Portrait
Johanna Dayer concentre son énergie dans la vigne et le verre

Artisane de la biodynamie au Clos de Tsampéhro (VS) et chroniqueuse à l’émission Amuse-gueule sur la RTS, la bouillonnante jeune femme est aussi une dégustatrice hors pair, candidate au Master of Wine.

Johanna Dayer concentre son énergie dans la vigne et le verre
Passionnée, ambitieuse, volubile et portée sur la découverte, Johanna Dayer n’est pas du genre à emprunter des chemins détournés pour atteindre ses objectifs. Sa matu en poche, cette native de Genève originaire d’Hérémence (VS) qui souhaitait déjà faire du vin son univers professionnel a donc annoncé à ses parents sa volonté d’emprunter la voie rapide, à savoir la Haute École de Changins. «Mais ma mère m’a plutôt suggéré d’entrer à l’École hôtelière de Lausanne (EHL), en mettant en avant le caractère très éclectique de cette formation.» Sur le campus lausannois, la jeune femme oubliera vite sa frustration initiale, rencontrant «plein de gens intéressants» et concentrant efforts et intérêts dans le monde viticole, tout en assumant des «miniboulots», que ce soit au Festival Caprices ou à l’œnothèque Le Yatus. Attentive à nourrir sa passion par l’acquisition disciplinée de connaissances théoriques en matière d’œnologie, elle fréquente en parallèle les cours du Wine & Spirit Educational Trust (WSET), un centre de formation international.
De fan à membre de l’équipe
Couplé au légendaire networking de l’EHL, ce bagage de poids lui permet d’intégrer Provins avant même la fin de ses études. Engagée à 100% une fois son diplôme en poche, elle y seconde Madeleine Gay à l’événementiel, chargée des grands crus de la coopérative valaisanne. C’est là que vient la chercher son prédécesseur au Clos de Tsampéhro, Emmanuel Charpin, réclamé quant à lui au Château de Villa, à Sierre. «J’ai accepté tout de suite, raconte-t-elle. Manu est un ami, et je suivais depuis le début l’aventure du Clos où je venais souvent déguster.»Forte d’un master en marketing numérique et communication passé au pas de charge, également en cours d’emploi, elle va mettre ses compétences au service d’un domaine dont le positionnement reflète le niveau d’exigence, à la vigne comme en cave. Du haut de gamme, mais ancré dans une pratique terrienne – un prérequis pour elle. Dès le départ, elle ne se cantonne pas aux fichiers clients, mais s’implique à fond aux côtés des trois autres mousquetaires du domaine créé en 2011 à Flanthey – le vigneron Joël Briguet, l’œnologue Vincent Tenud et l’administrateur Christian Gellerstad, tous convaincus que la dynamique de leur petite structure exige de chacun un engagement croisé.Moins technique, plus authentique
À peine âgée de trente ans, la benjamine de l’équipe va progressivement imprimer sa marque sur Tsampéhro. Poussée par son enthousiasme indéfectible, elle met en œuvre la reconversion biologique de ce beau domaine d’un seul tenant abrupt sur l’adret sierrois. Avec les arbres fruitiers et les haies d’arbustes indigènes visant à lutter contre l’érosion, les couverts végétaux, les apports de fumier de cheval et de marc font leur apparition entre les rangs. À côté d’une guérite transformée en atelier à tisanes, un jardinet d’herbes aromatiques fournit la matière de traitements phytosanitaires 100% naturels, et les principes de la biodynamie font bientôt partie de la philosophie culturale du clos. Une évolution inéluctable pour Johanna Dayer, qui se dit «favorable à un renversement de la norme entre viticulture conventionnelle et bio en Valais» – et y travaille au sein des comités de BioValais et de l’Association romande de biodynamie.

À la cave, la gamme de Tsampéhro (un brut en méthode traditionnelle, deux blancs, dont un assemblage, et un rouge également issu de plusieurs cépages) va suivre une évolution similaire. «On reste très minutieux, mais on intervient moins, résume Johanna Dayer. Je crois qu’on est parvenus à donner encore plus d’authenticité et de profondeur à nos vins, en limitant le degré de technicité.»

Le plaisir de travailler
Enseignant désormais au WSET, elle tient un blog sur Le Temps, devient chroniqueuse boissons à l’émission de la RTS Amuse-gueule, et surtout est la première femme en Suisse à s’être lancée dans l’aventure du Master of Wine, une formation à la dégustation et à la communication d’un niveau sans équivalent dans le monde entier. Vorace et méthodique, elle passe haut la main la partie théorique et entame un intense bachotage en vue des épreuves pratiques, repoussées d’un an à cause de la pandémie. Sous l’égide d’un mentor de l’EHL, elle déguste, établit des fiches et les mémorise. Mais sans tout arrêter pour autant: «J’aime trop travailler, et j’adore ce que je fais. La révision passe souvent en second…» Entendez par là en deuxième place d’un planning journalier aussi rigoureux que celui d’un astronaute de l’ISS, basé sur une hygiène de vie ultra-stricte. Après un sommeil monitoré sur sa montre connectée, le yoga au réveil est venu remplacer le double expresso et un compte-pas lui permet de s’assurer qu’elle en fait dix mille par jour; le week-end, c’est batch-cooking saisonnier, local et végétarien. Rien de monastique pourtant, assure-t-elle; commander seule une portion de fondue au restaurant n’a ainsi pas de quoi l’effrayer. Paddle et rando en été sur les hauts des Collons, où elle réside lorsqu’elle ne rejoint pas Genève, peau de phoque et ski de fond en hiver complètent la prescription. «Il faut trouver l’angle «plaisir» pour se motiver à faire des choses difficiles».

+ D’infos www.clostsampehro.com

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Céline Ribordy

Son univers

Une boisson: Le thé vert. «Surtout le sencha et le gyokuro. Déguster et découvrir le thé est aussi passionnant que le vin.»
Un plat: La soupe à la courge. «J’en fais par grandes quantités. J’en mange presque tous les jours en saison.»Un livre: Measure What Matters. «Je lis exclusivement en anglais, toujours des livres de développement personnel.»Un chanteur: Frank Sinatra. «J’ai toujours été fan! Il me calme et me met de bonne humeur.»