Perspective d’ailes
Perspective d’ailes

Après une longue période de stratus bas, quel plaisir de retrouver le soleil. En m’approchant des quais, je suis exposé à une bise soutenue. Le lac agité revêt une belle couleur olive sur laquelle vient se refléter le bleu du ciel dégagé. La lumière est douce, mais il fait très froid.

Je réajuste mon bonnet pour protéger les lobes de mes oreilles et enfile mes gants. J’entends les cliquetis des haubans qui heurtent les mâts des bateaux du port, ainsi que de curieux sifflements que le vent produit en s’engouffrant au travers des embarcations.

Les canards et les foulques se sont réfugiés par groupes assez compacts, à l’abri des enrochements, ballotés malgré tout par les vagues. Au-delà du port, je longe la digue exposée, sur laquelle viennent s’écraser les vagues, en prenant garde à ne pas me faire éclabousser.

Une mouette pique en vol sur le lac, à une vitesse folle, poussée par la bise. Elle fait soudain volte-face et se retrouve immobile dans le vent, tout près de moi. Seules ses ailes bougent imperceptiblement pour se stabiliser dans la tourmente. Elle surveille attentivement la surface de l’eau. D’autres mouettes la rejoignent selon la même chorégraphie, m’offrant un joli ballet aérien.

Je m’installe à proximité des oiseaux qui se tiennent maintenant dans le vent, presque immobiles, au-dessus de la crête des vagues. De temps à autre l’une d’elles descend et vient picorer quelque chose à la surface de ces eaux brassées. Je n’arrive pas à voir ce qu’elles capturent, sans doute des animalcules qui se retrouvent en surface, dans ces conditions particulières ou tout autre nourriture amenée là, par le vent du large.

Ainsi exposé en pleine bise, je dois enlever mes gants et fixer à l’aide d’une pince les feuilles de mon carnet pour espérer dessiner. Ce ne sont pas des conditions très confortables, mais c’est l’occasion unique de contempler les mouettes figées dans le ciel, de très près.

L’opportunité de bien pouvoir observer la perspective des ailes qui n’est jamais facile à représenter quand on travaille sur le terrain.

Texte(s): Pierre Baumgart
Photo(s): Pierre Baumgart