Agriculture
Il vaut mieux bien connaître son taureau pour travailler en sécurité

Pour pallier les problèmes de fécondité de leur troupeau, des éleveurs optent désormais pour la monte naturelle. Le taureau est donc de retour dans les étables. Ce qui ne se fait pas sans un certain apprentissage.

Il vaut mieux bien connaître son taureau pour travailler en sécurité

Quel éleveur, même expérimenté, n’a jamais eu des sueurs froides en apercevant le taureau qui partage d’ordinaire en toute quiétude la stabulation ou le pâturage de ses vaches laitières, gratter le sol, baisser la tête, voire parfois charger? «Mes taureaux n’ont eu que très rarement des comportements agressifs, mais ce sont des moments que je ne suis pas près d’oublier», témoigne Mickaël Currat. Ce jeune producteur laitier de Châtel-Saint-Denis (FR) élève trois taureaux, âgés de 6 mois, 1 et 2 ans.

Voilà quelques années que le Fribourgeois a réintroduit des mâles reproducteurs au sein de son troupeau qui compte une vingtaine de vaches laitières. «Étant actuellement en reconversion bio, il me faudrait choisir, si je pratique l’insémination artificielle ou j’utilise des taureaux non issus de transfert d’embryon. Or le choix est relativement restreint en la matière. Par ailleurs, je rencontre ces dernières années des problèmes récurrents de fécondité. La monte naturelle m’a donc paru être une solution intéressante pour y remédier.»

Les producteurs laitiers sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à faire un choix identique. Pour des raisons zootechniques, par confort de travail ou à la suite d’un simple raisonnement économique. «Acquérir un taureau s’avère au final rapidement rentable», poursuit le jeune agriculteur. Seulement voilà, après des décennies d’insémination artificielle, le retour du taureau au sein d’une exploitation laitière nécessite de prendre quelques précautions. «Élever des mâles reproducteurs est un réel savoir-faire. Le taureau peut soudainement devenir agressif. De par sa force et son comportement, il doit être manié avec précaution», avertit Cornelia Stelzer, éleveuse de vaches mères et spécialiste en comportement bovin pour le Service de prévention des accidents en agriculture. Elle formule donc quelques recommandations pour assurer sa sécurité et éviter tout accident.

Surveiller le comportement

Si on n’a jamais détenu de taureaux à la ferme, mieux vaut acquérir un mâle auprès d’un élevage extérieur. «Les taureaux laitiers ne sont pas sélectionnés sur le comportement à la différence des mâles reproducteurs pour l’élevage allaitant. Il faut donc nécessairement s’assurer auprès du vendeur qu’on a à faire à un animal calme», conseille Cornelia Stelzer. S’ensuit une nécessaire période d’observation à l’étable. «Comment réagit-il quand j’entre dans son box? Est-il plutôt craintif ou en confiance? S’approche-t-il ou s’éloigne-t-il de moi? Il faut se poser toutes ces questions et prendre le temps d’apprendre à connaître l’animal.»

Ritualiser son quotidien

Les bovins étant des animaux naturellement guidés par un instinct de fuite, ils ont tendance à se comporter en proies et à considérer toute modification dans leur environnement comme un danger potentiel. Les taureaux n’échappent pas à cette règle. «J’observe effectivement qu’ils sont plus sensibles, plus délicats aux bruits, aux changements d’habitudes que les vaches», confirme Mickaël Currat. D’où l’importance, pour Cornelia Stelzer, de ritualiser un minimum le quotidien de ces animaux. «Il est important que ce soit toujours la même personne qui s’en occupe. Que ce soit elle qui les nourrisse, les soigne et les mène au licol pour les saillies ou sur le ring.»

Aménager l’écurie

Avant de prendre taureau, il faut penser à tous les déplacements que ce dernier effectuera dans et autour de l’étable. Il convient dès lors d’aménager des couloirs de contention en conséquence. «S’il est en stabulation libre, il faut malgré tout définir une place fixe au cornadis et renforcer ce dernier par sécurité, précise Cornelia Stelzer. Si le taureau est attaché au licol, pensez à lui offrir suffisamment de place pour effectuer un demi-tour, car il déteste reculer.» Le box est une solution intéressante, à condition qu’il soit équipé de barrières verticales suffisamment espacées pour permettre la fuite d’un homme.

Éviter le jeu
La manière d’élever un jeune mâle joue un rôle primordial dans la conduite du futur taureau une fois parvenu à l’âge adulte. «Sitôt qu’on sait que le veau qui vient de naître st destiné à devenir un mâle reproducteur, il faut le considérer à part entière», met en garde Cornelia Stelzer. Pas question, donc, de jouer avec lui, de lui caresser la tête, de l’inciter à pousser avec son front. «Le veau mâle ne doit pas être un partenaire de jeu, poursuit l’experte. Car cette proximité créée entre l’éleveur et l’animal dans les premiers jours de vie peut se révéler dangereuse à terme.» Enfin, il est prouvé que l’attitude de l’éleveur ou du soigneur influence le comportement du taureau. «Les taureaux élevés par des personnes grossières ou irritables se révèlent bien plus agressifs que ceux qui ont été au contact d’une personne calme et sereine.»

+ D’infos Le Service de prévention des accidents dans l’agriculture organise régulièrement des formations autour de l’éthologie bovine et de la manutention, y compris des formations de chuchotage sur demande pour des groupes.

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller

Étienne Junod, formateur en chuchotage bovin

En quoi consiste le chuchotage?

C’est une technique de dressage qui vise à établir un lien de confiance et de respect mutuel entre l’homme et l’animal. On se base pour cela sur la pratique des chuchoteurs américains pour chevaux, Monty Roberts et Pat Parelli, dont le savoir-faire a été démocratisé par
le film L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux. Le chuchotage est valable pour tous les herbivores. Pour les bovins, il est parfaitement indiqué et permet d’obtenir de magnifiques animaux d’exposition, qui se vendent d’ailleurs bien plus cher.

En quoi est-ce recommandé dans le cas de l’élevage d’un taureau?
Cela permet de travailler la confiance qui manque cruellement dans la relation entre l’éleveur et son taureau. Dès le sevrage, et au plus tard jusqu’à 11 mois, on peut gagner la confiance et le respect du jeune mâle en y consacrant certes un peu de temps. L’éleveur devra évidemment toujours rester sur ses gardes, mais pourra laisser de côté ses peurs et son bâton. On observe des résultats positifs en répétant pendant une semaine des séances de 30 à 40 minutes de chuchotage.