Terroir
Cette année, les cerises sont précoces et abondantes

Au sein du Verger des Bois, à Bernex (GE), la récolte de bigarreaux vient de commencer. Pour le plus grand bonheur de l’arboriculteur Grégory Donzé, celle-ci devrait être particulièrement fructueuse.

Cette année, les cerises sont précoces et abondantes

En ce jour, quatre cueilleurs concentrés sur leur labeur récoltent les cerises une par une avec assiduité et précision. Autour d’eux, les rangées d’arbres sont couvertes de points rouges et certaines branches plient même sous le poids de la quantité impressionnante de fruits. En effet, 2022 sera une année record pour le Verger des Bois, à Bernex (GE). «Nous devrions cueillir plus de 6000 kilos», déclare fièrement son responsable Grégory Donzé. La tâche a commencé la veille et devrait durer encore trois semaines. Il faut être rapide et efficace, car une telle production s’accompagne de multiples défis.

 

Six variétés en même temps

«Les conditions météorologiques ont été parfaites pour le développement du fruit, se réjouit l’arboriculteur. La fructification a trois semaines d’avance par rapport à l’année passée.» Grégory Donzé cultive six sortes de cerises, toutes des bigarreaux. En ce moment, il récolte les craquantes Grace Star. S’il faut aller vite, c’est parce que les différentes variétés du verger genevois sont prêtes plus tôt que prévu, et presque toutes en même temps. «Normalement, nous travaillons sur l’éclaircissage des pommes en parallèle, mais cette saison, nous n’avons pas le temps, constate le Genevois. Nous devons bosser à fond pour faire face à cette maturation très serrée.»

Ses employés trient les cerises directement sur l’arbre. Ils possèdent tous un panier fixé autour de la taille, pour les bons fruits, et un autre accroché à une échelle, où finissent ceux abîmés ou infectés. Ils commencent par cueillir en bas du cerisier, puis montent petit à petit jusqu’au sommet de l’arbre. En moyenne, ils peuvent en amasser une dizaine de kilos à l’heure, voire plus, selon les variétés. En raison de sa taille et de sa délicatesse, c’est l’un des fruits les plus difficiles à récolter, confirme Grégory Donzé: «Nous avons besoin de personnel formé, consciencieux et motivé, pour distinguer les meilleures cerises de celles blessées et pourries. Ce travail demande aussi beaucoup d’endurance.»

Une fois cueillis, s’ils ne sont pas directement distribués pour la vente, les bigarreaux sont stockés dans des caisses étanches à l’intérieur d’une chambre froide, où l’arboriculteur peut les conserver jusqu’à trois semaines. Ce passage dans un environnement réfrigéré permet également de tuer les éventuels œufs que les parasites peuvent pondre durant la maturation des cerises. Celles du Verger des Bois sont destinées tant à la vente directe qu’aux marchés, aux grossistes ou aux commerçants.

 

Protéger plutôt que traiter

Une telle production ne se développe toutefois pas du jour au lendemain. Grégory Donzé a planté son impressionnant verger en 2014, et la récolte a commencé il y a cinq ans. Délicate, la cerise requiert une attention particulière déjà bien avant la cueillette. Tous les cerisiers de l’arboriculteur sont ainsi couverts d’une gigantesque structure composée d’un filet antigrêle et d’une doublure, pour être abrités de la pluie. «L’eau peut fendre le fruit à la base de la tige», explique le Genevois. Tout autour, une moustiquaire préserve les arbres de la drosophile suzukii. «Ce parasite peut faire de gros dégâts, rappelle-t-il. Le filet nous permet de protéger les fruits sans avoir à les traiter.» Il officie aussi comme barrière contre les oiseaux, tels les étourneaux, qui en raffolent. «Heureusement, cette année, la récolte est excellente partout, donc les volatiles sont davantage éparpillés.»

Finalement, l’ultime secret pour produire les meilleures cerises tient à une bonne connaissance de l’arbre et à l’expérience. Grégory Donzé nous montre une jeune branche couverte de magnifiques bigarreaux encore écarlates. «Un bois âgé de deux ans, comme celui-ci, donne les meilleurs fruits, dévoile-t-il. Le gros du boulot est donc de favoriser les nouvelles pousses, enlever les vieilles tiges et la masse centrale de l’arbre pour laisser passer la lumière du soleil.» Cette lecture consciencieuse du cerisier passionne le Genevois. C’est ce qui l’a poussé vers l’arboriculture. Avant de conclure la visite, il nous tend une cerise. Craquante, acidulée et sucrée, c’est un véritable délice et surtout un bonheur de savoir que cette année nous en offrira de belles quantités.

Texte(s): Mattia Pillonel
Photo(s): Loïc Herin

Déjà apprécié de nos ancêtres

En Europe, le cerisier sauvage fait le bonheur de l’homme depuis le néolithique. Les premières traces de culture remontent, elles, au IVe siècle av. J.-C., d’abord chez les Grecs puis chez les Romains. Il était aussi aimé en Asie mineure. Mais sa véritable commercialisation commence au Moyen Âge. Outre ses fruits sucrés, l’arbre était utilisé pour son bois, afin de fabriquer des pipes notamment. Louis XV, appréciant particulièrement les cerises, poussa la France à en développer une culture intensive.

Le producteur: Grégory Donzé

Fan de tracteurs, Grégory Donzé passait, lorsqu’il était enfant, toutes ses vacances à la Ferme des Bois, propriété de son grand-père et de son grand-oncle. Cette fascination pour le monde paysan le poussera à effectuer son CFC d’agriculteur en 2012. Durant sa formation, il travaille dans différentes exploitations, allant de la production intensive de céréales et de poulet à de l’arboriculture bio. Rapidement, il empoigne le sécateur et accomplit, en 2013, un CFC d’arboriculteur en Valais. Il revient ensuite œuvrer sur le domaine familial; il crée le Verger des Bois où il s’occupe de 3 hectares de cultures de pommes, de cerises, de pruneaux et, plus récemment, d’une plantation d’asperges. En parallèle, le Genevois est membre du conseil d’administration de l’association Léman Fruits, du comité d’AgriGenève et de l’Union fruitière lémanique. Un intérêt pour la défense professionnelle qu’il tire de son amour du végétal.