maraîchage
Les conseillers techniques volent au secours des producteurs de légumes

Le printemps humide cause des soucis aux producteurs de légumes. Les spécialistes de l’Office technique maraîcher mettent leur savoir à leur service. Nous avons suivi l’un de ces conseillers dans ses pérégrinations sur La Côte vaudoise.

Les conseillers techniques volent au secours des producteurs de légumes

Sitôt descendu de voiture, Max Baladou enfile une paire de bottes en caoutchouc. Nous sommes sur le domaine de Chanivaz, à Buchillon, une exploitation spécialisée dans l’oignon et la pomme de terre amandine. Si Robert Girardet a fait appel à l’Office technique maraîcher, c’est parce qu’il s’inquiète pour ses oignons, qui souffrent de l’humidité. «Le feuillage est un peu jaune, confie José Moreira, responsable des cultures, qui nous attend dans la cour. Avec cette météo, cela me tracasse.»
Des maraîchers préoccupés, Max Baladou en rencontre tous les jours. Il sillonne les cantons de Vaud et de Genève pour visiter les cultures et conseiller les producteurs en matière de protection phytosanitaire ou de maîtrise de l’enherbement. Parfois, il intervient dans l’urgence, car lorsqu’une maladie ou un ravageur fait son apparition, il faut aller vite. Cette année, la météo cause son lot de soucis. «Durant le premier semestre, il a plu quasiment les deux tiers de la moyenne annuelle, rappelle Max Baladou. Cela aura forcément des conséquences.» Un sol saturé en eau entraîne un risque d’asphyxie racinaire, alors que les fortes pluies ont compliqué les semis: «Certains producteurs ont dû semer jusqu’à trois fois leurs betteraves rouges. Et pour replanter les choux, c’est trop tard.» Une perte sèche pour les maraîchers. Du côté des producteurs de céréales, on parle aussi d’une baisse de rendement qui pourrait atteindre 10 à 15%.
Max Baladou partage l’inquiétude de José Moreira: «Hier, j’ai vu les premiers foyers de mildiou sur des oignons de garde dans le Nord vaudois, confie-t-il alors que nous nous dirigeons vers la première parcelle. S’il apparaît dans deux semaines, ce ne sera pas dramatique, mais pour l’instant c’est trop tôt. Cela peut mettre en péril la récolte. En une semaine, le mildiou ravage un champ.» Autant dire que lorsque nous atteignons la parcelle d’échalotes et d’oignons, Max Baladou se concentre pour repérer la moindre tache qui signalerait la présence de la maladie. José Moreira lui indique de la main des rangées de feuilles aux pointes jaunies. «Je ne vois rien de grave, le rassure le technicien. Le dessèchement des pointes est dû aux quelques jours de fortes chaleurs que nous venons de traverser. C’est un symptôme physiologique consécutif à un épisode de stress, mais pas un problème sanitaire.» Bien sûr, certains rangs sont plus clairs que d’autres, là où les oignons n’ont pas levé correctement. Mais pour l’heure, aucun signe de mildiou.

Le mildiou n’attaque pas encore
Sur la parcelle suivante, même diagnostic: les oignons sont sains. Un peu espacés, ce qui poussera leur calibre vers le haut. Max Baladou signale quelques taches blanches indiquant la présence de botrytis, qui ne devrait pourtant pas causer de graves problèmes. «Par contre, il faut arracher ces mauvaises herbes», signale Max Baladou. Les plants de camomille et de carottes sauvages qui poussent çà et là empêchent la circulation de l’air dans le feuillage, ce qui augmente le risque d’attaque de mildiou.
Soulagé, José Moreira profite de la présence du technicien pour lui demander des conseils. Les deux professionnels discutent du meilleur engrais à administrer. Mais ils sont vite interrompus par un déluge soudain. L’orage qui passe sur La Côte nous force à nous précipiter à l’abri. Ces averses sont d’ailleurs un autre paramètre à prendre en compte pour ajuster les traitements: certains fongicides sont absorbés par la plante en deux petites heures, alors que d’autres perdent tout effet en cas de pluie. Un dernier coup d’œil aux lignes consacrées au test de nouvelles variétés et Max Baladou reprend déjà le volant. «Je fais moi-même des expériences pour éprouver l’efficacité des produits de traitement biologiques, dit-il tout en roulant vers son prochain rendez-vous. C’est le seul moyen de savoir auxquels on peut se fier.» Il est bien conscient de l’importance de son travail: un conseil donné à tort et c’est toute la récolte d’un paysan qui est mise en péril. «Le plus important, c’est de savoir reconnaître ses limites. La confiance se crée lentement, mais se brise très vite.»

