Jardin
Qui dit gels tardifs dit gros dégâts

Un hiver pas trop rude, des plantes qui entrent en végétation relativement tôt au printemps puis, à mi-saison, un bon coup de froid qui fait des ravages: le scénario pourrait devenir habituel. Peut-on limiter les dommages?

Qui dit gels tardifs dit gros dégâts

Un coup de froid dans la seconde moitié d’avril, de la neige sur les tulipes, cela n’a rien d’exceptionnel. Ce qui est plus rare (et plus embêtant!), c’est lorsque le coup de froid qui survient à ce moment-là est particulièrement sévère – et qu’il intervient, qui plus est, alors que la végétation est en avance sur la normale, après un hiver doux. Une telle situation s’est produite l’an dernier – et a alors été abondamment médiatisée, vignes et vergers ayant été touchés. Mais on avait déjà pu observer le même cas de figure, quoique à moindre échelle, en avril 2016. Est-ce un simple hasard, ou de telles circonstances sont-elles appelées à se répéter de plus en plus fréquemment? Et dans ce cas, faudrait-il prendre des précautions – dans le choix des espèces que l’on plante, notamment – afin de limiter les dégâts?

Plantes exotiques sensibles

On pourrait a priori le penser en constatant que parmi les plantes ornementales les plus touchées l’an dernier, bon nombre étaient des espèces asiatiques, et plus précisément des plantes venues d’Extrême-Orient: magnolias, rodgersias, épimediums, lis hybrides, glycines, astilbes, podophyllum tacheté, arbre-au-caramel, cœur-de-Marie, cerisiers à fleurs, hostas… Le froid de nos hivers ne leur fait pourtant pas peur, à ces plantes-là: celles qui sont couramment proposées sur les étals des jardineries sont originaires de régions situées dans des zones de rusticité plus ou moins analogues aux nôtres. De fait, lorsqu’elles sont en dormance, elles sont tout à fait capables d’encaisser -15°C ou même -20°C. Pour elles, c’est le début du printemps qui est la période à risque, car ce qu’elles ne supportent pas, c’est le gel tardif – ces épisodes de froid qui surviennent alors qu’elles ont déjà déployé leurs jeunes feuillages ou sont en fleurs.

Les belles orientales ne sont cependant pas les seules à avoir pâti des nuits glaciales d’avril, l’an dernier. La vigne, notamment, a payé cher la petite avance qu’elle avait prise au débourrage. Dans notre jardin – situé à une altitude de 700 mètres au pied du Jura vaudois –, 30 mètres de dénivelé ont suffi à faire la différence: sur le haut du terrain, mieux exposé, les pousses faisaient 10 à 20 centimètres quand le froid est arrivé, alors qu’en bas, les premières feuilles commençaient juste à se déployer. Résultat, les premières ont totalement «grillé», tandis que les secondes n’ont même pas été abîmées.

Espèces indigènes touchées

D’aucuns feront toutefois remarquer que la vigne a pour sa part des origines méridionales, et que si on ne plantait qu’indigène, on n’aurait pas de problèmes. C’est en partie vrai – mais en partie seulement. Ainsi, l’an dernier, dans notre second jardin situé un peu plus haut en altitude, nous avons également constaté des dégâts sur des plantes pourtant parfaitement indigènes. Dans la plupart des cas, il s’agissait même d’espèces locales, installées spontanément en ces lieux.
Autant dire que si le scénario de gros gels tardifs devait devenir habituel, mieux vaudrait sans doute se résigner à des dégâts réguliers. Tout en gardant un œil sur les prévisions météo – histoire de sauver la mise, protections à l’appui, à nos plantations les plus précieuses.

Texte(s): Isabelle Erne
Photo(s): Isabelle Erne

Avec quoi protéger mes plantes?

À moins de n’avoir que quelques bacs ou un micro-jardin, il est impossible de tout protéger. Si des nuits de gel tardif sont annoncées, il faut donc concentrer ses efforts sur les espèces les plus fragiles et/ou les plus précieuses. Côté matériel, on peut employer:

– les toiles de non-tissé utilisées comme protections hivernales. Ça tombe bien, on finissait juste de les ranger! Si possible, les fixer par-dessus une structure, de manière à ce que feuillage, pousses ou boutons floraux ne touchent pas la protection. Si le froid dure plusieurs jours, ouvrir les voilages la journée et les refermer le soir. À défaut de non-tissé,
on peut utiliser du plastique à bulles, des journaux, des chutes de moquette…

– des cloches de jardin, ou n’importe quel récipient pouvant en tenir lieu: grands pots renversés, seaux… Sauf s’il gèle également en journée, il faut retirer ces protections le matin pour les remettre le soir, surtout si le soleil et des températures douillettes règnent durant la journée.

– du paillage. Recouvertes de matériau isolant (plaquettes de bois, paille, feuilles mortes,
ce qu’on a sous la main), les pousses juste apparentes de vivaces sensibles, comme les hostas ou les lis, pourront échapper au gel. Mais il faut pouvoir maintenir ce paillage en place s’il vente, et l’abriter de la pluie. Et si le froid s’installe, avec de belles journées dans l’intervalle, il faut écarter le paillage le matin pour le remettre le soir, ce qui s’avère plutôt contraignant.

Vos questions – Nos réponses

Les plantes touchées peuvent-elles repartir?
Oui – tout au moins les espèces pérennes (vivaces, arbres et arbustes). Les annuelles et les jeunes plants, eux, sont généralement condamnés, n’ayant pas de bourgeons en réserve.

Faut-il enlever les rameaux bruns, les branches défeuillées?

Les feuilles et les tiges qui ont bruni et flétri sont perdues. S’il n’y en a que quelques-unes, on peut les retirer manuellement, tant pour l’aspect esthétique que sanitaire (risque de développement de champignons). Mais si beaucoup de plantes sont touchées, ou un gros arbuste, c’est évidemment infaisable. Ne pas toucher en revanche aux rameaux qui semblent intacts alors que leur feuillage a flétri: de nouvelles feuilles émergeront rapidement à la même place, issues de bourgeons secondaires.

Y a-t-il des plantes qu’il vaut mieux éviter, car trop frileuses?

On l’a vu l’an dernier, les plantes touchées par le gel n’étaient pas forcément des espèces trop frileuses pour nos climats: la plupart étaient simplement pile au moment le plus délicat de leur développement quand le froid est survenu. On ne peut donc pas généraliser. En revanche, si l’on jardine dans un microclimat où les gels tardifs sont régulièrement présents, mieux vaut éviter les espèces sensibles à ce phénomène… ou se résigner à perdre régulièrement une floraison, notamment.