Le temps du farniente et de la contemplation est enfin arrivé – juillet 2016
Le temps du farniente et de la contemplation est enfin arrivé – juillet 2016

À l’heure où vous lirez ces lignes, je serai en vacances et heureuse d’y être. Heureuse d’avoir laissé derrière moi un jardin lacéré par la grêle du 24 juin dernier. À peine commençait-il à se remettre du froid et de l’humidité que l’orage a frappé fort, au point de déchiqueter les rhubarbes et les plants de tomates, d’arracher les haricots et les prunes et de cribler en quelques minutes tout ce qui était vert et plus ou moins tendre de milliers de trous. Bref, sérieux coup de blues qui, cumulé à la folie furieuse qui s’empare de chacun au mois de juin, nous a finalement réjouis de tout laisser en plan, non sans confier poules, lapins, canards et aubergines à des amis belges dévoués et amoureux de notre jardin.
Mais avant de le quitter, je vous y emmène en promenade. Pieds nus et sans outils. Juste avec l’envie de partager notre petit paradis plein de vie. Car au-delà de ce
qui fâche et décourage, de ce qui se prépare et se rêve, il y a déjà du beau et du bien réussi.

Fleurs et papillons
Ils auront attendu juillet pour éclore, mais cette fois ils sont tous de sortie! Des dizaines de papillons volettent au-dessus de la prairie et des massifs de fleurs qui bordent le sentier menant au poulailler. Au bout de dix-neuf ans de soins et de patience, le pâturage gras qu’était notre terrain est devenu une jolie prairie piquetée de scabieuses et de marguerites. Il n’en fallait pas moins pour que les papillons reviennent, mais aussi les syrphes, les abeilles sauvages, les grillons, les sauterelles, et ces milliers de petits alliés qui rendent service au jardinier. Nous avons identifié plus de quarante espèces de papillons de jour dans le jardin, dont le très rare thécla du prunier. Et dès le crépuscule, place aux sphinx qui bourdonnent autour des belles-de-nuit et des chèvrefeuilles, et aux chauves-souris qui virevoltent autour de l’étang et des arbres fruitiers.

Arbres creux et rosiers lianes
En permaculture comme dans la nature, chaque élément du jardin doit jouer plusieurs rôles. C’est bien ce que font nos vieux pruniers enrobés de lierre et de roses jusqu’à la cime. On aurait pu les abattre, mais nous avons préféré leur offrir une seconde vie en les habillant de rosiers lianes éclatants et parfumés. Les butineurs et les mésanges qui nichent dans les troncs creux sont comblés. Les flemmards aussi: c’est chaque jour un grand bonheur d’y accrocher son hamac.

Points d’eau
Sans eau, pas de vie. Ou, en tout cas, pas de libellules ni de grenouilles. Pour y remédier, nous avons creusé l’étang avant même d’installer une salle de bains dans la maison. À peine avait-il été mis en eau que les tritons sont arrivés, les crapauds et les notonectes ont suivi. Le même scénario s’est reproduit dans les deux petites mares créées ce printemps entre les buttes de nos potagers.
Ceinturés de salicaires, de céleris-branches, de persil et d’épinards rouges, ces points d’eau créent un microclimat rafraîchissant et attirent déjà une vie incroyable, baigneurs de passage et résidents permanents. Pour l’heure, des grenouilles rousses y sont en pleine métamorphose. Sûr que nous les rencontrerons bientôt à la chasse aux limaces, à l’ombre des courgettes et des grandes consoudes.

Haie comestible
Églantier, prunellier, aubépine, viorne, sureau, fusain… Notre jardin est limité par 200 mètres de haie changeante au fil des saisons. Si le verger ne porte pas de fruits cet automne, au moins aurons-nous des cynorhodons, des cornouilles, des noisettes et des cenelles en abondance. Il y a là matière à nourrir et abriter du beau monde, à commencer par les oiseaux et de nombreuses espèces de papillons qui y grandissent avant d’aller batifoler dans nos fleurs. La haie est aussi une source inépuisable de branches pour le mulch, les tuteurs ou la vannerie.

Toiture végétale
Adossé à la maison, l’appentis qui abrite le matériel apicole et nos outils de jardin est coiffé d’une toiture végétalisée. Son substrat de briques recyclées et de tout-venant m’autorise à y accueillir des plantes que j’ai de la peine à maintenir ailleurs au jardin: vipérines, orpins, iris nains, œillets et tulipes sauvages. Pour joindre l’utile à l’agréable, j’y ai aussi planté de l’ail et du safran, ainsi que des vieux pieds de vigne en guise de garde-corps. Il ne manque plus que les lézards pour parfaire le tableau, mais ils boudent nos murs mal exposés. Patience! Nous prendrons bientôt le temps de faire de belles terrasses en pierres sèches dans le talus sec situé en contrebas de la serre.

Tas de chenit
Eh bien oui! nous aimons le chenit et en sommes fiers. Car c’est sous le tas de branches abandonné au pied de la haie que nichent des troglodytes. C’est derrière le tas de cailloux que nous avons vu jouer l’hermine et c’est dans les tiges sèches du roncier qu’éclosent des abeilles sauvages. Pas question pour autant de laisser la nature faire tout ce qu’elle veut. Nous lui tenons une bride à la fois ferme et légère, pour que le jardin reste un jardin. Productif, agréable à vivre et accueillant pour tous.
Il est temps de partir. Le TGV n’attend pas. Là-bas, nous rêverons du jardin, conscients de la chance inestimable que nous aurons de le retrouver et d’y poursuivre nos vacances.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens