agriculture
À Aubonne, les laitues et les tomates poussent avec le soutien du cosmos

Cet été, nous vous emmenons à la découverte des multiples facettes du ciel. Dans ses Jardins de Chivrageon, Raphaël Gétaz compose ainsi avec les astres pour semer, repiquer et récolter ses légumes.

À Aubonne, les laitues et les tomates poussent avec le soutien du cosmos

Le soleil est à peine levé sur La Côte, mais l’on s’active entre les plates-bandes des Jardins de Chivrageon: préparation des rangs où les plantons de salades seront mis en terre, désherbage des carottes semées il y a quelques jours et pulvérisation d’un thé de compost sur les feuilles des simples (mélisse, sauge, origan, thym, lavande, hysope) sont quelques-unes des tâches accomplies en ce début de matinée. «On est en «jour feuille», signale Raphaël Gétaz, le maître des lieux. On a donc encore prévu de semer les épinards et les côtes de bettes.»
Fraîchement installé comme maraîcher bio sur les hauteurs d’Aubonne (VD), Raphaël Gétaz maîtrise déjà à la perfection les subtilités du calendrier lunaire. «Je considère mon exploitation comme un organisme vivant, affirme le jeune homme de 23 ans. Mes plantes réagissent à des cycles astraux. Je me cale donc sur ces rythmes pour intervenir dans les cultures.»
Mais s’il a les yeux braqués sur le cosmos, cela ne l’empêche pas de garder les pieds sur terre. «La finalité de mon entreprise maraîchère est avant tout commerciale, confie-t-il d’emblée. J’ai trois salaires à sortir et il faut que ma microferme tourne, sans paiements directs.» Pour cela, il s’agit de disposer d’un sol le plus fertile et vivant possible. «La biodynamie est un excellent moyen d’y parvenir. L’observation des rythmes cosmiques est un outil parmi d’autres pour augmenter mes chances de réussite.»

Suivre le cycle lunaire
Afin de planifier les travaux, Raphaël Gétaz consulte chaque début de semaine le Calendrier biodynamique des semis 2018, une véritable bible pour le maraîcher. «Au jour le jour, le calendrier m’indique les moments favorables pour effectuer les semis, les apports de fumure ou la taille.» Comme tout ceux qui jardinent avec la lune, le Vaudois est donc coutumier des notions de jours fruits, jours racines, des nœuds lunaires et des trigones planétaires. «Mon planning d’intervention, du semis à la récolte, s’organise en fonction de ces données. Ainsi, en lune montante, j’effectue boutures et semis, qui réussiront mieux, et je récolte mes fruits. Ils seront plus juteux et se conserveront bien mieux. En lune descendante, je transplante, j’apporte la fumure et le compost, car la terre emmagasine plus efficacement les nutriments.» Respecter les rythmes du cosmos et leurs influences est une composante supplémentaire qui ne constitue en rien une contrainte pour le maraîcher vaudois qui doit pourtant jongler entre la météo, les marchés à préparer et les commandes pour les restaurants à honorer. «C’est un choix délibéré que j’ai fait de suivre cette voie», affirme-t-il.
Toutefois, sur l’exploitation de Raphaël Gétaz, l’utilisation des rythmes cosmiques ne prime en aucun cas sur les conditions agronomiques et météorologiques lors de la prise de décision et de la planification des travaux. «C’est seulement si j’ai un sol en bon état, réchauffé et bien ressuyé que je peux affiner mon travail avec des influences plus lointaines, lance-t-il, pragmatique. On sait par exemple qu’on devrait s’abstenir de travailler lors d’un nœud lunaire, car il provoque des inhibitions de croissance. Mais si je suis en retard dans les semis, que mes plates-bandes sont prêtes et que ma pépinière déborde de plantons, alors j’y vais et tant pis pour la lune… C’est la réalité du terrain qui l’emporte!»

Une évidence
Si de nombreux jardiniers suivent les rythmes du cosmos pour décider des jours de taille ou de traitements, rares sont les maraîchers, arboriculteurs ou agriculteurs de notre pays à être certifiés par Demeter, l’organe faîtier pour la biodynamie en Suisse. Mais pour Raphaël Gétaz, cuisinier de formation qui s’est initié au maraîchage en autodidacte, appliquer les principes de la biodynamie sur son hectare de cultures était une évidence. «C’est en me penchant plus sérieusement sur mon projet, il y a quelques années, que j’ai découvert l’importance des rythmes cosmiques et telluriques. Ça m’a tout de suite parlé et lorsque je me suis lancé, j’ai immédiatement fait les démarches pour être certifié par Demeter.»
Aujourd’hui, le jeune homme cultive en pleine terre et sous tunnels 250 variétés de légumes qu’il commercialise sur les marchés d’Aubonne, Rolle et Coinsins (VD). «Peu de mes clients connaissent les spécificités de la biodynamie. C’est n’est clairement pas un atout au niveau commercial», reconnaît-il en contrôlant l’état des tomates qu’il cueillera dès demain. «Nous serons en «jour fruit».

+ D’infos

Texte(s): Claire Müller
Photo(s): Olivier Evard/DR

Des plantes sous influence

La gravitation exercée sur terre par le soleil et la lune provoque les marées et agit également sur la dynamique des courants de sève chez la plante. Mais selon les biodynamistes, la lune et les planètes ont également une influence sur le développement et la croissance des végétaux, ainsi que sur leur maturation et leur capacité à se reproduire. Le rythme lunaire, mensuel (27,3 jours), correspond au passage de la lune devant une des douze constellations d’étoiles qui va stimuler un des quatre éléments (terre, eau, air, chaleur) et donc l’un des quatre organes de la plante (fruit, fleur, racine, feuille).

questions à...

Laurent Dreyfus, coordinateur du Mouvement de l’agriculture bio-dynamique, association active en France

Depuis quand les hommes utilisent-ils les cycles lunaires et astraux pour la production végétale?
Depuis toujours! Les anciens suivaient déjà, de façon intuitive, le rythme de la lune. C’est seulement dans les années 1950-60 qu’on a formalisé ces observations grâce aux travaux de l’Allemande Maria Thun, la première à établir une corrélation entre la croissance des végétaux et la position de la lune par rapport aux constellations du zodiaque. C’est elle qui a initié le concept des périodes favorables à la culture des légumes-racines, fleurs, feuilles ou fruits. Ces principes régissent désormais le calendrier lunaire, aujourd’hui traduit en dix-huit langues.

Le suivi des rythmes cosmiques est-il réellement compatible avec une production agricole commerciale et à grande échelle?
C’est tout à fait possible, à partir du moment où on a conscience de ce que l’on fait. Nous recommandons aux producteurs de faire preuve de bon sens et de pragmatisme, quitte à
ne pas respecter à la lettre le calendrier lunaire.