Epizootie
La lutte contre la grippe aviaire passe par un contrôle des poulaillers

Ces derniers jours, les quatre inspecteurs du Service vétérinaire neuchâtelois sillonnent le Littoral pour vérifier que les mesures contre le virus H5N8 sont respectées dans des centaines de poulaillers privés. Ce n’est de loin pas le cas.

La lutte contre la grippe aviaire passe par un contrôle des poulaillers

En se faufilant dans les ruelles d’un quartier résidentiel de Bôle (NE), difficile d’imaginer le nombre de poulaillers installés dans les jardins, derrière les haies de thuyas. Durant tout un après-midi, Alexa Oppliger, biologiste au Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV), experte du bien-être animal, va les inspecter un à un. Depuis une semaine, elle sillonne le canton avec trois autres collègues, afin de contrôler que les mesures pour lutter contre la grippe aviaire soient respectées. Cette fois, elle a une dizaine de poulaillers à inspecter, parfois distants d’à peine quelques mètres les uns des autres. «La zone de contrôle se situe dans un rayon de trois kilomètres du lac de Neuchâtel, où de nombreux oiseaux migrateurs passent l’hiver, explique-t-elle. C’est un secteur sensible.»
Depuis le mois de novembre, des dizaines d’oiseaux, morts de la grippe aviaire, ont été ramassés sur les rives du lac de Constance, puis sur celles des lacs romands. Même si aucun cas de contamination au virus H5N8 n’a été constaté dans un élevage pour l’heure, le risque de contamination est bien présent. Berne a donc exigé un confinement des volailles pour éviter la propagation de l’épizootie qui fait d’immenses dégâts en France, notamment (voir l’encadré ci-dessous).

Prolongation du confinement
Si les éleveurs professionnels diposent de structures permettant de garder leurs poules à l’abri dans un jardin d’hiver, ce n’est pas le cas des nombreux particuliers. Face au danger, la Confédération a annoncé qu’elle prolongeait la mesure jusqu’à fin mars, au grand dam des poules et des oies qui commencent à trouver le temps long. Comme certains de leurs propriétaires d’ailleurs. «On a constaté un relâchement de la part des privés, du coup les contrôles inopinés ont été intensifiés», poursuit Alexa Oppliger, après une rapide inspection des lieux. Ici, rien à redire. Direction la maison voisine. Même si tous les détenteurs de volailles annoncés auprès du canton de Neuchâtel – près de 800 au total – ont reçu une lettre rappelant les quatre mesures à prendre il y a peu (voir l’encadré ci-contre), force est de constater que, sur le terrain, elles ont du mal à être appliquées. Dans plus de la moitié des poulaillers visités ce jour-là, les pensionnaires ne sont pas assez protégés. Grillage aux mailles dépassant les 2 centimètres de diamètre où les moineaux peuvent se faufiler, nourriture en libre accès, mare à disposition des migrateurs, la liste des manquements aux règles est longue. Alexa Oppliger les recense, les notant scrupuleusement. «Le risque de contamination est pourtant élevé, rappelle la biologiste. On se rend compte qu’il faut bien expliquer, voire rappeler les mesures. Parfois, elles n’ont pas été bien comprises.»
Souvent, l’inspectrice trouve porte close lorsqu’elle arrive à destination, au milieu de l’après-midi. Cela ne l’empêche pas d’inspecter les installations, étant habilitée à le faire sans toutefois y entrer, un appareil photo en main pour collecter des preuves. Sa visite est toujours accompagnée le lendemain d’un appel aux propriétaires n’ayant pas suivi les recommandations. Puis, ils recevront un courrier spécifiant les infractions constatées. En cas de récidive, ces contrôles peuvent déboucher sur une dénonciation au Ministère public. Elle-même est étonnée de voir un certain laisser-aller s’installer, alors que la menace est réelle. «Atteindre les 50% de non-conformité, c’est énorme, relève Alexa Oppliger. Cela montre l’importance des contrôles ciblés.»
Parfois, les voisins contactent directement le SCAV pour dénoncer des cas. «De nombreux propriétaires se sont annoncés spontanément lors de la médiatisation des cas de grippe aviaire en Suisse, constate-t-elle. Cela a permis de mettre à jour les données dont nous disposions, datant de la première quarantaine liée à la grippe aviaire en 2006.» Dans d’autres cantons, notamment sur Vaud, les vétérinaires, surveillants de la faune, gardes-pêche et autres contrôleurs gardent un œil sur les poulaillers pendant leurs tâches quotidiennes, faisant remonter les infractions constatées au service vétérinaire.

