Reportage
Cette maison respecte l’eau du toit aux toilettes

Tout au long de l’année, nous vous emmenons à la découverte d’habitats exemplaires sur le plan environnemental. À Villarzel (VD), une construction en bois est spécialement respectueuse de l’or bleu.

Cette maison respecte l’eau du toit aux toilettes

Elle a été bâtie quelques mètres en retrait de la rue Centrale, derrière un magnifique tilleul et une fontaine coulant à flots. La maison de Céline Vocat et Michaël Dorner, en ossature bois et façades crépies, s’intègre parfaitement au village de Villarzel, dans la Broye vaudoise. Du même gabarit que les fermes voisines, elle se fait discrète. Pourtant, cet ouvrage, aux couleurs claires rehaussées de touches rouges, est étonnant à plus d’un titre. Labellisé Minergie-P, il dispose d’une sonde géothermique et de panneaux photovoltaïques sur son toit, le rendant particulièrement efficient. Mais c’est dans les toilettes que cette construction se révèle plus innovante.

Besoins séparés
Ici, pas de chasse d’eau; il s’agit de W.-C. secs, un système découvert lors de festivals et qui s’est imposé comme une évidence. Dans leur logement, Céline Vocat et Michaël Dorner ont opté pour un modèle muni d’un petit trou à l’avant de la cuvette. «Nous avons installé un séparateur d’urine, explique Céline Vocat. Celle-ci est récupérée au sous-sol et stockée dans un réservoir. Les excréments, eux, sont placés dans un bidon d’une capacité de trois mois.» Une colonne, ventilée afin d’éviter la propagation d’odeurs désagréables, amène ces déjections à bon port sans utiliser une goutte d’eau potable. Car le couple estime que gaspiller cette ressource précieuse pour ses besoins est un non-sens. «Seuls les humains procèdent ainsi, en polluant des milliers de litres d’eau qui sont traités à des kilomètres de là dans des step, poursuit Céline Vocat. On parle de près de 40% de l’eau des ménages qui part ainsi dans le réseau! Or l’urine contient des nutriments que l’on retrouve dans les engrais, comme l’azote et le phosphore. On souhaite la réutiliser dans notre jardin, pour faire partie intégrante du cycle naturel.»

Céline Vocat, biologiste, et Michaël Dorner, hydrogéologue, ont planché pendant trois ans sur leur projet, avant qu’il ne prenne forme. Il a été étudié spécialement pour leur habitation avec Lutz Architectes, qui a réalisé des installations similaires au Green Offices, à Givisiez (FR). «Il existe de nombreux systèmes, mais il faut penser à celui qui convient à l’habitat projeté, ajoute Michaël Dorner. Il est essentiel que les W.-C. soient, par exemple, alignés pour bénéficier d’une colonne de chute commune.»

Avant de pouvoir valoriser ces matières sous forme d’engrais, les micropolluants, issus de médicaments ou de produits cosmétiques, doivent être éliminés. L’urine récoltée dans un réservoir est donc stockée au moins six mois et filtrée, pour des raisons sanitaires, selon les recommandations émises par l’Organisation mondiale de la santé. Au terme de cette période, elle est ensuite diluée afin d’être épandue. Les excréments sont, eux, transformés en compost par des lombrics, dans un bac situé au fond de la parcelle.

Pouvoir des plantes
L’eau courante utilisée dans les appartements provient, quant à elle, de la pluie, collectée dans une citerne de 10’000 litres. «Depuis le mois de septembre, nous nous sommes uniquement servis de cette eau pour vivre, relève Céline Vocat, qui précise que leur maison est reliée au réseau communal. Trois filtres, de 25 microns, dont un contenant aussi du charbon et le troisième des UV, la rendent potable.» Le couple, qui vise l’autarcie en eau, prévoit en outre de créer deux bassins de phytoépuration de façon à filtrer les eaux usées grâce aux bactéries du système racinaire des plantes, sur leur terrain dévolu au jardin de 1000 m2. Le cycle de l’eau serait alors respecté, du nuage à la terre.

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Lutz Architectes

L’architecte

Associée du bureau fribourgeois Lutz depuis 2017, Jennifer Nasica a conçu les plans de la maison, réfléchissant particulièrement à l’intégration de W.-C. secs et de la récupération de la pluie dans le concept technique d’une maison Minergie-P. «Trouver des entreprises pour installer ce système méconnu n’a pas été aisé. Le surcoût induit est supportable, par rapport à la facture totale.»

+ d’infos www.lutz-architectes.ch

En chiffres

  • Deux appartements de 3,5 et 4,5 pièces au sein de cette maison érigée en 2021.
  • Une cuve de 10’000 litres pour capter les précipitations.
  • 75 m2 de panneaux photovoltaïques.
  • Deux toilettes sèches par logement, avec séparateur d’urine intégré.
  • Six mois de stockage de l’urine en bidon fermé, afin d’éliminer les bactéries potentiellement pathogènes qu’elle contient, avant de la recycler en engrais.