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e-FM, le site de rencontre pour trouver le cheval de ses rêves

La Fédération suisse du franches-montagnes lance une plateforme proposant aux cavaliers un test de personnalité pour trouver l’équidé idéal. Un outil novateur qui vise à populariser cette race de plus en plus rare.

e-FM, le site de rencontre pour trouver le cheval de ses rêves

Êtes-vous bavard? Avez-vous tendance à critiquer les autres? Vous qualifierez-vous d’organisé? De bienveillant? Voilà quelques-unes des 43 questions en ligne sur le site e-FM, développé par la Fédération suisse du franches-montagnes (FSFM). Grâce à ce curieux formulaire, le niveau d’extraversion, de stabilité émotionnelle et d’agréabilité de chaque utilisateur est noté de 1 à 5. Le but: trouver un cheval qui convienne à la personnalité et aux attentes de chacun, en quelques clics. «Beaucoup de cavaliers craquent sur le physique d’un animal, mais c’est parfois trompeur! Avec cet outil, nous voulons que chacun puisse trouver le cheval de sa vie, qui lui corresponde réellement», déclarent Marie Pfammatter, gérante de la FSFM, et Clara Ackermann, collaboratrice scientifique au Haras national suisse, à Avenches (VD), chargée du projet.

Cupidon 2.0
Pour proposer la monture idéale aux acheteurs, les jeunes femmes sont parties à la rencontre de franches-montagnes aux quatre coins du pays, afin de leur faire passer, à eux aussi, une batterie d’examens. «Nous nous sommes rendus aux Tests en terrain, au cours desquelles les chevaux de 3 ans sont classés avant d’être commercialisés. Puis nous avons proposé aux éleveurs de les présenter à des épreuves supplémentaires.» Parmi celles-ci, la réaction à un humain inconnu, à un objet inhabituel ou encore la sensibilité tactile de l’animal. «Et test de l’ouverture du parapluie. Il est important, car il évalue la peur face à un stimulus soudain. On observe la distance de fuite et le temps nécessaire pour que le cheval se détende.» Une septantaine d’équidés ont ainsi été photographiés, filmés, puis évalués. Si le franches-montagnes est réputé pour être une race calme, chaque bête a un parcours de vie unique et son propre tempérament. «Il faut recueillir un maximum de données pour former les couples parfaits.»

Bien-être et sécurité
Mais une fois les personnalités déterminées, comment savoir qui est fait l’un pour l’autre? En d’autres termes, un binôme doit-il être similaire ou complémentaire? «C’est un grand débat, qui existe aussi chez les humains, souligne Sabrina Briefer Freymond, éthologue au haras. Une étude s’était déjà penchée sur la question, mais elle s’était uniquement focalisée sur le ressenti des propriétaires, qui projetaient parfois leur caractère sur l’animal.» Pour plus de fiabilité, l’experte a sondé un panel d’une cinquantaine de duos déjà existants, leur faisant passer à chacun des tests de personnalité. Une fois rassemblées, ces informations permettront d’établir un algorithme semblable à ceux utilisés pour les sites de rencontre, d’ici la fin de l’année, grâce au soutien financier de l’Office fédéral de l’agriculture. Une application pour smartphone pourrait aussi voir le jour. «Nous devons encore trouver des fonds supplémentaires», note Clara Ackermann.En attendant, e-FM prend en compte le niveau du cavalier, celui du cheval et la réaction au test du parapluie. «C’est déjà une grande avancée! Jusqu’à présent, les petites annonces publiées par les éleveurs ne donnaient que des informations générales et subjectives», observe l’éthologue.

S’il n’existe pas encore de données précises sur les atomes crochus entre homme et animal, d’autres études sur la personnalité équine donnent déjà des éléments de réponses. Par exemple, un jeune cheval récemment sevré ne sera généralement pas adapté à un débutant. «La sécurité prévaut. Il faut éviter tout risque d’accident.» Il a aussi été observé que les étalons sont plus fusionnels avec les cavalières. Enfin, les duos les plus épanouis sont ceux où l’équidé a été sélectionné en fonction de son futur usage. «Un cheval émotif est souvent meilleur au saut d’obstacles, car il est plus réactif et attentif à son environnement. Au contraire, un animal peureux sera moins à l’aise pour faire du débardage en forêt, car il peut sursauter ou se figer au moindre bruit. Il est important d’éviter tout facteur de stress.»

Stratégie marketing
Destinée à faciliter le premier contact, e-FM n’a toutefois pas vocation à remplacer les canaux usuels d’acquisition. «Rien ne remplace une période d’essai pour s’assurer de son choix. Ce site de rencontre n’est qu’un raccourci qui met en lien les clients, qui sont surtout des jeunes femmes, et les éleveurs, généralement des hommes plus âgés», précise Marie Pfammatter. Pour la gérante de la FSFM, cet outil de vente s’inscrit dans une stratégie marketing plus large autour de la promotion de cette race indigène suisse, en perte de vitesse.

«Aujourd’hui, le franches-montagnes représente 17% de la population équine suisse, contre 21% en 2012. Cela est notamment dû à la hausse des importations d’équidés étrangers et au manque de rentabilité de l’élevage. Nous devons le repopulariser auprès des jeunes générations.» Longtemps considéré comme un cheval de ferme ou militaire, le franches-montagnes a aujourd’hui évolué pour devenir une race de loisir par excellence, estime-t-elle. «C’est un compagnon polyvalent. Promenade, attelage, équithérapie et même saut d’obstacles à niveau modéré sont possibles. Il faut dépoussiérer son image et lui redonner le prestige qu’il mérite.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Jean-Paul Guinnard

Soutien à la race

Gérante de la FSFM, Marie Pfammatter (à g.) a mandaté le Haras national suisse en 2017 pour élaborer une stratégie marketing promouvant le franches-montagnes. Parmi les opérations lancées, «FM en manège» propose aux éleveurs de prêter gratuitement leurs équidés aux manèges, afin que ces structures les forment, les utilisent et les fassent connaître. Des cours pour jeunes éleveurs sont également en train d’être mis sur pied. «L’idée est de populariser nos chevaux et d’étoffer l’offre. Le site e-FM nous sert de plateforme de vente», explique Clara Ackermann (à. dr.).