Contrôles bien acceptés
À Neuchâtel, le SCAV, épaulé par la police vu l’ampleur de la tâche, a mené l’an dernier une série de contrôles préventifs sur la base de ces données. Magali Philippin s’en souvient bien. Depuis, ses oies sont privées de mare dans son jardin à Colombier. «Chaque matin, elles courent jusqu’à son emplacement et se mettent à râler, raconte-t-elle. Le plus pénible est de devoir les rentrer à l’intérieur à midi pour les nourrir, puis de les faire ressortir. Il faut que quelqu’un soit alors présent. On a un peu l’impression de passer notre vie à leur apporter de l’eau.» Les mesures ont toutefois été assouplies par rapport au confinement exigé en 2006, un compromis pour le bien-être des animaux qui ont tendance à déprimer lorsqu’ils sont enfermés des mois durant. «Ces contrôles ne me gênent pas, note Lucienne Trévisani, admirant ses poules s’ébattant dans la neige à Bôle. Comme j’habite sur place, cela ne me dérange pas de les faire sortir une deux fois par jour.» Mais n’ayant pas aperçu d’oiseau mort sur les rives du lac, elle peine à mesurer l’ampleur de la menace planant sur ses petites protégées. Quitte à laisser parfois la porte du poulailler ouverte, une pratique interdite lui rappelle Alexa Oppliger. L’inspectrice en profite pour lui expliquer la situation, une courte discussion qui permet de rappeler les missions de chacun dans un but commun, la lutte contre ce fameux virus, intransmissible à l’homme. Puis la biologiste reprend la route en direction de la prochaine mare à canards.
Les quatre inspecteurs du SCAV de Neuchâtel continueront leur mission jusqu’à l’envol, fin février, des oiseaux migrateurs. Ils retourneront voir les propriétaires afin de s’assurer de la mise en conformité des lieux de détention des volailles. Tous espèrent que la quarantaine sera ensuite levée, les poules et les oies en premier lieu.

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Muriel Antille

Les quatre règles à respecter

  1. Séparer les espèces Les canards, oies et autruches doivent être placées d’un côté de l’exploitation, les volailles domestiques de l’autre, sans possibilité d’entrer en contact.
  2. Pas d’accès au bassin Les baignades sont interdites, sauf si le plan d’eau est inaccessible pour les oiseaux sauvages.
  3. Repas au chaud Les volailles doivent être nourries et abreuvées à l’intérieur.
  4. Maison close Si ces trois mesures ne peuvent pas être prises, les volailles domestiques doivent être enfermées dans un poulailler ou à l’aide de cloisons latérales ou d’auvents au toit étanche.

+ D’infos www.blv.admin.ch

Des élevages entiers ont été éliminés en France

Plus d’un million de canards et autres palmipèdes a été abattu en France depuis le début de l’année. Des milliers d’autres ne devraient pas passer l’hiver, le pays ayant lancé une politique d’abattage massif et préventif dans les zones touchées par le virus H5N8 le 4 janvier, pour tenter d’enrayer l’épidémie de grippe aviaire. À la fin janvier, 187 foyers avaient été confirmés dans les élevages, dont un en Ile-de-France, ainsi que 18 cas dans la faune sauvage, selon plusieurs médias français. Un premier cas a également été découvert chez un particulier en Belgique, pays qui avait été épargné jusqu’ici par ce virus dont la présence a déjà été avérée dans 24 pays européens. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande par ailleurs d’éviter tout contact avec des volailles ou oiseaux sauvages malades ou morts, surtout à mains nues et de les signaler aux autorités compétentes. L’OMS conseille aussi de bien cuire sa viande et à une température élevée.