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Et si on devenait copropriétaire d’un trotteur?

Les courses suscitent l’enthousiasme des spectateurs présents dans la tribune, qui encouragent leur favori à passer la ligne en vainqueur. Un club créé cette année permet dorénavant de vivre ces émotions différemment.

Et si on devenait copropriétaire d’un trotteur?

«Je venais souvent encourager mon frère Étienne lorsqu’il participait à une course de trot, raconte Sandrine Massonnet, d’Épendes (VD). En admirant ces chevaux s’affrontant sur la piste, j’ai longtemps caressé le rêve d’être moi-même propriétaire d’un trotteur. Mais un tel animal coûte cher à l’entretien et n’est tout simplement pas dans mes moyens.» Pourtant, ce matin-là, plantée en bord de piste, elle suit avec attention une jument qui est entraînée à l’Institut équestre national d’Avenches (VD). Assis sur le sulky, Étienne Massonnet place ici et là quelques accélérations pour peaufiner la condition physique d’Éclipse-de-Villars. Lorsqu’on entend la jeune femme se renseigner auprès de son frère sur les progrès et la forme du jour de sa protégée, on sent qu’un lien particulier unit Sandrine à la jument. L’utopie de devenir un jour propriétaire d’un cheval de course s’est en effet transformée en réalité. Mais comment ce petit miracle a-t-il pu avoir lieu, malgré les contraintes financières? «Grâce à l’enthousiasme et à la volonté d’une poignée d’amoureux du cheval, nous avons créé une association de propriétaires, explique la Vaudoise. La jument m’appartient, mais seulement pour une partie. Pour moi, cela ne fait pas de différence: la voir courir me procure autant de plaisir.» À ses côtés, Annick et Christian semblent tout aussi heureux de suivre l’évolution de ce jeune trotteur français, dont ils possèdent également des parts, parmi d’autres actionnaires.

Un club unique dans le pays
Le concept est novateur en Suisse romande, alors qu’il existe déjà en France et ailleurs en Europe. En effet, dans notre pays, les chevaux de course appartiennent en général à un seul propriétaire, voire à quelques rares copropriétaires, mais jamais à un ensemble d’une dizaine de personnes. Le club, créé en février dernier, a été reconnu par Suisse Trot. Il compte actuellement quatorze actionnaires aux profils très variés, âgés de 18 à 70 ans. Certains sont retraités d’autres actifs, œnologue, enseignant ou mère au foyer. Ce dernier ne connaissait pas le milieu des courses hippiques, mais avait côtoyé des chevaux dans sa jeunesse, cet autre est un parieur chevronné, alors qu’un troisième a une licence de driver amateur et une bonne expérience des hippodromes. L’un vit même en Belgique. Cependant, malgré leurs différences, tous avaient l’envie de vivre une belle aventure en commun. «Nous avons nommé le club T-Boc, explique l’entraîneur Étienne Massonnet. Il s’agissait du surnom de mon père, dont j’ai hérité à son décès.» Actuellement, seule Éclipse court sous les couleurs de l’association – la fameuse casaque qui permet aux turfistes d’identifier de loin le propriétaire d’un cheval en course. L’objectif à terme est de posséder cinq chevaux. «Le monde des courses souffre parfois d’un préjugé élitiste, regrette Sandrine Massonnet. À travers notre club, nous souhaitons populariser le trot, en permettant à tout amateur de chevaux d’accéder à ce milieu. Nous voulons ainsi partager notre amour pour cette discipline.»

Émotions fortes et succès
Au terme de la première saison de course, le bilan est positif. «Éclipse, qui n’a que 4 ans, est au tout début de sa carrière, explique Étienne Massonnet. Cette année, elle a déjà participé à plusieurs courses, avec trois podiums à la clé. Elle courra encore ce week-end à Avenches. Cette jument a un
potentiel énorme, mais doit apprendre à canaliser son énergie. Elle veut toujours aller à fond!» Du côté des actionnaires, les yeux brillent d’enthousiasme au souvenir des moments forts partagés dans une ambiance conviviale.
«Suivre une course en simple spectateur ou en propriétaire ne m’apporte pas les mêmes bouffées d’adrénaline, relève un membre du club. Je vibre différemment, trépignant sur la tribune et retenant mon souffle jusqu’au passage du poteau d’arrivée.» Mais les courses ne sont pas le seul ciment du club: visites d’écurie, suivi d’entraînement, échanges avec l’entraîneur et découverte du trot sur un sulky à deux places sont aussi au programme. Un deuxième trotteur devrait prochainement rejoindre l’écurie, de quoi vivre d’autres sensations fortes dans les mois à venir.

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Thierry Porchet

En chiffres

Le monde du trot en Suisse, en 2018, c’est:
Plus de 200 courses organisées dans le pays.
9 hippodromes, dont celui d’Avenches (VD), où se dispute la majorité des épreuves.
Plus de 250 chevaux trotteurs qui participent à des courses.
108 propriétaires enregistrés auprès de Suisse Trot.
42 drivers professionnels et 58 drivers amateurs.
Près de 60’000 francs, le record de gains en course détenu par un seul cheval sur l’année.

Et si vous deveniez copropriétaire?

Le club T-Boc est ouvert à tout nouvel adhérent qui souhaite devenir copropriétaire d’un trotteur. L’amour du cheval, du partage et du sport doit primer la volonté de recevoir un retour sur investissement, via les gains éventuels que le trotteur pourrait amasser en course. Il faut compter 2000 francs par mois pour l’entraînement et la pension d’un tel athlète. Ce montant permet de couvrir les frais d’entretien, qui comprennent notamment la location d’un box, le ferrage, les coûts vétérinaires, l’alimentation, ainsi que le salaire du driver et les engagements aux courses. Le budget de fonctionnement est divisé en plusieurs parts – une part équivalant à 10%, soit 200 francs par mois. Pour rendre l’adhésion au club possible à toutes les bourses, la possibilité est donnée de prendre seulement un quart de part, pour un montant de 50 francs par mois. En fin d’année, chaque actionnaire reçoit une partie des gains des chevaux, calculée proportionnellement au montant investi chaque mois.
+ D’infos www.clubtboc.ch