Cheval
Débusquer les champions de demain, un vrai défi!

Cet été, lors des Jeux olympiques de Rio, le grand public va pouvoir vibrer aux performances hors du commun des meilleurs chevaux mondiaux de saut d’obstacles. Mais où trouver les champions de demain? Reportage dans une écurie spécialisée dans le commerce de chevaux de sport de niveau international.

Débusquer les champions de demain, un vrai défi!

À Lossy, dans la campagne fribourgeoise, plusieurs cavaliers s’affairent dans une écurie moderne et lumineuse, tandis que d’autres entraînent leurs montures sur la carrière voisine. Ici, tout a été pensé pour permettre de travailler dans des conditions optimales des chevaux de sport de haut niveau. Car nous ne sommes pas n’importe où: certains des meilleurs chevaux de la planète, à la carrière incroyable, sont passés par là. Parmi eux, le plus célèbre est certainement Nino-des-Buissonnets, qui a offert l’or olympique à Steve Guerdat aux JO de Londres en 2014. Nous sommes ici chez Gian-Battista Lutta, reconnu mondialement pour son flair particulier qui lui permet de dénicher des cracks. Les cavaliers, entraîneurs et propriétaires viennent de loin pour voir les chevaux qu’il propose: États-Unis, Canada, Maroc, Mexique, Brésil, Émirats arabes unis et même Corée! «On dit de moi que j’ai l’œil pour repérer les meilleures montures, mais je pense surtout que mon succès provient du fait que je n’hésite pas à prendre des risques et à investir financièrement dans des chevaux qui me plaisent, en me décidant rapidement», observe Gian-Battista Lutta. L’écurie compte en permanence une trentaine de chevaux, qui y restent entre une semaine et deux ans, selon leurs qualités et la demande. Mais le tournus est en général plutôt assez rapide, puisque 60 à 80 chevaux sont vendus chaque année.

À travers toute l’Europe
Voilà vingt-cinq ans que cet ancien cavalier de saut commercialise des chevaux de niveau international. Mais trouver la perle rare, celle qui pourra prétendre rivaliser avec les meilleurs, relève du parcours du combattant. «Dans toute l’Europe, de l’Espagne à la Suède, en passant par la France, la Belgique et l’Allemagne, des courtiers travaillent pour moi. Ces professionnels vont sur quasi tous les concours de jeunes chevaux, afin de repérer ceux qui sortent du lot. Ils m’envoient ensuite des vidéos de ceux qu’ils ont présélectionnés. Je ne trouve pas un crack par hasard: je connais en effet presque tous les bons chevaux âgés de 6 et 7 ans qui tournent actuellement en Europe.» Si un sujet l’intéresse,  le marchand n’hésite pas alors à faire des milliers de kilomètres pour le voir. L’un de ses cavaliers, Alain Jufer, l’accompagne alors pour monter le cheval, tandis que Gian-Battista Lutta l’observe. «Je regarde avant tout sa façon de sauter: il doit avoir beaucoup de force et de souplesse. J’aime les chevaux qui ont du sang, qui sont fins et énergiques. Bien sûr, je jette également un œil aux origines, mais ce n’est pas pour moi un critère principal. Je pense que ce qui fait réellement la différence entre un champion et un cheval commun, c’est le mental. Certains sujets sont moins doués, mais ont une telle volonté qu’ils obtiennent des résultats supérieurs.» Avant de faire le grand saut et d’acheter le cheval, le marchand écoute également avec attention les impressions de son cavalier. Celui-ci doit sentir l’aisance de l’animal, sa capacité à aller plus loin. «Ce sentiment est difficile à décrire, on travaille beaucoup au feeling», admet Alain Jufer.

Les prix ont explosé
La majorité des chevaux achetés par Gian-Battista Lutta ont entre 5 et 7 ans. «À cet âge, on voit déjà leur potentiel et ils ont encore un prix abordable. Dès 8 ans, les prix explosent et atteignent souvent plusieurs centaines de milliers de francs, il faut alors être sûr de ne pas se tromper.» Malgré son expérience, ce Grison d’origine admet qu’il devient de plus en plus difficile de trouver la perle rare. «Auparavant, le marché était avant tout européen. Désormais, il est devenu mondial, avec l’émergence de nouveaux pays qui s’intéressent au saut d’obstacles, comme la Chine et le Mexique. Les très bons chevaux sont rares et tout le monde les veut. En vingt ans, les prix pour les montures d’exception ont donc plus que quadruplé.»
Sur la carrière, Tic-Tac et Evanta, montés par les deux cavaliers professionnels Alain Jufer et Severin Hillerau, sautent quelques barres, en attendant la visite de Coréens qui recherchent des chevaux de haut niveau. Ces deux-là seront-ils les champions de demain? Seul l’avenir le dira…

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): François Wavre/Lundi 13

Bon à savoir

Un cheval suisse champion du monde!
Fin mars, un cheval né et élevé en Suisse, Flirt-de-Lully CH, rebaptisé Glock’s-Flirt CH, a gagné la finale de la Coupe du monde de dressage à Göteborg (Suède) sous la selle du Néerlandais Hans-Peter Minderhoud. Cette victoire est une merveilleuse consécration
pour son éleveur, Jean-Jacques Fünfschilling, de Lully (FR), qui s’investit avec succès dans l’élevage depuis trente ans. Ce n’est pas la première fois qu’un de ses chevaux gagne cette finale, puisque le grand-père de Flirt, Gauguin-de-Lully, était déjà double vainqueur de la Coupe du monde avec Christine Stückelberger. «À 3 ans, Flirt montrait déjà des prédispositions supérieures à la moyenne, souligne l’éleveur. Afin qu’il puisse exprimer pleinement son potentiel, j’ai toujours choisi avec soins les cavaliers auxquels je l’ai confié, avant de le vendre à 9 ans. Cela est certainement une des clés de cette réussite.»