Énergie
Dans le ciel helvétique, c’est la pétole pour l’électicité éolienne

Les objectifs de la Stratégie énergétique 2050 liés à l'éolien sont ambitieux. Or tous les projets sont en stand-by. Les cantons sont mis sous pression par la Confédération.

Dans le ciel helvétique, c’est la pétole pour l’électicité éolienne

C’est peu dire qu’on brasse de l’air! Aucune éolienne ne se hissera dans le ciel helvétique cette année. Comme en 2014 et en 2015, d’ailleurs. Pourtant, selon Suisse-Éole, une septantaine de projets sont en cours, à des stades très divers, il est vrai. Ils pourraient couvrir la moitié des objectifs de la stratégie énergétique éolienne 2050. À moins que l’on ne mette des bâtons dans leurs pales.
En Suisse, l’énergie éolienne fait face à des turbulences. Fin août, le Gouvernement thurgovien décidait de retirer le volet éolien de sa planification cantonale à la suite des innombrables critiques émises durant la phase de consultation. En de nombreux endroits, il souffle des vents contraires venus d’associations de riverains et de protection de l’environnement. Mais aussi des vents favorables depuis le oui à la Stratégie énergétique 2050, en mai dernier. Le peuple a en effet accepté de ne pas remplacer les centrales nucléaires et de mettre l’accent sur le développement des énergies renouvelables. À ce titre, l’éolien arrive en troisième position, derrière l’hydroélectrique et le photovoltaïque. Pour atteindre les objectifs, il va falloir hisser des mâts.

Un enjeu de taille
Or, actuellement, seules 37 éoliennes tournent dans le ciel helvétique. À l’horizon 2050, il en faudrait 800 pour atteindre une production de plus de 4 TW par an, soit environ 8% de notre consommation d’énergie future. C’est aux cantons et aux communes que reviennent les tâches de planification et d’autorisation des nouvelles éoliennes. Des étapes qui font l’objet d’oppositions et de recours de toutes parts. Ce qui ralentit fortement les réalisations.
En adoptant, le 28 juin dernier, la Conception énergie éolienne, le Conseil fédéral a fixé le cadre et rappelé les intérêts de la Confédération dans les domaines visant la protection du paysage, la défense nationale, l’aviation civile ou les faisceaux hertziens de radiocommunication. L’objectif: faciliter le travail des cantons «qui sont obligés de définir des zones dans leur plan directeur», précise Markus Geissmann, chargé de l’éolien à l’Office fédéral de l’énergie. Pas de quoi relancer la machine, pour autant, estiment les acteurs du secteur. «Le niveau est très global et n’induit pas de déblocages. La conception permet surtout de valider le travail déjà effectué par les cantons, signale Yves Chevillat, chargé de projet à Suisse-Éole. D’autres documents, tels les manuels d’aide à l’exécution de l’Office fédéral de l’environnement, sont attendus avec impatience pour clarifier la manière d’évaluer les projets.»

Vaud en première ligne
Du côté de l’association Paysage libre, les critiques volent également: «Cette conception est à notre avis trop souple. Elle laisse la porte ouverte aux projets éoliens même dans des secteurs très sensibles du point de vue paysager ou naturel. Un important mitage du territoire par les éoliennes est en marche», alerte Jean-Marc Blanc
La Conception énergie éolienne s’accompagne d’une carte de Suisse présentant, du point de vue de la Confédération, les principales zones à potentiel venteux (voir ci-dessous). «Tous les cantons sont tenus de contribuer aux objectifs de la politique énergétique du Conseil fédéral avec leurs propres ressources», souligne Markus Geissmann. Bien que non contraignante, cette carte met la pression sur certaines régions. Le canton de Vaud, par exemple. Il a le potentiel le plus important de Suisse, avec la perspective de produire entre 1100 et 1500 GWh/an. Les dix-neuf projets envisagés devraient fournir 1116 GWh/an. À condition qu’ils se réalisent tous. Parmi les cantons romands, viennent ensuite Fribourg, Neuchâtel et le Valais, puis le Jura et Genève.
Au vu des blocages actuels, la stratégie escomptée pour 2050 est-elle trop optimiste? «Assurément, estime Jean-Marc Blanc. La Suisse n’est pas adaptée à l’éolien. Il y a une disproportion patente entre la contribution énergétique et le prix paysager à payer.» «Pas du tout, relève Suisse-Éole. Cet objectif est réaliste. Techniquement, le vent pourrait fournir beaucoup plus d’énergie. L’éolien prendra sa place progressivement en Suisse et les craintes diminueront parallèlement à la construction de nouveaux parcs.» L’avenir dira où tournera le vent.

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): Suisse Eole

Infographie

Vents contraires en Romandie

 

Tous les cantons romands sont relativement bien avancés dans l’intégration du volet éolien à leur plan directeur. Les enjeux sont toutefois très variables:

  • Vaud La planification prévoit 19 sites éoliens et 156 mâts avec un potentiel de 1116 GWh/an en 2035.
  • Neuchâtel La planification cantonale a été acceptée en 2014: 5 sites reconnus. Maximum 59 hélices.
  • Jura La conception cantonale de l’énergie (2015) prévoit 3 sites prioritaires et 30 éoliennes en 2035.
  • Jura bernois Le plan directeur dénombre 9 sites, y compris le Mont-Crosin. Seize nouvelles machines devraient permettre d’atteindre l’objectif de 115 GW/h par an en 2035.
  • Valais 44 éoliennes sont prévues, pour un objectif de 200 GW/h d’ici à 2020.
  • Fribourg Plan directeur en révision.
  • Genève Aucun projet, car il n’y a pas de potentiel exploitable reconnu

En chiffres

L’énergie éolienne en Suisse, c’est:

  • 37 éoliennes qui tournent actuellement (chiffres 2016).
  • 800 à 1000 éoliennes sont envisagées à l’horizon 2050.
  • 70 projets à l’étude. Ils totalisent 1100 MW (environ 400 mâts) et pourraient couvrir la moitié des objectifs de la stratégie 2050.

+ D’infos www.are.admin.ch, www.bfe.admin.ch/energieeolienne