Décryptage
Discret, mais bien présent, le castor est un plus pour l’environnement

S’il a retrouvé sa place après sa réintroduction dans notre pays, ce rongeur peut être source de conflits, notamment en milieu rural. Un projet de recherche en cours estime pourtant qu’il est bénéfique pour la biodiversité.

Discret, mais bien présent, le castor est un plus pour l’environnement

Effectifs sous la loupe
L’été, les longues soirées peuvent s’avérer propices à observer cet animal, célèbre pour ses incisives qui lui permettent de ronger le bois et sa grande queue, la palette, qui lui sert de gouvernail lorsqu’il nage. Mais, bien souvent, il ne se montrera pas. Pour en apprendre davantage sur lui, il faut donc contacter le Service conseil castor qui, sous l’égide de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), gère toutes les questions liées à ce mammifère semi-aquatique. Son responsable, Christof Angst, travaille actuellement à cartographier et compter les effectifs de castors afin d’évaluer avec précision leurs effets sur l’environnement. «Avec ses barrages sur les petites rivières, il améliore la qualité des eaux qui sera mieux filtrée, mais crée aussi des étangs qui stockeront du gaz carbonique polluant. Ces divers éléments sont très positifs pour la biodiversité.» La publication de ce rapport est prévue fin 2023 ou début 2024.

Influence positive
Castor fiber est souvent peu apprécié pour les dégâts qu’il cause. Ses barrages sont par exemple susceptibles d’inonder certaines cultures agricoles. «Mais la plupart du temps, lorsque l’on évalue les intérêts en jeu, il apporte plus de bénéfices que de coûts à la société. Grâce aux galeries qu’il creuse, l’eau peut s’infiltrer et ainsi augmenter la diversité des zones aquatiques. Dans les espaces aménagés par les castors, on trouve aussi une plus grande variété d’amphibiens, d’oiseaux, de libellules et de poissons. Et l’élévation de la nappe phréatique profite aux espèces végétales», explique Christof Angst.

Espace insuffisant
Quant aux chemins qui s’affaissent lorsqu’ils se situent au-dessus d’un terrier, Christof Angst estime que ce problème résulte de l’altération des cours d’eau par l’homme ces cent dernières années. «On a construit trop de routes à proximité des rivières: il ne reste plus assez de place pour la nature en général et pour le castor en particulier.» La solution consisterait, selon le spécialiste, à revitaliser les cours d’eau afin qu’ils retrouvent un lit naturel, ce qui offrirait plus d’espace pour le rongeur. «Lorsqu’un castor s’installe, on le remarque très vite: les services cantonaux ont dès lors la compétence pour réagir et éviter des inondations trop importantes.» Si Christof Angst reconnaît que la politique de renaturation des rivières se développe positivement, il souligne toutefois que de tels chantiers ne seront pas terminés avant plusieurs générations.

Double digestion
Pour observer un castor, il faudra s’armer de patience et rester silencieux. Christof Angst recommande de repérer d’abord ses traces, comme le bois rongé, ou de s’approcher d’un barrage. «Ces rongeurs sont présents presque partout en Suisse, que ce soit dans les grandes rivières, les bordures de lac ou les ruisseaux.» L’animal sort en général de sa hutte en fin de journée, entre 19h et 21 h environ, afin de se nourrir. Exclusivement herbivore, il s’aide de ses incisives puissantes pour abattre des arbres et en dévorer les feuilles ou se contente de la végétation bordant le cours d’eau. Comme les musaraignes ou les marmottes, il est cæcotrophe: afin de digérer complètement son repas, les aliments doivent passer deux fois dans son tube digestif. Le castor se reproduit entre janvier et mars dans l’eau, en nageant ventre contre ventre. Après une gestation de trois mois et demi environ, la femelle met bas de un à quatre petits qui pèsent entre 500 et 700 grammes.

Réintroduction réussie
L’OFEV a estimé à la fin 2019 que 3500 castors vivaient en Suisse. Un effectif réjouissant pour cette espèce réintroduite dans les années 1950, qui ne figure plus sur la liste rouge des animaux menacés. À cela s’ajoute une bonne répartition territoriale, lui permettant de se reproduire sans difficulté. «On devrait fêter cela, non?» s’exclame Christof Angst. Qui précise qu’un nouveau recensement, déjà prévu l’année dernière, sera réalisé dès que les conditions sanitaires le permettront.

 

Texte(s): Miguel Rodrigues
Photo(s): DR