Du côté alémanique
Elle élève avec passion ses pondeuses aux petits œufs chamarrés

En Singine, Anita Brülhart gère avec professionnalisme un poulailler de 200 cailles du Japon. Elle commercialise elle-même les produits de leurs pontes, tels quels ou sous forme de délices divers.

Elle élève avec passion ses pondeuses aux petits œufs chamarrés

Anita Brülhart pousse avec précaution la porte du petit poulailler aménagé dans le jardin de sa maison d’Eggelried, un hameau entouré de champs dans la commune de Wünnewil, non loin de Flamatt (FR). Dans un ballet de plumages blancs, gris, beiges et bruns, des dizaines de cailles s’égaient avant de se remettre à gratter, picorer, boire et s’alimenter sans plus manifester de frayeur. «Nos oiseaux sont très calmes, confie cette élégante quinquagénaire, sourire aux lèvres. Je peux même les porter, alors qu’il s’agit d’ordinaire d’animaux plutôt craintifs.»

 

Des spécialités maison

La coturnicultrice (du latin coturnix pour «caille») évolue avec prudence entre les volatiles – certains préfèrent tout de même se glisser dans de petites cachettes en osier – et ramasse quelques œufs disséminés sur la litière. Une tâche qu’elle effectue au minimum deux fois par jour, le matin et en fin de journée. «Les cailles pondent plutôt le soir, mais contrairement aux poules, elles déposent leurs œufs au sol un peu partout, explique-t-elle. Passer à plusieurs reprises est nécessaire pour tous les trouver et éviter qu’ils ne soient salis par leurs déjections, ou même cassés.» La récolte du jour rejoindra celle de la veille, pour être vendue en emballages de six à vingt-quatre pièces. «Avec leur jaune comparativement plus gros que ceux des poules et leur teneur relativement élevée en fer, ces œufs sont considérés comme une délicatesse», relève Anita Brülhart.

Une partie d’entre eux sera utilisée par l’éleveuse pour fabriquer des spécialités dont elle a développé les recettes en faisant de multiples essais: meringues, liqueur, pâtes alimentaires, ou encore ces œufs cuits durs macérés dans un vinaigre au curry, «un délice avec la raclette!» Autant de produits disponibles sur sa boutique en ligne, mais aussi dans divers commerces spécialisés de la région ou chez des restaurateurs et hôteliers d’Ueberstorf (FR), Berne, Salvenach (FR) et Morat. «Les œufs de caille sont plus connus en Suisse romande qu’en Singine, observe-t-elle. D’ailleurs, je n’en avais moi-même jamais goûté avant d’en recevoir quelques-uns en cadeau, puis d’acheter huit oiseaux, en 2016.»

 

Un solide sens de l’organisation

Car si la Ferme aux œufs de caille (Wachteleierfarm.ch) est considérée comme un élevage professionnel avec plus de 50 animaux (voir l’encadré ci-dessous) – ce qui a conduit la famille Brülhart à suivre une formation au Strickhof à Wülflingen (ZH) – la Singinoise s’est lancée dans cette activité «un peu par hasard», d’abord à titre privé et à très petite échelle, avant d’augmenter progressivement son troupeau dès 2018 et de mettre sur pied un circuit de commercialisation comprenant également la vente de pondeuses à des particuliers. Aujourd’hui, elle couvre ainsi ses frais, mais pas le travail occasionné, souligne-t-elle.

Et pareil élevage demande un solide sens de l’organisation, des connaissances étendues et une rigueur sans faille dans le soin à des volatiles réputés très fragiles. Si les prescriptions d’hygiène sont dans l’ensemble celles de l’aviculture en général – aération continue, accès contrôlé pour éviter la contamination par les poux rouges, mise à disposition de terre diatomée pour combattre ces parasites – Anita Brülhart veille en outre en amont à la santé de ses pensionnaires: «Les femelles proviennent exclusivement de notre élevage, et je n’achète des mâles qu’auprès d’un seul éleveur, dont je suis totalement sûre.»

Les dimensions réduites du poulailler peuvent surprendre, mais une surface trop élevée risquerait d’inciter les cailles à constituer des clans et à livrer bataille, note-t-elle. La hauteur, en revanche, est
un élément décisif: «Effrayées, les cailles volent et peuvent se blesser grièvement en heurtant le plafond ou en retombant. C’est pourquoi on préconise de limiter la hauteur à 50 centimètres ou au contraire de prévoir de l’amplitude. Et c’est aussi notamment pour cela qu’on ne les laisse pas sortir: l’attaque d’un prédateur aurait les mêmes conséquences.»

 

Un suivi constant

En dépit du caractère bagarreur des oiseaux, le renouvellement ne se fait pas par troupeau entier, mais par groupes de cinq à vingt, après un an et demi environ. Les volatiles âgés sont abattus sous la surveillance d’un vétérinaire au parc animalier Dählhölzli, à Berne. «Cela nous permet d’avoir un suivi constant de leur santé, en plus des contrôles réguliers effectués chez nous par le Service vétérinaire cantonal», indique Anita Brülhart. Les fins de séries servent donc à nourrir les animaux du zoo bernois, avec les mâles issus des six groupes de reproduction mis en place dans le poulailler – sexés à six semaines par examen du cloaque; les œufs passent dix-sept jours en couveuse, le renouvellement de l’élevage se faisant surtout entre janvier et mars.

Dans ce petit coin de la Singine, le grand-père d’Anita Brülhart exploitait autrefois
un domaine agricole… et élevait quelques cailles et autres oiseaux. Pour cette vendeuse en bijouterie de profession, la coturniculture reste un hobby. «Mais nous espérons bien atteindre la rentabilité d’ici à 2023, tout en maintenant les dimensions actuelles de notre infrastructure», conclut-elle.

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

Des prescriptions strictes

L’ordonnance sur la protection des animaux (OPAn) régit l’élevage de cailles dès la détention de 50 volatiles; une autorisation cantonale est de mise à partir de ce même seuil. La réglementation prescrit notamment une surface de 0,5 m2 pour six oiseaux, une hauteur de 50 centimètres au minimum et de la litière sur au moins la moitié de la surface totale du poulailler, ainsi que la présence de grit et de sable. L’éclairage doit respecter le cycle circadien des cailles, en ménageant des intervalles de crépuscule. Chez Anita Brülhart, l’alternance lumière/obscurité est assurée par une installation ad hoc et des fenêtres munies de grillages pour dissuader les renards et autres prédateurs. Eau et alimentation spécifique – l’éleveuse l’achète par sacs de 25 kg chez Fors – doivent être disponibles en permanence.