Distillateur de la Société coopérative de Bougy-Féchy (VD), Pierre de Perrot élabore une eau-de-vie produite avec de la mélasse locale selon les mêmes procédés que la version caribéenne issue de la canne à sucre.

Dans un ancien fût de chêne
Avant d’être mise en bouteille, celle-ci vieillira deux ans dans une barrique en chêne afin d’enrichir ses arômes et de lui donner sa couleur ambrée caractéristique. «J’utilise un ancien fût de vin rouge, pour bénéficier des restes de tanin. Utiliser une barrique neuve lui donnerait un goût trop boisé.» La formule semble la bonne, à en croire les retours enthousiastes des professionnels. «Je l’ai fait déguster à l’aveugle à quelques sommeliers et restaurateurs qui ont immédiatement identifié les marqueurs du rhum», raconte Pierre de Perrot.Sa première cuvée de 150 litres a été mise en bouteille au printemps dernier et la moitié d’entre elles ont déjà trouvé preneur. Un succès inattendu. «J’ai été assez surpris par cet engouement, parce que la betterave n’est pas forcément très vendeuse a priori. Mais les clients ont apprécié et le bouche-à-oreille a bien fonctionné», se réjouit l’artisan vaudois.
Travail à façon
C’est que la réputation des lieux n’est plus à faire. Fondée en 1945, cette distillerie, qui fut d’abord itinérante, travaille à façon et compte près de 600 clients issus de toute la Suisse romande, de Genève au Jura en passant par le Valais. Abricots, coings, pruneaux, poires, mirabelles, framboises: 90% de la production se concentre sur les eaux-de-vie de fruits, même si d’autres spécialités connaissent également un regain d’intérêt depuis quelques années, comme le gin, le pastis et le whisky. «La clientèle est très variée. Cela va du tonneau de 30 kilos de pommes cueillies par un particulier dans son jardin au professionnel qui me confie ses 40
Valoriser un déchet de production
Dans les Caraïbes, on distingue le rhum agricole, issu du jus de canne, du rhum traditionnel, concocté à base de mélasse. La version élaborée par Pierre de Perrot s’apparente à la seconde variante et a pour but de valoriser un déchet de l’industrie sucrière suisse. La mélasse utilisée par le distillateur vaudois provient d’Aarberg (BE), l’une des deux usines de production de notre pays. Il s’agit des résidus issus des centrifugations successives du jus de betterave dont on ne peut plus extraire de sucre. La mélasse est principalement commercialisée en combinaison avec la pulpe de betterave afin de fournir des aliments fourragers au bétail.
Le producteur
Formé comme caviste à l’Agroscope de Changins, où il termina meilleur apprenti du canton en 2014, Pierre de Perrot (29 ans), établi à Saint-Cergue, a repris les rênes de la distillerie en 2021. Il a succédé à Alex Paccot, parti à la retraite après plus de vingt-cinq ans d’activité et un succès largement reconnu. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps, puisque Pierre de Perrot accompagnait déjà son grand-père à Féchy il y a de nombreuses années. «Enfant, je l’aidais à remplir ses tonneaux au verger. Par la suite, je me suis mis à cueillir et à acheter mes fruits. J’ai eu la chance de pouvoir observer Alex Paccot à l’œuvre. Il m’a formé, j’ai commencé à lui donner des coups de main et il m’a proposé de reprendre le flambeau au moment de son départ.»