A observer
De tous nos micromammifères, le loir est le plus grand dormeur

Dès aujourd’hui, visionnez sur notre chaîne YouTube le nouvel épisode du «Marronnier». Imaginée par le journaliste genevois Witold Langlois, cette série décrypte chaque mois le comportement des animaux de chez nous.

De tous nos micromammifères, le loir est le plus grand dormeur

Mystérieux inconnu
Vous l’avez peut-être aperçu cet automne en train de se déplacer furtivement le long d’un tronc d’arbre, dans un parc, en vous demandant quel était cet étrange écureuil gris. À moins que vous ne l’ayez pris pour une grosse souris, après l’avoir croisé lors d’une de vos promenades dominicales en forêt. S’il a la tête ronde, de petites oreilles, de gros yeux globuleux, une fourrure épaisse et une queue grise bien touffue, cela pourrait bien être… le loir gris! «C’est d’autant plus probable que ce rongeur se reproduit dans les futaies de feuillus, les bocages, les vergers et les parcs, souligne Manuel Ruedi, zoologue au Muséum d’histoire naturelle de Genève. Il installe son nid composé essentiellement de mousse dans des cavités d’arbre situées en hauteur, pour se prémunir des visites du renard, de la martre ou de la fouine, ses prédateurs. L’hiver venu, il se construit un nouveau nid où il hiberne, mais cette fois bien plus bas.»

Boulimie chronique
Le loir gris ne fait aucune provision en vue de l’hiver. Contrairement aux autres rongeurs (hormis le muscardin), notre gliridé préféré se gave tel un boulimique dépressif avant d’hiberner! Il ingurgite des quantités astronomiques de noisettes, glands et noix qu’il transforme en graisse et stocke dans son péritoine. Le poids du loir double alors, pouvant atteindre 280 à 300 grammes. Devenu bien gras, le loir gris peut s’endormir tranquille, bien au chaud dans son nid douillet, à l’abri de tout danger extérieur.

Dormir… comme un loir
C’est un euphémisme de dire que le loir aime dormir, puisqu’il passe plus de la moitié de sa vie à hiberner! Soit 6 à 7 mois par année, un record exceptionnel pour un petit rongeur. Roulés en boule, la queue rabattue sur le ventre, les oreilles repliées vers l’avant, les loirs gris dorment souvent en petits groupes d’individus blottis ensemble. Cette proximité assure une température optimale et constante dans le nid.

Un fantôme chez soi
Ne craignant pas la présence humaine, le loir gris s’est parfaitement adapté, au fil du temps, à l’urbanisation. Discret dans ses déplacements le long des poutres de nos maisons, où il trouve volontiers refuge, il reste la plupart du temps invisible. «Mais il arrive que sa présence soit incommodante, voire franchement insupportable, avertit Manuel Ruedi. Et au cas où il dort près de la chambre à coucher, il peut même nuire à la quiétude nocturne tant les bruits qu’il émet, essentiellement des grognements et de forts ronflements, sont sonores.» Car lorsqu’il sent une présence trop proche et panique, le loir gris se met à claquer frénétiquement des dents et pousse des cris de défense stridents et plaintifs. Tout sauf rassurants, ils pourraient laisser croire à la présence d’un fantôme dans la maison.

Une famille bien portante
Le loir gris appartient à la famille des gliridés, qui regroupe des rongeurs de plus ou moins petite taille, souvent arboricoles, cavernicoles et nocturnes (comme le lérot, l’écureuil ou le muscardin). La famille des gliridés existe depuis la préhistoire, plus précisément depuis le pléistocène (qui s’étend d’environ 2,5 millions d’années à 11 700 ans avant aujourd’hui). Le plus vieux représentant des gliridés, aujourd’hui disparu, était le leithia, une espèce géante, originaire de Malte. Pour sa part, notre loir gris se porte bien et ses populations ne sont pas en danger.

Texte(s): Witold Langlois
Photo(s): Sylvain Cordier/Biosphoto

Notre expert

Manuel Ruedi, conservateur et zoologue au Muséum d’histoire naturelle de Genève, est spécialiste en mammifères. Il connaît très bien la faune de nos contrées, qu’il observe et étudie depuis des dizaines d’années.