Nature
Deux ans pour faire de la vallée du Trient un parc régional

Depuis le 1er janvier 2022, l’équipe opérationnelle œuvre pour concrétiser ce projet en Bas-Valais. Terre&Nature a décidé de suivre cette candidature, de ses débuts jusqu’à la possible obtention du label en 2024.

Deux ans pour faire de la vallée du Trient un parc régional

Créer un parc naturel régional n’est pas une mince affaire. Prenez le projet de la vallée du Trient: couvrant 222 km2, il réunit sept villages valaisans: Saint-Maurice, Évionnaz, Vernayaz, Martigny-Combe, Salvan, Finhaut et Trient. Depuis le début de l’année, les treize membres du groupe de pilotage – tous issus des communes concernées – sont à pied d’œuvre. On les retrouve à Salvan (VS). Autour de la table, les discussions se déroulent dans le calme. Mais en ce mardi soir, un but: mettre en place les comités de gestion et de communication pour la réalisation des 42 travaux liés à cette candidature. Car tout devra être prêt pour 2024, lorsque le peuple votera pour valider officiellement le nouveau label.

L’histoire commence il y a un peu plus de quatre ans, quand le député valaisan Emmanuel Revaz partage l’idée d’un parc dans la vallée du Trient avec Florian Piasenta, président de Salvan. «De fil en aiguille, nous avons sondé les communes et la population, raconte-t-il. La candidature a été bien reçue. La mise en place du projet nous permet d’avoir une ligne directrice de mise en valeur du patrimoine, ce qui a plu aux conseillers communaux. Il n’y a pas encore de parc naturel régional en Bas-Valais. C’est une occasion unique.»

 

Entre tourisme et écologie

S’est ensuivie l’étude de faisabilité réalisée par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), l’année suivante, puis la mise en place du plan de gestion. «L’ordonnance pose un cadre clair pour l’obtention du label, explique Emmanuel Revaz, qui copréside le comité de pilotage avec Florian Piasenta. Dans les grandes lignes, la Confédération demande la mise en valeur et la préservation du patrimoine naturel, ainsi que le développement d’une activité économique durable en harmonie avec le paysage.» Sur cette base ont été choisis quatre objectifs, formant l’ADN de la quarantaine de travaux à mener durant les deux prochaines années. Le premier axe se concentre sur la biodiversité avec, par exemple, la restauration des anciennes châtaigneraies des localités du bas. Le deuxième concerne l’économie durable, soit le tourisme et la mobilité. «Là, nous voulons proposer un meilleur lien entre la plaine et la montagne, développe Emmanuel Revaz. Nous ferons des offres qui permettent aux gens de visiter d’abord l’abbaye de Saint-Maurice, puis de monter en altitude découvrir les paysages alpins.»

La candidature s’appuie aussi sur la mise en avant du patrimoine hydraulique. «La richesse financière de notre région est l’eau, commente Florian Piasenta. Nous travaillons avec l’entreprise Alpiq pour faire découvrir nos barrages en organisant des visites et des parcours didactiques.» Cette valorisation est liée au troisième axe qui se penche sur la sensibilisation et l’éducation. Enfin, le dernier objectif, portant sur la gouvernance, promet une participation active de chaque Commune, de la population et des acteurs économiques.

Évidemment, une telle entreprise a un coût: 2,7 millions de francs, pour être exact. Mais grâce à la mise en place du plan de gestion et au travail assidu du comité de pilotage, la Confédération a accepté, en novembre dernier, de soutenir la moitié du financement. Le Canton du Valais, lui, offre 20% du montant total. «En prenant en compte les communes, dont la participation sera de 187000 francs par année, nous assurons 90% des coûts, confirme Florian Piasenta. À cela, nous voulons trouver un soutien venu de partenaires privés pour chaque projet que nous mettons en place.»

 

Un sujet qui divise

Au-delà des ambitions et des questions d’argent, une telle entreprise requiert de la diplomatie afin de tirer tous à la même corde. «C’est un regroupement très hétérogène, admet Emmanuel Revaz. Entre Martigny-Combe et Finhaut, on ne vit pas dans la même réalité. Malgré ces différences, tout le monde doit y trouver son intérêt.» Ce souci cache un risque réel: un non lors de la votation de 2024. Chez les agriculteurs et les chasseurs, par exemple, on craint des restrictions au profit de l’environnement. «Certaines personnes s’attendent à un diktat de Berne», se désole le coprésident. Pour faire face aux potentiels détracteurs, le comité a déjà organisé un grand nombre de réunions dans le but d’informer et de faire participer la population à la création du parc. Ils ont mis en place une boîte à suggestions en ligne, qui a permis de partager des idées et des critiques sur les nombreux projets que les communes vont réaliser. «Nous devons dissiper ces peurs, affirme Florian Piasenta. Finalement, on chassera toujours aux Marécottes, on pêchera toujours à Salanfe et on se baladera toujours dans nos belles montagnes.»

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Texte(s): Mattia Pillonel
Photo(s): DR

Questions à Dominique Weissen, directrice du Réseau des parcs suisses

Est-ce rare de voir naître un parc naturel régional dans le pays?
La Suisse compte 20 parcs d’importance nationale dont 17 parcs naturels régionaux. Nos parcs sont jeunes, la plupart étant âgés de dix à douze ans. Seul le Parc National Suisse dans le canton des Grisons existe déjà depuis plus de 100 ans. Ceux de Schaffhouse, en 2018, et du Jorat (VD), en 2021, sont les derniers fondés. Aujourd’hui, avec le Trient, il y a aussi un autre candidat, le Val Calanca (TI).

Quels sont les critères pour faire acte de candidature?
L’Office fédéral de l’environnement possède un catalogue pour évaluer la qualité des paysages naturels et culturels dans les régions intéressées à devenir « Parc ». Les critères
incluent par exemple la présence de zones protégées, de larges surfaces naturelles non exploitées ou un patrimoine architectural intact. Une fois l’étude de faisabilité passée, un plan de gestion sur 10 ans est soumis à l’OFEV et aux communes (votation). S’il est accepté, l’OFEV attribue le label à la région.

Ce vote peut-il aboutir à des échecs?
Oui, cela arrive, comme au val d’Hérens en 2011. Mais pour les parcs déjà établis, c’est très rare.

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