Reportage
Des bénévoles volent au secours des hérissons blessés

La sortie des tondeuses et autres débroussailleuses du cabanon de jardin coïncide souvent avec l’arrivée massive de hérissons blessés dans les centres de soins de la faune romands. Reportage à Chavornay (VD).

Des bénévoles volent au secours des hérissons blessés

Allongé sur une table en inox, Lupin ne bronche pas. Patiemment, Tatiana Tarchini retourne le petit hérisson fatigué, le débarrasse de ses tiques une par une, glissant ses brucelles entre deux piquants. «Ce jeune mâle âgé d’environ 2 ans est en forme, se félicite la bénévole, chargée de ces mammifères au centre de soins à la faune Erminea, à Chavornay (VD). Regardez, il a une belle forme de poire, son poids est correct! On pourra le relâcher dans deux ou trois jours.»
Son soulagement n’est pas feint, enfin une bonne nouvelle après un début de printemps chargé. Ces derniers jours, ces mammifères affluent dans le centre du Nord vaudois. Ils ne sont pas seulement victimes de leur ennemi No 1, les parasites. «Dès qu’il fait beau le week-end, on sait que l’on va voir arriver des hérissons blessés, constate Tatiana Tarchini. La raison est simple: les gens recommencent à jardiner.»

Tondeuses, ennemies mortelles
Les tondeuses, automatiques ou non, les débroussailleuses et autres granulés antilimaces se muent en effet en pièges mortels pour ces hôtes réguliers de nos jardins. Le portable de Tatiana n’arrête alors pas de sonner et les caissettes de dépôt, situées à l’extérieur du centre, se remplissent vite. Depuis le début de l’année, le centre a déjà récupéré 24 hérissons, parfois en piteux état. Et ce nombre risque de fortement augmenter ces prochains jours. Les piquants des hérissons sont en effet une bien mince protection face aux lames aiguisées des outils de jardinage. «Nous en avons reçu quatre gravement mutilés rien que durant le week-end de Pâques, souligne la bénévole. Nous avons dû en euthanasier deux, leurs blessures, des lacérations à la tête ou à la gorge, étant trop sérieuses. Il faut vraiment que les gens prennent le temps de regarder dans leur haie avant de tout couper!»

Isolés de l’animation
Tout au long de l’année, la dizaine de bénévoles d’Erminea, vétérinaires compris, requinque ces petits mammifères, qui sont sauvages et non pas des animaux domestiques, même s’ils vivent dans des zones habitées, rappelle la Confédération. Elle souligne qu’ils «peuvent être soignés temporairement par des personnes compétentes mais cela doit être bref, afin d’éviter qu’ils ne s’habituent à l’homme». Chaque région ou presque a son centre de soins, comme l’association Sauve qui pique en Valais ou SOS Hérisson à Genève. À Chavornay, leur séjour dure un mois en moyenne, un peu plus s’ils ont dû être opérés, pour une patte ou une mâchoire cassée après une collision avec une voiture, par exemple. Isolés dans une zone interdite au public, ils partagent le jour de notre visite leur convalescence avec des corneilles et un jeune merle. «Dès que leur courbe de poids est à nouveau normale et qu’ils dépassent la barre des 500 grammes, on les relâche dans la nature, poursuit Tatiana Tarchini. On le fait dans la zone où ils ont été prélevés. Souvent les personnes qui les ont amenés s’y sont attachés, ça devient en quelque sorte leur hérisson.»
L’association veille à ce que ses petits protégés ne vivent pas trop près d’une route passante, quitte à trouver une nouvelle famille d’accueil au besoin. En revanche si le retour à la liberté n’est pas possible, Erminea concède préférer abréger la souffrance des animaux. «On est avant tout là pour leur donner un coup de main quand ils en ont besoin, pas pour les sauvegarder à n’importe quel prix», ajoute leur soigneuse.

Hécatombe estivale
Inauguré en 2018, le centre Erminea, situé dans un secteur dépourvu de ce genre de structure, est déjà très prisé. Les animaux qui y ont passé se comptent par centaines. Il a même affiché complet l’été dernier, allant jusqu’à héberger cinquante hérissons en une fois, au plus chaud de la saison, dans des cages séparées pour éviter tout conflit. Assoiffés, affamés, nombre d’entre eux ont souffert de la canicule, qui les a forcés à sortir en plein jour pour se nourrir. Une attitude totalement anormale. «Quand on voit un hérisson se balader de jour, cela signifie qu’il est en danger de mort, explique Tatiana Tarchini. Il est tellement parasité qu’il doit sans cesse rechercher de la nourriture. Certains se trouvaient en état de détresse respiratoire sévère.»
La chaleur a eu aussi un autre effet: «Des hérissons ont fait une deuxième portée, en octobre. Pas certains que ces petits aient passé l’hiver», estime la bénévole. Mais pas le temps de pleurer sur leur sort, elle s’apprête déjà à accueillir les jeunes de cette année, qui pointeront le bout de leur nez dès le mois de mai.

+ D’infos erminea.org; www.herissons.ch; www.christinameissner.com

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Olivier Evard/DR

CONSEILS: comment leur donner un coup de pouce

 

Un point d’eau à disposition
Vous pouvez faciliter la vie des hôtes de votre jardin en y installant un point d’eau, comme une mare, une piscine ou une simple gamelle. Veillez toutefois à poser une planche à proximité pour éviter les noyades.


 

Des croquettes au poulet
En cas de fringale, les hérissons seront contents de pouvoir se mettre sous la dent des croquettes pour chat au poulet ou des vers de farine. Évitez à tout prix le lait et le pain, provoquant des diarrhées mortelles.


 

Un désordre bienvenu
Amateurs de chenit, ces mammifères ­profiteront de s’enfouir sous un tas de feuilles mortes ou de branchages, laissés dans un coin du jardin. Renoncer aux pesticides, afin de préserver les insectes, la base de leur régime.

 

 

Bien placés dans l’atlas

Un vaste recensement des 99 espèces de mammifères sauvages de Suisse et du Liechtenstein a été lancé il y a un an. L’opération vise à remettre à jour le premier Atlas des mammifères paru en 1995 déjà. Grâce au projet «Hérisson y es-tu?», nous pourrons savoir comment se porte cet animal dans notre pays. Selon des premières données récoltées, il y en aurait de moins en moins notamment en Gruyère, à la vallée de Joux et dans bon nombre de zones agricoles. Il faudra attendre encore deux ans pour connaître plus précisément leur situation. «Les travaux battent leur plein», explique Bettina Erne, biologiste de l’antenne romande de Nos voisins sauvages. Elle rappelle que l’on peut continuer à signaler les observations des animaux sauvages sur les plates-formes internet même si celles réalisées après la fin avril 2019 ne seront cependant pas prises en compte dans cette édition. L’ouvrage final sera publié au printemps 2021.
+ D’infos www.nosvoisinssauvages.ch