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LA VACHE
UN FACTEUR D’INTÉGRATION ESSENTIEL


À Anniviers, posséder du bétail reste le meilleur moyen de se faire sa place dans une société où l’on aime rire de tout – sauf des rituels.

De forts liens unissent voisins et villages  anniviards. On les retrouve certes dans toutes les régions rurales où la survie est difficile, mais Anniviers a peut-être su les préserver mieux qu’ailleurs, comme en témoigne l’harmonisation des horaires scolaires dans la vallée, puis la fusion de ses communes opérée ces dernières années, qui font figure de modèle du genre en Valais. C’est sans doute grâce à cette solidarité que les Anniviards ont développé au fil des siècles un esprit si particulier.
Dans cette forme d’humour social, la taquinerie joue le premier rôle. «Quelque chose de méditerranéen, frondeur, mais sans méchanceté, qui est unique dans le Valais», dépeint le créateur de Sierre-Zinal, Jean-Claude Pont. Cette «malice anniviarde», il l’attribue aux fréquents changements de voisins. «Une famille d’Ayer, par exemple, développait des contacts routiniers avec ses voisins. Du 15 décembre au 15 janvier, ils hivernaient à Zinal, où ils côtoyaient d’autres familles. À Sierre, c’étaient encore d’autres voisins. Bref, ils étaient en permanence en train de se restructurer mentalement et socialement.»

 

ENTRE ANNIVIARDS

«Les gens du coin ont ça en eux, confirme Anne-Françoise Buchs-Favre, propriétaire du Grand Hôtel Bella Tola à Saint-Luc. En groupe, les jeux de mots ne cessent de fuser, ça rit non-stop, ça enchaîne les plaisanteries… C’est vraiment propre à Anniviers.» L’hôtelière est bien placée pour en parler: Anniviarde par sa mère, elle est née à Chippis, où ses grands-parents s’étaient installés après des années de remuage, mais est revenue dans la vallée lorsqu’elle et son mari ont racheté l’hôtel, pour en faire un établissement historique plein de vie et de cachet.
Elle porte sur ses concitoyens un regard aussi complice qu’aiguisé: «Ils sont crocheurs, fonceurs, et s’engagent sans compter. Mais pour les gens de l’extérieur, ce n’est pas facile de se faire accepter, d’entrer en contact.» Elle-même a pu, dans une certaine mesure, compter sur son pedigree pour se faire une place dans le paysage social. «Quand nous avons repris l’hôtel, les gens d’ici craignaient qu’il ne tombe en mains étrangères. Comme j’ai quatre sœurs et cinq oncles, ils ont rapidement su que j’étais de la famille à untel. Je suis en quelque sorte le laissez-passer de l’entreprise.»

Cette vie traditionnelle se fait sans ostentation ni récupération touristique. «On y participe volontiers, d’autant qu’elle est plus manifeste en dehors de la haute saison. Je ne suis pas une pratiquante exemplaire, mais j’y tiens.»

Participer à la vie locale est évidemment indispensable. «Il y a la Fête-Dieu, bien sûr, avec sa procession, ses grillades et ses raclettes. Et au quotidien, les rituels funéraires sont très présents et très importants. Lors d’un décès, tout le village va bénir le corps à la chapelle ardente, par files entières. Et toute absence sera vite remarquée.»
Cette vie traditionnelle se fait sans ostentation ni récupération touristique. «On y participe volontiers, d’autant qu’elle est plus manifeste en dehors de la haute saison. Je ne suis pas une pratiquante exemplaire, mais j’y tiens.»

 

DES ÉTOILES ET UNE REINE

L’un des aspects les plus cruciaux de cette adhésion à la culture anniviarde, c’est la possession de bétail. Un facteur d’intégration important, sinon le plus essentiel. Un pas que les Buchs-Favre, faute de temps, n’ont jamais franchi. «Ça viendra peut-être! J’aimerais bien deux vaches. On les appellerait «Bella» et «Tola», rêve l’hôtelière, à moitié sérieuse. Beaucoup de notables ayant une résidence secondaire à Anniviers achètent ainsi une ou deux vaches, histoire de montrer patte blanche – mais sans réellement s’en occuper. Les Anniviards ne sont pas dupes: «Ceux qui vont aux réunions de l’alpage uniquement par affectation, on les repère vite.»
Ce qui n’est assurément pas le cas de Didier de Courten, qui s’est lancé il y a plusieurs années déjà, en usant de sa recette de vainqueur de Sierre-­Zinal: foncer et persévérer. D’abord une vache, une étable, puis le terrain, les foins à couper, puis d’autres bêtes… Désormais, le troupeau du chef étoilé compte dix têtes, dont une reine, depuis 2016, dans la catégorie 1ersveaux.
Le cuisinier a entre-temps intégré un consortage à Cuimey, acquis une cave où affiner les fromages tirés de son lait, pris une part à la laiterie d’Anniviers… «Les vaches, c’est un passage indispensable, où viennent se greffer beaucoup d’autres éléments de la vie sociale», constate-t-il. Désormais (presque) chez lui dans la vallée, il y retrouve, chaque fin de semaine, «cette joie d’être entre soi, ces racines qui ressourcent, ces traditions dans lesquelles nos aïeux ont baigné».

 

BLAISE GUIGNARD