Prêts à l’envol
Prêts à l’envol

Le jour se lève à peine, mais je suis déjà installé dans mon affût, à proximité du grand tremble qui accueille cette année une nichée de pics noirs. Je savais que les oiseaux traînaient dans le secteur pour les avoir entendus, mais c’est un ami qui a découvert ce nid et me l’a très aimablement indiqué.

Je connais l’oiseau des hêtraies jurassiennes et de leurs ambiances si particulières, aussi je suis un peu déboussolé de l’attendre ici, entouré des cris d’oiseaux de la forêt riveraine tels que celui du loriot ou du martin-pêcheur que j’imagine filer au ras de la rivière toute proche.

Le grand pic est farouche, il est donc nécessaire de bien se cacher pour assister à un éventuel nourrissage. J’attends donc patiemment, les jumelles fixées sur un trépied et pointées vers l’orifice du tronc qui se situe à 8 mètres de hauteur. Les jeunes qui ont maintenant presque la taille des adultes doivent être à l’étroit dans cette cavité. Combien sont-ils ? Quatre, cinq ? En voici un qui vient guigner, rejoint par un autre.

Seuls, à deux ou même parfois à trois, les petits se succèdent à la loge, se bousculent et cherchent du regard un des adultes qui est censé venir les nourrir. Ils manifestent leur impatience en criant régulièrement et attendent de recevoir la becquée. Pourtant les adultes ne viendront pas. Ils ricanent dans les arbres voisins, un peu à la manière du pic vert et semblent vouloir signifier aux petits qu’il est temps pour eux de sortir.

Les jeunes deviennent de plus en plus téméraires et se tiennent maintenant sur le rebord de la loge. Je m’attends à tout instant à en voir un basculer dans le vide et prendre son envol.

Une pensée me vient à l’esprit et j’ai soudain une boule dans la gorge. Mon fils aîné termine en ce moment son travail de bachelor et s’apprête à quitter le nid, lui aussi, pour aller travailler une année à Berne. Je vais l’aider à déménager ses meubles très prochainement…

J’observe attentivement les pattes griffues d’un jeune pic qui le retiennent encore à l’arbre. L’envol est imminent. Une fois parti, il ne reviendra plus dormir dans la loge qui l’a vu naître…

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart