Chronique
Éborgnés, talonnés, découpés et trempés en vue de la greffe

De la pépinière à la vigne: Durant toute l’année, «Terre&Nature» vous propose de découvrir comment le pépiniériste viticole Matthieu Vergère sélectionne et multiplie les ceps au fil des saisons.

Éborgnés, talonnés, découpés et trempés en vue de la greffe

Il fait froid et les flocons tombent dru ce matin à Vétroz (VS). Pour Matthieu Vergère et ses employés, un temps idéal pour préparer les porte-greffes et les greffons qui, une fois assemblés, formeront des plants prêts à s’enraciner. Car cette étape du travail prend place bien à l’abri des nouveaux locaux de Multiplants S. à r.l., en un ballet bien réglé entre atelier chauffé et halle réfrigérée à l’hygrométrie contrôlée.
Les porte-greffes, appelés aussi bois américains, sont achetés à des entreprises spécialisées, en Suisse et surtout dans le sud de la France, au climat plus favorable. Il en existe de nombreuses variétés aux noms aussi poétiques que 3309, 5BB ou Fercal. «Les pépiniéristes font leur choix en fonction notamment des terroirs auxquels ces porte-greffes sont destinés ainsi que des vœux de leurs clients», explique Matthieu Vergère. Commandés au kilomètre, ils arrivent à la pépinière par fagots de 200 pièces de 90, 107 ou 122 cm (la normalisation européenne est passée par là!) et d’un calibre oscillant entre 6,5 et 10 mm de diamètre. «Nous en commandons 150 km, qui nous permettront de faire au total 450 000 greffes», précise Paul-Maurice Burrin, l’associé de Matthieu. Les bois sont d’abord éborgnés à la machine (la plante doit faire des racines, pas des pousses!), puis découpés en baguettes de 30 à 45 cm. Ensuite, ils sont «talonnés»: la partie destinée à l’enracinement est sectionnée à 0,5 cm sous un œil, pour garantir un développement uniforme des racines. Et les greffons, pendant ce temps? «On élimine les 30 derniers centimètres de chaque sarment. Ensuite, on coupe les vrilles au ras de la branche, on supprime les yeux abîmés et on fait des segments œil par œil», décrit Matthieu Vergère tandis que les ouvrières joignent le geste à la parole (photo). Et voilà les bois désormais prêts pour la greffe! Mais comme chaque opération de l’année pépiniériste doit être menée à son terme avant de passer à la suivante, ils sont entreposés dans une halle à 3°C et 98% d’humidité relative. «Les greffons sont au préalable trempés dans l’eau durant 6 heures, ainsi que les porte-greffes dont l’état de fraîcheur l’exige. Il faut éviter le dessèchement», conclut Matthieu Vergère. Sagement rangés dans leurs palox, les uns et les autres attendent leur union prochaine… On vous la racontera le mois prochain.

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): blaise guignard