Un peu tôt pour les crapauds
Un peu tôt pour les crapauds

Très occupé ces derniers temps à finaliser mon «Histoire de grèbe», je n’ai pas eu le loisir d’aller souvent sur le terrain.  Les récentes pluies et la douce température ont immanquablement tiré les grenouilles rousses de leur léthargie et provoqué leur migration jusqu’à l’étang où elles doivent venir pondre. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que je longe ce matin la lisière qui me conduit à l’étang forestier et me réjouis d’entendre d’un moment à l’autre leurs doux ronronnements.

Un petit groupe de mésanges à longues queues vagabonde en passant d’un arbre à l’autre, susurrant leurs trilles caractéristiques. Je croise la route d’un citron qui passe d’un vol décidé, puis repère quelques touffes de primevères qui illuminent discrètement le sol encore jonché de feuilles mortes. Le printemps bat son plein en cette fin du mois de février…

En me frayant un passage à travers les buissons et les arbustes qui me griffent, me voilà au bord de l’étang. En son centre flottent quelques grosses feuilles séchées de nénuphars et, ceinturant sa rive, un joli cordon de laîches jaunies et séchées par l’hiver, se reflète sur ses eaux glauques.

Je m’assieds sur une souche au soleil et profite de la douceur printanière. Au lieu du ronronnement attendu et à ma plus grande surprise, j’entends soudain des petits cris qui ressemblent aux appels de la foulque, en sourdine. Incroyable, les crapauds communs sont déjà sur les lieux de ponte! Bruits de plantes sèches froissées, quelques rides sur l’eau.

J’ai devant moi deux ou trois mâles qui nagent, les bras en avant et tentent de saisir tout ce qui peut ressembler à une femelle. Celui qui passe le plus près est d’une belle couleur moutarde. Sa peau est verruqueuse et je peux observer son œil orange fendu par une pupille horizontale.

La courte période des amours des crapauds est propice pour l’observation de cet animal nocturne qui vit dans la forêt. Je suis cependant très surpris de les observer à la fin du mois de février, au moment où pondent habituellement les grenouilles rousses, deux à trois semaines avant les crapauds…

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart