Agriculture
La pomme de terre n’a pas la frite!

Pluie printanière et été sec débouchent sur une récolte de tubercules faible. Les calibres sont petits, ce qui oblige l’industrie de la frite, notamment, à revoir ses exigences.

La pomme de terre n’a pas la frite!

La récolte de pommes de terre s’annonce à nouveau très faible cette année. «Les rendements à la surface (265 kilos de part comestible par are) se situent pratiquement au niveau historiquement bas atteint en 2013 (262 kg/a) et 2015 (269 kg/a)», signale Swisspatat. Le rendement moyen est en baisse de 23% comparativement aux cinq dernières années.
Les pluies persistantes de la fin du printemps ont mis les tubercules sous stress dès le départ. La longue période de chaleur et de sécheresse de cette fin d’été a donné un coup d’arrêt à leur croissance. Les calibres sont donc petits et les qualités, internes et externes, très hétérogènes. «Dans la Broye, nous ne nous en sortons encore pas trop mal, témoigne Alexandre Duc, agriculteur de Granges-Marnand (VD). Dans les variétés à chips Pirole et Lady Claire, on trouve pas mal de creuses. Les trous se trouvent surtout dans les plus gros tubercules. À la livraison, si l’échantillon dépasse la norme admise qui est de 40 kg sur 20 t, il ne reste qu’une option: retrier pour enlever toutes celles dont le calibre dépasse 75 à 80 millimètres. La maladie du cœur creux se développe en présence de températures basses et d’une forte humidité relative durant la tubérisation. Invisible de l’extérieur, elle se caractérise par une cavité longitudinale, parfois en forme de croix, dans la moelle de la pomme de terre.

Une production compliquée
L’agriculteur broyard livre ses pommes de terre de transformation à Frigemo, à Cressier (NE). Ce groupe de Fenaco est le leader suisse des produits surgelés, réfrigérés ou secs, à base de patate. Fournisseur pour McDonald’s et détenteur exclusif de la marque de frites McCain, l’entreprise transforme plus de 50 000 tonnes de tubercules par an. D’entente entre les représentants de la production (USPPT),
du commerce (Swisscofel) et de l’industrie (SCFA), vu les conditions particulières de cette année, la tolérance de refus pour les pommes de terre de transformation est passée de 10 à 12%. Pour les variétés à chips, le calibre a été élargi de 42,5 mm à 75 mm au lieu de 70. Pour les frites, le calibre s’étend de 42,5 à 82 mm pour toutes les variétés, excepté pour l’Innovator, qui n’a pas de calibre maximum.

Alexandre Duc relève que les variétés à frites sont moins sujettes au cœur creux, mais qu’elles peuvent laisser apparaître des fissures ou des fentes. Ces désordres physiologiques se développent lorsqu’un épisode humide survient après une période chaude et sèche. Dans les cas les plus sévères, une part de l’amidon peut se transformer en sucres réducteurs donnant l’impression que la pomme de terre se liquéfie. «L’Agria en a particulièrement souffert», signalait l’agriculteur de Cudrefin (VD) Joël Bonny dans nos colonnes fin septembre.

En définitive, les pommes de terre à frites avec des fissures de croissance pouvant être éliminées avec deux passages de l’éplucheur seront acceptées, sans déduction. Entre 12 et 20% d’éventuels autres défauts, les lots seront pris en charge comme lots sommairement triés. Mais au-delà de 20%, ils pourront être refusés. «Nos conditions de prises en charge ont été adaptées à la situation, nous avons accepté une grande part de fissures de croissance, ce qui a pour conséquence une forte diminution du rendement», relève Francis Scheidegger, responsable des matières premières chez Frigemo. «La difficulté, c’est que l’industrie nous demande des pommes de terre toujours plus grosses, ajoute Alexandre Duc. Donc, elles marquent plus vite à l’arrachage. L’Innovator, pour les frites, est particulièrement sensible aux coups et aux taches bleues. Entre les exigences du marché et les conditions de production, la culture de la pomme de terre est devenue compliquée. C’est presque du maraîchage. Et au final, le prix n’a pas beaucoup évolué en vingt ans.» En raison des perspectives de récoltes, toutefois, les prix ont légèrement augmenté. L’Agria, principale variété à frites, atteint 43 fr. 75 les 100 kilos contre 43 fr. 10 en 2015.

À long terme, on peut s’interroger sur la pérennité de l’approvisionnement en pommes de terre de transformation suisses. «Elle ne sera probablement pas mise en question, tant que nos clients souhaitent essentiellement de la matière première indigène, estime Francis Scheidegger. Il est vrai que les fortes variations climatiques annuelles peuvent influencer négativement l’équilibre entre l’offre et la demande. Il appartient donc à l’ensemble de la branche de trouver les outils qui garantissent au mieux cet équilibre malgré ces variations. Il est donc important selon nous d’augmenter les investissements visant à développer les variétés plus résistantes au climat.»

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): Jean-Paul Guinnard

Phytosanitaire

Les conditions humides et fraîches de la fin du mois de mai ont été particulièrement favorables au développement du mildiou. Le premier foyer a été signalé dans le Seeland, mi-mai. D’autres ont
ensuite été annoncés dans les cantons de Saint-Gall, de Thurgovie, d’Argovie et du Tessin, principalement sur les pommes de terre primeurs au retrait des plastiques. «Cette année, ça a été sport, confirme Alexandre Duc producteur dans la Broye. Pendant deux semaines et demie, on a dû traiter quasiment tous les quatre jours puis ça s’est calmé.»
Côté virus, Agroscope vient d’annoncer le remplacement du test immunologique utilisé depuis trente ans par une nouvelle méthode moléculaire plus rapide, précise et adaptée à la détection de nouvelles maladies: la PCR en temps réel. Cette méthode ne nécessite plus l’utilisation
de traitements chimiques pour lever la dormance. Elle est plus rapide, mais n’augmente pas les coûts d’analyse.
+ d’infos www.agroscope.ch

La récolte 2016, c'est

  • Le nombre de producteurs est estimé à 4650.
  • La surface moyenne par producteur s’élève à 234,4 ares.
  • La surface totale atteint 10 898 hectares.
  • La récolte totale 2016 est estimée à 372 901 tonnes contre 388 819 tonnes en 2015, 503 767 tonnes en 2014 et 359 761 tonnes en 2013, soit la récolte la plus basse de ces dix dernières années.
    + d’infos www.patate.ch