, qui voient plutôt une augmentation de cette manne. Une explication réside peut-être dans le fait que Greenpeace est par essence plutôt active au niveau international, pour la protection des forêts boréales ou des océans. Des préoccupations sans doute plus lointaines que la protection des oiseaux alpins. À noter d’ailleurs que 46% des revenus de Greenpeace Suisse contribuent au financement de projets internationaux. «Les pires atteintes à l’environnement observées à l’échelle de la planète se concentrent dans des pays où il est quasi impossible de lever des fonds, précise Mathias Schlegel. Sans la contribution de l’antenne helvétique, l’organisation perdrait sa capacité de mener autant de projets hors de nos frontières.»
Martina Ziegerer est directrice de la Fondation Zewo. Cette dernière certifie, par l’attribution d’un label de qualité, les bonnes pratiques de plus de 500 organisations d’utilité publique à but non lucratif en Suisse. À noter que Greenpeace n’en fait pas partie. Observatrice avertie de la générosité helvétique, Martina Ziegerer ne constate pas de baisse exceptionnelle des dons pour les organisations du domaine de la protection de l’environnement. «Bien sûr, individuellement, cela peut être différent. Mais selon nos statistiques, le volume de dons n’a pas changé  significativement.» La Société suisse d’utilité publique, qui promeut les activités bénévoles d’intérêt général et gère des fondations, nuance quelque peu cette affirmation. Elle relève que les dons ont plutôt augmenté ces dernières années dans les domaines de la lutte contre les maladies et la protection des animaux. Alors qu’ils ont diminué dans le domaine de la pauvreté, des églises et de l’environnement.

Surenchère caritative
Malgré le fait que la plupart des organisations actives dans la protection de la nature ne constatent pas de baisse de soutien, il faut relever la concurrence croissante que se livrent les fondations d’utilité publique en Suisse. La législation libérale leur étant particulièrement favorable, dans notre pays, leur nombre est en augmentation constante (voir ci-dessous). Et même si les Suisses sont de plus en plus généreux (voir les chiffres ci-dessous) et que 71% des personnes des plus de 15 ans donnent régulièrement de l’argent, la recherche de fonds est un enjeu permanent.
À cela s’ajoutent les crises humanitaires et catastrophes naturelles qui captent épisodiquement l’attention des donateurs. D’autant qu’elles donnent lieu à des appels à la solidarité par le biais de la Chaîne du Bonheur qui est soutenue par les radios et télévisions publiques. Suite au tsunami de 2005, le total des dons encaissés en Suisse avait atteint 1,7 milliard de francs, contre un peu plus de 1 milliard en 2004 et en 2006.

De l’importance des testaments
En 2016, 533 millions de francs ont été versés par des privés sous forme de dons uniques, contributions régulières, parrainage, cotisations de membres ou de bienfaiteurs. Les donations testamentaires se montent, elles, à 170 millions de francs. Pour les associations contactées, cela représente entre 5 et 10% des revenus. Mais les fluctuations annuelles sont importantes et surtout imprévisibles. En 2016, un legs extraordinaire a, par exemple, fait grimper cette part à 33% chez Pro Natura. «Dans le cadre des normes Zewo, la création de réserves d’exploitation devrait être en mesure de compenser les fluctuations imprévues des legs. Le capital et les fonds doivent couvrir les dépenses totales de l’institution pour un minimum de trois mois et un maximum de vingt-quatre mois», détaille Michael Schaad, porte-parole de Vogelwarte. La prudence est donc de mise dans l’élaboration des budgets. «Nous utilisons des valeurs moyennes de revenus annuels sur dix ans, explique Pierrette Rey au nom du WWF. Les exceptions sont des cadeaux qui n’entrent pas dans les budgets et peuvent être affectés en plus, là où les besoins de l’environnement sont les plus importants.»
La recherche de fonds dans ce domaine est délicate. D’autant que les campagnes de communication sur ce thème connaissent un taux de réponse très bas. Il n’est jamais évident d’envisager sa mort et il se passe, souvent beaucoup d’années avant que les dispositions établies par testament ne soient exécutées. Et que l’argent soit disponible pour une bonne cause.

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): DR

Les Suisses sont de plus en plus généreux

  • 1,79 milliards de francs de dons ont été versés à des organisations d’utilité publique en 2016. Ce chiffre dépasse toutes les années antérieures, à l’exception de 2015. En 2006, les gens avaient donné 1,08 milliards de francs.
  • dont 533 millions de la part des ménages privés;
  • dont 335 millions de dons institutionnels;
  • dont 170 millions de francs de legs;
  • 71% des personnes de plus de 15 ans donnent souvent de l’argent. Les femmes plus souvent que les hommes.
  • 300 francs par an et par ménage: la valeur moyenne des donations d’utilité publique.+ D’infos www.zewo.ch

Boom des fondations d’utilité publique

Elles sont 13 172, fondées sur des motifs altruistes… ou des avantages fiscaux; actives dans une multitude de domaines: du sport à la culture, en passant par les services sociaux ou l’environnement. Leur nombre est en constante augmentation depuis les années 1990. Le canton de Zurich regroupe le plus grand nombre de fondations, devant Vaud, Berne et Genève. «Ces dix dernières années, on observe une nette augmentation des fondations actives dans les domaines activités internationales (+53%), environnement (+50%) et éducation et recherche (21%)», lit-on dans le Rapport sur les fondations en Suisse 2017. La Suisse est l’un des pays européens où il est le plus facile de créer une fondation d’utilité publique. Il suffit qu’elle soit inscrite au Registre du commerce pour être reconnue. Aucune approbation n’est nécessaire de la part de l’autorité. Pour être exonérée d’impôt, elle se doit d’être d’intérêt général et non lucrative. Les dons faits à des fondations d’utilité publique sont déductibles de l’impôt fédéral jusqu’à concurrence de 20%, selon les cantons.
+ D’infos www.swissfoundations.ch