Reportage
La paille en granulés du séchoir d’Orbe séduit les pros

Les pellets de paille ont de plus en plus la faveur des éleveurs. Une tendance que la coopérative régionale exploite depuis 2019 grâce à sa nouvelle chaîne de production, la seule du genre en Suisse romande.

La paille en granulés du séchoir d’Orbe séduit les pros

Sur le tapis roulant, les balles de paille se succèdent et se laissent docilement avaler par la vis sans fin qui les désagrège et les entraîne vers une trémie; il en sort une pluie de menus pellets à la chaude odeur végétale. Après un nouveau séchage final, ces petits granulés seront conditionnés, pour la plupart en vrac, mais certains en «big bags» de près d’une tonne, d’autres en sacs de 25 kg. Ils constituent la nouvelle production du séchoir d’Orbe, une exclusivité romande qui a permis à la coopérative vaudoise de passer d’un volume annuel de 4500 à 9000 tonnes – et un nouveau jalon dans la vie de la société fondée en 1942. Installé depuis 2016 dans des locaux flambant neufs sur la plaine de l’Orbe, à deux pas des établissements pénitentiaires du même nom, le séchoir a pu ainsi doubler ses capacités; l’entreprise est donc à même de répondre à de nouvelles demandes, dans un environnement nettement amélioré, notamment quant à la gestion de la poussière et du bruit.

Un double objectif
«Le séchage de l’herbe et du maïs, l’essentiel de notre production, se concentre sur une période de six semaines en automne, qui représente la période de travail le plus intense pour le séchoir, explique son gérant, Ernest Dubi. On y fait du 24h/24 7 jours sur 7, en recourant à une quinzaine de collaborateurs suppléants en plus des deux personnes qui travaillent à l’année; parmi eux, plusieurs coopérateurs qui doivent composer avec leur emploi du temps dans leur propre exploitation. J’avais envie depuis longtemps de faire de la paille, pour lisser un peu ces pics de production sur douze mois, tout en proposant un produit qui intéresse de plus en plus les professionnels.» En février 2019, un sondage interne auprès des 200 membres de la coopérative (tous agriculteurs dans la région) a permis d’escompter une demande de paille transformée de 400 à 500 tonnes par an. «On s’est dit: il y a donc un marché pour le double… Allons-y!», sourit Ernest Dubi.

Les granulés de paille, en pellets ou émiettés, recueillent en effet l’adhésion de plus en plus de professionnels. Aviculteurs et détenteurs de bétail en louent les qualités d’absorption et d’hygiène autant que les facilités de manipulation (ndlr: voir encadré ci-dessous); publiée en 2017, une étude de la Haute École des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) s’est penchée sur les mérites comparés de différents types de litières pour chevaux, test de six semaines à l’échelle 1:1 et analyses en laboratoire à la clé.

Verdict: les granulés émiettés ont une capacité d’absorber l’humidité plus de trois fois supérieure à celle de la paille longue, et deux fois plus élevée que celle des copeaux de bois; ils génèrent moins de travail et moins de fumier que toute autre litière. Et si leur coût est plus élevé que celui de la paille longue, il reste en deçà de celui du bois. Transformer sa propre paille permet en outre de faire considérablement baisser la facture finale.

Un marché diversifié
Bénéficiant d’une aide financière du Canton, la coopérative a commandé les machines nécessaires en avril de l’année dernière; le 31 juillet, le séchoir était prêt à produire ses premiers pellets de paille. «Un challenge, sourit Ernest Dubi. En deux mois, on a transformé plus de 300 tonnes, avant de nous arrêter le temps de nous consacrer à la production du maïs et de l’herbe. Depuis décembre, nous en avons produit une quantité équivalente. Nous sommes les seuls à offrir ce produit en Suisse romande.»

Environ 2000 à 2500 kg de paille peuvent être transformés en granulés en une heure à Orbe, soit 13 balles carrées ou rouleaux – la machine ne fait pas la différence. La production du séchoir se divise entre la transformation de paille apportée par les coopérateurs et la vente de granulés élaborés à partir de paille achetée.

Contrairement à certains produits de la concurrence, les granulés urbigènes ne contiennent aucun additif, «ni colle, ni sels, ni rien», précise Ernest Dubi. «Nous proposons d’ailleurs également des pellets de paille bio. On attache une grande importance à pouvoir répondre à tout type de demande, au besoin en adressant le requérant auprès d’une autre exploitation. Et nous ne voulons exclure aucun marché, même de niche. Animaleries, petits zoos, pourquoi pas? Si on peut le faire à Orbe plutôt qu’ailleurs en Europe, ça mérite réflexion», conclut le gérant.

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Thierry Porchet

Appréciés à la halle comme à l’écurie

Olivier Guichard, Orzens (VD)

Poulets de chair, halle de 600 m2, 8500 poulets 36 jours/12000 poulets 30 jours

«Nous sommes d’abord passés des copeaux de bois à de la paille émiettée européenne; depuis l’an dernier, on fait granuler notre paille au Séchoir d’Orbe, pour un coût à peu près équivalent. Un big bag de 800 kg suffit à couvrir la halle et le jardin d’hiver; avec 16 tonnes de pellets émiettés, nous disposons d’une réserve de deux ans. La couverture et l’absorption sont optimales et les granulés ménagent les pattes des poussins. En outre, on fait fonctionner l’économie régionale et on est tranquilles si le prix de la paille se met à grimper en cas de sécheresse.»


Pascal Henchoz, Essertines-sur-Yverdon (VD)

Lait de gruyère AOP, 85 vaches en stabulation libre

«Le mélange paille et chaux nécessitait la location d’une machine; en outre, des problèmes de qualité du lait apparaissaient. Il y a trois ans, on est passé aux pellets émiettés; depuis 2019, nous faisons transformer notre propre paille, en ajoutant juste une poudre de désinfection. 55 tonnes suffisent pour un an, moins si les bêtes sont beaucoup en extérieur. Le mieux: ajouter régulièrement de petites quantités. Leur pouvoir d’absorption est excellent, la manutention aisée et les allées sont très propres, les robots-nettoyeurs n’étant pas sujets au bourrage.
Et plus de problèmes de qualité du lait!»