Limaces et mouches blanches
Quelques minutes plus tard, nous voici devant les locaux du domaine Biscotte, à Vinzel. Principal producteur suisse de haricots verts, Laurent Zwygart n’a de cesse de diversifier sa production pour proposer des produits originaux à sa clientèle. Lui aussi subit les conséquences des pluies du printemps. «J’ai eu beaucoup de problèmes avec les cucurbitacées, renseigne-t-il. Les semis de courgettes ont été délicats. Puis cela a été le tour des limaces d’en faire un festin.» Aujourd’hui, c’est plutôt pour ses nouvelles cultures que Laurent Zwygart a appelé Max Baladou: «Je connais bien les légumes traditionnels, dit-il. Mais pour les spécialités, je me retrouve vite devant des interrogations!» Pataugeant dans la terre lourde et humide, Max Baladou se penche vers des rangées de pastèques, un produit de niche qui rencontre un beau succès auprès de la clientèle romande. «Elles sont en retard à cause du temps, constate-t-il. Mais cela a aussi freiné les mauvaises herbes. Profite de les traiter tant qu’elles sont encore petites. Sinon, ce sera plus compliqué.»
Plus loin, il s’intéresse aux jeunes pousses de brocolis. Une autre nouveauté que Laurent Zwygart apprend tout juste à connaître. C’est Max Baladou qui, il y a quelques semaines, l’a conseillé au moment de la plantation. Il s’agenouille au sol pour s’approcher des feuilles et les scruter attentivement. Le verdict est immédiat: «Une mouche blanche! Il va falloir agir.» Le regard exercé du technicien lui permet de devancer la menace. Pour empêcher l’aleurode de s’installer sur les feuilles, d’où elle progresserait peu à peu vers la pomme du brocoli, il encourage le maraîcher à pulvériser un insecticide aussi rapidement que possible.
Une poignée de main et Max Baladou se prépare à poursuivre sa tournée, direction les hauts de Lausanne. En cet été à la météo capricieuse, le travail ne manque pas. Les maraîchers romands comptent sur lui!

Office technique maraîcher - Max Baladou - Laurent Zwygart - brocolis

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean

En chiffres

L’Office technique maraîcher, c’est…

  • 3 techniciens en cultures maraîchères.
  • 2 cantons qui collaborent, Vaud et Genève.
  • 206 exploitations profitent de ses services.
  • 60 ans d’expérience dans le conseil professionnel aux maraîchers.
  • 2011: fusion des deux offices de conseil aux maraîchers genevois et vaudois au sein d’une seule structure.

Bon à savoir

Des techniciens rompus au travail de terrain
Pour être capable de répondre au pied levé à toutes les questions des maraîchers, il faut des connaissances quasi encyclopédiques. Au sein de l’Office technique maraîcher, basé à Morges (VD), ils sont trois techniciens à parcourir les campagnes vaudoise et genevoise. Deux d’entre eux sont spécialisés dans les cultures sous abri et sous serre, alors que Max Baladou s’occupe de celles de plein champ. «Je suis un peu l’équivalent du médecin généraliste», sourit ce spécialiste de l’asperge, qui travaillait auparavant dans une station de recherche légumière alsacienne. À la belle saison, tous trois passent l’essentiel de leurs journées à l’extérieur. Ils sont des observateurs privilégiés de la situation économique du maraîchage romand. «Elle se complique chaque année, déplore Max Baladou. Le maraîchage peine à susciter l’intérêt des jeunes. Pour se lancer dans cette activité, il faut être réactif et capable de s’adapter aux conditions du marché.»