Alimentation
Chats, chiens et chevaux peuvent-ils être intolérants au gluten?

Le régime sans gluten connaît un essor sans précédent dans l’alimentation humaine. Cette tendance n’épargne pas nos animaux de compagnie. Mais avoir recours à ces aliments est-il vraiment justifié pour nourrir chats, chiens et chevaux? Notre enquête.

Chats, chiens et chevaux peuvent-ils être intolérants au gluten?

Depuis quelques mois, moult préparations industrielles garanties sans gluten sont apparues sur le marché de l’alimentation animale. Ces croquettes d’une nouvelle génération suscitent de plus en plus d’intérêt chez les propriétaires d’animaux. «Nous avons des demandes toujours plus fréquentes de la part de notre clientèle pour ce type de produits», confirme Noémie Persechini, gérante adjointe à Qualipet. Même constat auprès du cabinet vétérinaire du Dr Antoine Adam, à Saint-Prex (VD). «Les propriétaires de chiens et de chats sont nombreux à nous poser des questions sur ce sujet qui les interpelle tout particulièrement, car ils y trouvent une résonance avec leur propre alimentation. Je passe beaucoup de temps à les renseigner, car on trouve malheureusement sur internet de multiples informations erronées.»
Pour le cheval, la tendance est moins marquée, bien que les aliments sans gluten jouissent aussi d’une relative popularité. «Voilà un peu plus d’une année que nous avons mis sur le marché un aliment combiné sans gluten, indique Charles von der Weid, conseiller du fabricant suisse Hypona. Cela reste encore un produit de niche, et un peu plus cher que la moyenne, vu le coût plus élevé des matières premières.»

Une seule race sensible
Vu les multiples aliments disponibles dans le commerce, le chien, le chat et le cheval seraient-ils donc aussi intolérants au gluten et victimes de la maladie cœliaque, typique de l’être humain? «Il n’existe aucune intolérance au gluten scientifiquement prouvée chez ces animaux, à une seule exception près: le setter irlandais»,  note Annette Liesegang, directrice de l’Institut de nutrition animale de la Faculté Vetsuisse de Zurich. Chez certains chiens de cette race, l’ingestion de gluten provoque en effet une diarrhée, causée par une atrophie des villosités intestinales.
Ainsi, si les allergies alimentaires – notamment au bœuf – semblent être en hausse chez nos compagnons à quatre pattes, le gluten ne fait manifestement pas partie des intolérances les plus répandues. «Il est clair que l’industrie agroalimentaire joue sur le côté émotionnel en promouvant des aliments sans gluten, ajoute Alain Christen, vétérinaire holistique à Brügg (BE). Le propriétaire pense par analogie que si la nourriture sans gluten est saine pour lui, elle le sera également pour son animal. Il s’agit là d’une manipulation commerciale basée sur le marketing.»

Attention aux céréales
Diaboliser le gluten ne semble donc pas nécessaire. Mais ces produits ont au moins le mérite d’inciter le propriétaire à se pencher sur la composition des croquettes de ses animaux de compagnies. Car il n’y a pas de miracle: pour faire une croquette, il faut du gluten ou de l’amidon, issus de céréales, pour de simples raisons techniques. «Si le gluten en lui-même ne cause pas de pathologies chez la majorité des chiens et chats, la quantité de céréales peut cependant se révéler problématique, souligne Antoine Adam. Le chat, un carnivore strict, et le chien doivent en effet avoir un régime alimentaire basé sur la viande.» Or les aliments sans gluten ne sont pas forcément exempts de céréales! Le blé y est remplacé par du maïs ou du riz, parfois des pommes de terre. Il faut dès lors veiller à ce que la quantité de céréales – quelle que soit leur origine – ne dépasse pas 10% de la ration chez le chien et 4% chez le chat.
Du côté des chevaux, une alimentation trop riche en céréales peut aussi être problématique, mais pour d’autres raisons. «Chez les équidés, ce sont plutôt les glucides contenus dans les céréales qui sont connus pour causer des pathologies, s’ils sont présents en trop grande quantité dans l’alimentation, souligne David Aebischer, vétérinaire équin à Bex (VD). On craint notamment la fourbure, le syndrome de Cushing, les ulcérations gastriques et le coup de sang. Diminuer la quantité de céréales au profit du foin est de toute manière bénéfique pour le cheval, quelle que soit son activité sportive.»

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): DR

Bon à savoir

Le gluten est un ensemble de protéines insolubles qui se trouvent naturellement dans diverses céréales, tels le blé, l’orge, l’avoine, le seigle et l’épeautre. Le maïs et le riz en sont en revanche exempts. Composé majoritairement de gliadine et de gluténine, il constitue pour la graine une réserve de protéines qui lui permet d’assurer sa croissance. Le mot gluten, qui vient du latin, veut dire colle ou gomme: un nom tout approprié. En effet, sa présence donne de l’élasticité et du volume aux aliments qui en contiennent. Cette propriété est particulièrement recherchée pour la fabrication du pain, des biscuits et de tous les produits cuits à base de farine. Le gluten est également très utilisé dans l’industrie agroalimentaire pour épaissir et donner du liant à divers produits. Au fil des années, des blés avec une plus forte teneur en gluten ont été sélectionnés, afin de répondre aux besoins de ce secteur industriel.

En pratique

Ces dernières années, la plupart des vétérinaires praticiens ont constaté de manière empirique une augmentation des intolérances alimentaires, sans pouvoir expliquer l’origine de ce phénomène. Les manifestations cliniques se traduisent alors le plus souvent par des démangeaisons cutanées et des otites récidivantes, plus rarement par de la diarrhée et des vomissements.
Les protéines qui causent le plus fréquemment des allergies sont le bœuf, les produits laitiers et la volaille chez le chien, ainsi que le bœuf, les produits laitiers et le poisson chez le chat. Et non pas le gluten! Des intolérances au maïs et au riz, ainsi qu’à d’autres protéines, se rencontrent également.