Elevage
La lutte contre le piétin passe par des mesures d’hygiène stricte

Le piétin est une maladie bactérienne largement répandue chez les moutons. Une nouvelle ­campagne de lutte à l’échelle nationale vise à assainir les troupeaux suisses. Seul un engagement de tous les acteurs de la filière ovine permettra en effet de venir à bout de ce fléau.

La lutte contre le piétin passe par des mesures d’hygiène stricte

Douleurs aiguës, diminution de la production laitière, prise de poids plus faible des agneaux, boiteries invalidantes: les conséquences d’une infection d’un troupeau par le piétin sont importantes du point de vue du bien-être animal. Sans parler des pertes économiques qu’entraîne cette pathologie, à cause des frais de traitement élevés, de la baisse de rentabilité et du surplus de travail.
«Le piétin est extrêmement contagieux, souligne Nathalie Rochat, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. Un programme de lutte coordonné à l’échelle de la Suisse est donc incontournable pour espérer contenir les conséquences sanitaires et économiques de cette pathologie à long terme. Notre rôle est d’informer les détenteurs d’ovins sur les moyens de la combattre. Beaucoup d’entre eux sont concernés. En 2015, une étude avait déterminé que 40% des exploitations étaient touchées.»
La bactérie responsable de la maladie se nomme Dichelobacter nodosus. Elle pénètre dans la peau de l’espace interdigité et détruit la corne, ce qui entraîne peu à peu son décollement. En l’absence de traitement, cette infection peut aboutir à la chute de l’onglon. Des onglons mal entretenus, ainsi que des blessures cutanées superficielles facilitent sa prolifération.

Gestion rigoureuse du troupeau
«Si des altérations typiques, comme des inflammations purulentes de l’espace interdigité, peuvent être observées, cela n’est pas toujours le cas, ce qui complique le diagnostic, relève Nathalie Rochat. Mais nous pouvons dés­ormais compter sur un nouveau test par écouvillon qui permet d’attester la présence de l’agent pathogène, même sans signes extérieurs visibles.»
Contrairement à certaines croyances, tous les ovins peuvent être touchés, quels que soient le sexe, l’âge et la race. Les chèvres, ainsi que des animaux à onglons sauvages comme le bouquetin, sont également concernés et peuvent représenter une source d’infection. Assainir un troupeau atteint est tout aussi important que protéger les moutons indemnes contre le risque d’une contamination. Traiter des animaux isolés ne donnant pas de résultats durables, ce n’est qu’en incluant l’ensemble du troupeau que l’on peut lutter efficacement. Si les individus gravement atteints doivent être traités par antibiotiques, un pédiluve une à deux fois par semaine est efficace dans la majorité des cas. «La bactérie, qui ne peut se développer que dans un environnement anaérobie, reste infectieuse pendant une semaine sur les instruments de parage et les bottes, un mois dans la litière et les pâturages et jusqu’à six mois dans des déchets de corne, souligne Nathalie Rochat. Seules une hygiène stricte et une gestion rigoureuse de l’exploitation peuvent donc parvenir à l’éradiquer, puis à éviter toute réinfection.» Éviter toute source de contamination, examiner fréquemment ses animaux, tailler régulièrement les onglons, renoncer à acheter des moutons d’exploitations non assainies: tout cela permet de garder son troupeau indemne.


Comment gérer l’achat?
➤ Quarantaine à prévoir
Lors de l’achat d’animaux dans une autre exploitation ou de l’échange de béliers, il convient de vérifier qu’ils proviennent d’une exploitation indemne. Un mouton peut en effet être porteur de la bactérie responsable du piétin sans présenter de symptômes.
En cas de doute, il faut prévoir une quarantaine, où les animaux concernés sont séparés du troupeau. Après un nettoyage et une taille des onglons, les moutons doivent passer une fois par semaine au pédiluve, jusqu’à ce qu’un examen bactériologique atteste l’absence de piétin. Les mêmes règles s’appliquent après une exposition ou un marché.

Puis-je les estiver sans risque?
➤ Installer un pédiluve
Durant l’estivage, des moutons en provenance de différentes exploitations sont réunis sur le même pâturage. Le risque d’infection est alors particulièrement élevé, même sans contact direct. Les chemins utilisés pour monter à l’alpage peuvent en effet suffire à contaminer les animaux indemnes, s’ils ont été empruntés par des moutons porteurs de la bactérie. Installer un pédiluve sur le site de déchargement des animaux permet de limiter les risques. Les véhicules utilisés pour le transport des moutons doivent également être désinfectés soigneusement.

Que faire avec les visiteurs?
➤ Établir des règles strictes
Les tondeurs, pareurs et vétérinaires qui circulent d’un troupeau à l’autre représentent un risque important de transmission de la bactérie responsable du piétin. Celle-ci peut en effet adhérer aux chaussures et autres objets, restant infectieuse jusqu’à une semaine. Demander aux visiteurs de changer de souliers ou d’utiliser des surchaussures jetables en plastique, ou installer un bain de désinfectant à l’entrée de la bergerie doit faire partie des nouvelles habitudes de gestion. La désinfection des instruments de parage entre chaque exploitation doit également être la règle.

Un pédiluve, oui, mais comment?
➤ Un bain suffisamment long
Un pédiluve efficace ne s’improvise pas. Les onglons doivent être propres, afin que le désinfectant puisse bien pénétrer. Il vaut donc la peine de prévoir un premier bain, uniquement pour laver la corne. Ensuite, il faut que les moutons restent suffisamment longtemps dans le pédiluve: une durée de 10 minutes est le minimum. À la sortie, laisser les moutons pendant une heure sur un sol dur permet au produit d’agir plus efficacement. On peut utiliser le sulfate de cuivre, le sulfate de zinc ou le formol. Répéter l’opération une ou deux fois par semaine en cas d’infection.

Quelles mesures à respecter?
➤ Éliminer la corne
L’hygiène de la bergerie et de ses alentours est tout aussi importante que les autres mesures citées. La bactérie peut rester infectieuse plusieurs mois dans les déchets de corne issus du parage des onglons. Ceux-ci doivent donc être éliminés systématiquement, ce qui n’est possible que si la taille est effectuée sur un sol dur. Un terrain consolidé autour des abreuvoirs et des pierres à lécher diminue également le risque de transmission de l’agent infectieux, qui prolifère dans les terrains humides. Un pré qui n’a pas été occupé pendant au moins quatre à huit semaines ne représente plus de source de contamination.

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Claire Muller