Agriculture
Josef et Sonja Küchler ont abandonné les vaches laitières pour se consacrer à l’élevage de bufflonnes.

Sur leur exploitation, Sonja et Josef Küchler élèvent une centaine de bufflonnes. Destinées à la production laitière, ces bêtes exotiques se sentent à leur aise dans la campagne zurichoise.

Josef et Sonja Küchler ont abandonné les vaches laitières pour se consacrer à l’élevage de bufflonnes.

De la route de terre qui relie l’arrêt de bus à la ferme de la famille Küchler, cette dernière ressemble à n’importe quelle exploitation laitière. Une étable moderne, deux imposants silos et, tout autour, des prés noyés dans la brume. Mais à mesure que l’on s’approche, il devient de plus en plus clair que les silhouettes sombres qui vont et viennent dans la grande stabulation ne sont pas des vaches. Trapues, le poil dur, le front bombé et les cornes tournées vers l’arrière, ce sont des bufflonnes.

Bien différentes des vaches
Il y en a plus d’une centaine à la Riedenholzhof de Sonja et Josef Küchler, qui ont fait le pari de cette diversification rare voilà huit ans. «Jusque-là, nous avions un troupeau de holsteins, raconte Josef Küchler. Mais l’année 2009 a été difficile, avec un prix du lait historiquement bas, même pour nous qui étions déjà labellisés bio. J’ai entendu parler de l’élevage de bufflonnes, dont le lait se vend à près de 4 francs le litre. Je me suis renseigné et ai décidé de me lancer dans ce créneau.» Plus facile à dire qu’à faire: reste à trouver les animaux – les premiers buffles seront achetés chez trois éleveurs déjà actifs en Suisse, dont les frères Stähli, pionniers au Val-de-Travers (NE) – et les créneaux de distribution pour la production de lait et de viande. Les débuts ne sont pas faciles, mais le circuit se met en place et ce produit de niche trouve son public.
«Une bufflonne, ce n’est vraiment pas comparable à une vache, sourit Josef Küchler. J’ai dû apprendre à les comprendre.» Il découvre notamment qu’il est impossible de commander à un groupe de buffles avec la voix ou le bâton: «La première fois que j’ai ouvert la porte de leur écurie, je n’ai pas réussi à les faire sortir! Puis j’ai compris que je n’avais qu’à ouvrir la marche sans me retourner pour qu’elles me suivent.»

Une ferme à la ville
Une autre de leurs particularités tient dans le fait qu’elles entretiennent une relation exclusive avec leur éleveur. «Elles s’attachent très vite à une ou deux personnes, explique l’agriculteur. C’est pratique, parce qu’elles me font confiance, mais cela a aussi pour conséquence qu’il est difficile de me faire remplacer, surtout à l’heure de la traite.»
En salle de traite, justement, rien n’a changé depuis la réorientation de la ferme. Par contre, le reste des installations a dû être adapté à ces bovidés pas franchement délicats: des plaques métalliques renforcent les poutres mises à rude épreuve par les coups de corne, tandis que des buses permettent de diffuser une brume rafraîchissante durant les plus chaudes journées: «La peau des buffles ne leur permet pas de transpirer pour réguler leur température corporelle. C’est aussi pour cela qu’ils creusent de grandes mares dans lesquelles ils se baignent durant l’été.» Le lait des 50 bufflonnes de Sonja et Josef Küchler n’a pas tardé à trouver preneur. Il est transformé dans une laiterie de la région en feta, en yoghourts et en pâte molle puis commercialisé, notamment en vente directe sur l’exploitation. La viande est elle aussi valorisée, fraîche ou en saucisses.
Si ce marché, qui occupe Sonja à plein temps, rencontre un fier succès, c’est aussi grâce à l’accessibilité particulière de la ferme, que l’on peut atteindre en quelques minutes en transports publics du centre-ville. «Cette proximité avec la ville de Zurich, qui est d’ailleurs propriétaire du domaine, a à la fois des avantages et des inconvénients, nuance Josef Küchler. On retrouve beaucoup de déchets dans les prés, et il faut parfois remettre à l’ordre les propriétaires de chiens.» Diplomatie et esprit d’initiative, voilà sans doute les qualités requises pour gérer une ferme aux portes de la ville.

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean

En chiffres

  • 46 hectares, une moitié en grandes cultures et l’autre en pâturages.
  • 70 ares de petits fruits: framboises,
  • myrtilles, raisinets et cassis.
  • 1 marché à la ferme.
  • 120 buffles au total, dont 50 bufflonnes laitières et 2 taureaux reproducteurs.
  • 7 vaches holsteins.
  • + d’infos www.riedenholzhof.ch

Bon à savoir

Avec 8% de matière grasse, le lait de bufflonne est deux fois plus riche que celui de vache et recèle également des teneurs en protéines et en vitamines plus élevées. Vendu entre 3 et 4 francs le litre, ce lait bien particulier est prisé des amateurs de mozzarella, mais convient également à la confection de nombreuses autres spécialités fromagères. Il est aussi généralement bien toléré par les personnes sensibles au lactose. La productivité de la bufflonne est toutefois bien inférieure à celle de la vache: si certaines des bêtes de Josef Küchler fournissent jusqu’à 4000 kg par an, la moyenne oscille plutôt autour des 2000à 2500 kg. Si la Suisse est encore loin de l’Italie, leader européen de l’élevage de buffles domestiques avec un cheptel comptant près de 150 000 animaux, cette activité se développe dans plusieurs régions, du canton de Neuchâtel à la Suisse orientale: on dénombre une vingtaine d’éleveurs et environ 3000 bufflonnes dans le pays. Peu exigeants en infrastructures, ces animaux sont particulièrement adaptés aux exigences de l’agriculture biologique et se passent volontiers d’aliments concentrés.