Portrait
Charline Daujat ouvre les portes de son paradis vert à Terre&Nature

Dès le 1er juin, elle sera le nouveau visage de la rubrique «Jardin» de votre hebdomadaire. Formée à la fois en sciences de l’environnement et en agronomie, la Vaudoise y partagera astuces pratiques et expériences.

Charline Daujat ouvre les portes de son paradis vert à Terre&Nature
Une bourrasque siffle entre les vieux chênes, fait danser lentement la cime des arbres et onduler l’herbe déjà haute qui ressemble à un océan parcouru de vagues sur le flanc de la colline. Dans l’enceinte du potager, délimité par des murs de pierre contre lesquels s’élancent fruitiers et plantes grimpantes, on est un peu à l’abri du vent qui se contente de faire bruisser la bourrache.

Nous sommes au cœur des 130 hectares de la réserve du Bois de Chênes, à Genolier (VD). C’est là que vit Charline Daujat, dans la ferme fraîchement rénovée dont on devine la silhouette. C’est là, également, qu’elle mène mille expériences jardinières qu’elle partagera dès la semaine prochaine avec les lectrices et lecteurs de Terre&Nature. Il y a quatre ans que la Vaudoise a posé ses valises dans ce bâtiment chargé d’histoire, lorsqu’elle a été engagée par la fondation qui gère le site pour en assurer l’intendance. Elle y accueille des groupes, anime des ateliers pédagogiques, mais surtout, elle redonne vie au potager, un petit paradis clos presque carré couvrant quelque 1600 m2 sur deux niveaux. Poulailler, arbres fruitiers, petits fruits, légumes, plantes aromatiques, céréales et fleurs comestibles s’y déploient selon un plan qui emprunte aussi bien aux principes de l’agroécologie qu’aux codes des jardins historiques. «Je me souviens avoir fait des croquis de la manière dont je pensais organiser la parcelle avant même d’avoir été embauchée», raconte-t-elle en souriant.

Quasi-autonomie alimentaire
Il y a les personnes qui suivent un plan de carrière tout tracé dès l’enfance. Et puis il y a celles qui explorent des chemins de traverse. Charline est de celles-là, avec un fil rouge néanmoins: une insatiable curiosité pour le règne végétal. Elle la mène de ses Alpes vaudoises natales aux bancs de l’Université de Lausanne, où elle obtient un bachelor en sciences de l’environnement après une année d’échange à Uppsala, en Suède. De retour, elle postule au culot auprès de l’institut de recherche Agroscope: le pari paie, elle est engagée pour participer au maintien de la banque de gènes nationale. «J’ai toujours été intéressée par les graines et leur immense diversité de tailles, de formes, d’odeurs… J’ai appris les règles de la sélection, l’histoire des variétés suisses, l’art de produire des plantons, ça a été extrêmement formateur.» Le mandat devait durer une année, il se prolongera près de cinq ans, au terme desquels elle continue de se former, obtenant un master en biodiversité et un certificat en géomatique, collabore avec des bureaux d’étude sur la mise en place de réseaux agroécologiques, travaille sur des projets de corridors biologiques dans le canton de Genève puis pour la Direction générale de l’environnement vaudois. Et en 2019 commence l’aventure au Bois de Chênes.

En quatre ans, Charline Daujat a réaménagé le potager, qui fournit aujourd’hui une bonne partie des fruits et légumes que consomme la trentenaire, son compagnon ainsi que l’autre couple qui vit dans la ferme. «On ne vise pas l’autosuffisance à tout prix», dit-elle en parcourant l’allée centrale. En cette fin de mois de mai, la végétation est en pleine explosion: dans la serre, les plantons de tomate ont fière allure, tandis que les dernières asperges se dressent vers le ciel lourd et que les fraisiers tapissent de pleines rangées de leurs fleurs annonciatrices de belles récoltes. Et puis il y a les herbes aromatiques et médicinales, que la jeune femme changera en tisanes, sirops, savons et baumes.

Cultiver la modestie
Chez les Daujat, le jardin est une histoire de famille. Charline se souvient de celui de sa mère qui, malgré l’altitude, s’échine à tenter de faire pousser des tomates devant le chalet de Leysin (VD). Et puis il y a ceux de ses grands-parents, tous issus du monde agricole, en Bresse. Les vacances d’été y ont le goût inoubliable des «haricots de mamie», des épis de maïs dorés au barbecue et des instants de complicité au grand air. «Récemment, mon grand-père m’a d’ailleurs donné quelques graines pour que je les sème ici», souffle-t-elle. Le genre de souvenirs qui marquent, et qui ne sont sans doute pas étrangers au fait que Charline, comme son frère aîné, installé en Suède, est revenue à la culture maraîchère. D’un bout à l’autre de l’Europe, ils échangent conseils et astuces. Il faut dire que le potager est un lieu de partage. Ainsi, l’idée d’animer les pages de Terre&Nature au fil des semaines et des saisons a-t-elle immédiatement séduit la trentenaire. Qui endosse ce rôle avec autant de plaisir que de modestie: «Je n’ai pas la prétention de me présenter comme une experte. Je parle simplement de mon expérience de terrain, en sachant qu’il n’y a pas de vérité absolue, et que ce qui fonctionne dans mon potager ne marchera peut-être pas de la même manière ailleurs. Au fond, c’est exactement ce qui me plaît dans le jardinage: chacun le pratique à sa manière, dans un grand jardin ou un coin de balcon, avec ses envies et ses idées, en progressant au fil des échecs et des réussites.»

Associations de plantes, méthodes de tuteurage ou d’arrosage, lutte contre les ravageurs, semis ou compost, elle a déjà en tête une multitude de thématiques à explorer. Mais l’écriture attendra: le vent se calme sur le Bois de Chênes, c’est le moment de poursuivre la mise en place du paillage. Brouette en main, la jeune femme s’éloigne entre les rangées de végétation. Rendez-vous jeudi prochain!

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean

Son univers

Un livre
Herbes, de Régis Marcon. «Ce chef décrit les plantes comme de véritables œuvres d’art.»
Un morceau
«Quand je marche», de Ben Mazué. «Une chanson prenante et sincère, qui me parle beaucoup.»Un plat
Des lasagnes maison. «Pâtes fraîches faites avec les œufs de nos poules, légumes du jardin, le goût de la fin d’été!»

Une plante
Le chou Daubenton. «J’en offre des boutures à tous mes amis.»