Reportage
Des dromadaires ont pris leurs aises dans les prés du Jura

Tombé amoureux de ces animaux lors d’un voyage en Australie, Stève Lauber les élève aujourd’hui dans sa ferme d’Essertfallon (JU). Il souhaite proposer des treks et les utiliser pour les travaux des champs.

Des dromadaires ont pris leurs aises dans les prés du Jura

De part et d’autre de la route qui mène de Saignelégier à Épiquerez (JU), le paysage alterne entre cheptels bovins et troupeaux de franches-montagnes. Mais lorsqu’on atteint le hameau perché d’Essertfallon, au cœur du Clos-du-Doubs, d’étranges silhouettes se découpent dans les pâturages. C’est ici que Stève Lauber, 47 ans, a installé en 2020 sa Petite ferme aux dromadaires et accueilli ses «trois bossus», comme il les nomme affectueusement. «En fait, trois et demi plus exactement, car Samantha est gestante», rectifie-t-il avec amusement. Attentive à la voix de son éleveur, voilà d’ailleurs la femelle de 13 ans qui lève la tête et s’approche vers nous de sa démarche chaloupée et un rien nonchalante. Elle est suivie par les jeunes Star et Sharina, âgés de 2 ans, qui traversent le parc au pas de course. Stève Lauber les a achetés chez un éleveur zurichois, Tunisien d’origine, à la tête d’un cheptel d’une trentaine de bêtes à Oberglatt. Trois dromadaires dans le Jura, mais pour quoi faire? «Je suis en train de débourrer les deux jeunes pour organiser dès le printemps prochain des treks et randonnées dans la région. Nous aimerions aussi développer de la zoothérapie et l’accueil de personnes en difficulté. Et à terme, j’aimerais les utiliser pour les travaux des champs. En Afrique du Nord, les dromadaires servent pour le débardage et le labourage des terres. Ce sont des animaux de trait extrêmement puissants et calmes, car ils sont peu craintifs», explique Stève Lauber.

Des bêtes peu exigeantes
Élever des camélidés, le Jurassien en rêvait depuis vingt-sept ans et sa première rencontre avec eux lors d’un voyage avec son cousin en Australie. Une traversée de l’outback en voiture de Perth à Alice Springs qui les avait conduits un peu par hasard à travailler pendant deux mois dans un élevage. «Nous avions été engagés pour balader les touristes, assister les vétérinaires dans les soins et capturer des dromadaires sauvages», se remémore Stève Lauber. Ils rencontrent surtout Noel Fullerton, dresseur et aventurier australien, sorte de Crocodile Dundee version camélidés connu pour ses expéditions de survie avec l’armée australienne. «Il nous a emmenés deux semaines à l’aventure dans le bush. Nous sommes partis avec une caravane de six dromadaires avec à sa tête Peter Pan, un mâle immense de 2,5 tonnes et 3 mètres à la bosse, on a cherché des sources d’eau et chassé l’iguane pour se nourrir», se souvient le quadragénaire avec nostalgie. Tombé amoureux de ces animaux, Stève Lauber se promet alors d’en élever à son tour s’il réussit un jour à accéder à la terre. Il y a trois ans, ce menuisier de profession et père de cinq enfants apprend justement qu’une association de fermes communautaires doit être créée au Clos-du-Doubs (voir ci-contre). Il soumet son projet et suit les cours pour obtenir l’attestation de détention d’animaux sauvages exigée par le vétérinaire cantonal. Pour accueillir Samantha, Star et Sharina, le Jurassien a construit des boxes de 3 mètres de hauteur et clôturé un parc d’un demi-hectare. De quoi largement satisfaire ses protégés. «Les dromadaires mangent cinq fois moins que les chevaux, essentiellement de la nourriture sèche, comme de la paille et des broussailles. Et ils sont très peu gourmands en eau. Ce sont des animaux extrêmement résilients. C’est d’ailleurs en migrant du désert vers les plaines de Mongolie qu’ils ont développé une deuxième bosse de graisse pour survivre aux grands froids», explique Stève Lauber.

 

Naissance l’été prochain
En Suisse, les cheptels sont rares. De quoi forcément attiser la curiosité des vétérinaires. «Celui qui vient chez moi est spécialisé dans les équidés et le gros bétail, mais n’avait aucune connaissance des dromadaires.» Stève Lauber l’a mis en relation avec un éleveur tunisien et une spécialiste du sud de la France qui ont pu lui donner les instructions sur quelques interventions spécifiques, comme la castration des mâles et les mises bas. Celle de Samantha aura lieu en juin 2023, après treize mois de gestation. «Les femelles sont en chaleur toute l’année et il a suffi de quelques minutes pour qu’elle se reproduise avec l’étalon de l’élevage zurichois où je l’ai amenée.» Une première naissance très attendue et qui en sera suivie d’autres ces prochaines années. Car Stève Lauber compte agrandir son cheptel. «Je rêverais d’avoir une cinquantaine de dromadaires, mais j’ai l’espace pour en accueillir encore quatre ou cinq. C’est déjà pas mal et surtout complètement inespéré d’avoir pu réaliser en Suisse ce rêve né il y a près de trente ans dans les plaines arides d’Australie…»

+ d’infos www.juradromadaire.ch

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): Vincent Muller