Le tambour du jardinier
Le tambour du jardinier

J’adore faire la nique aux campagnols. Et en hiver, c’est donc toujours avec une immense satisfaction que je descends au jardin pour aller chercher, à deux pas de leurs taupinières, les panais, betteraves, navets, radis ou topinambours nécessaires au repas du jour. Notre truc est  infaillible:  pour leur soustraire nos légumes-racines tout en les conservant dans un état de fraîcheur  impeccable, nous utilisons depuis plusieurs années des tambours de machine à laver.

Au début, nous rentrions nos légumes à la cave, enfouis dans une caisse remplie de sable. Mais le résultat était pitoyable: les racines devenaient molles et fripées au bout de quelques semaines. Rien de tel que la conservation en pleine terre, mais sous nos climats, les légumes souffrent du gel et, dans notre jardin, sont boulottés par les rongeurs.  Nous avons donc opté pour la conservation en silo, qui consiste à enfouir les légumes sous le niveau de la terre, à l’abri des ravageurs de tout poils. On peut tapisser un trou avec des briques ou du grillage, que l’on obture ensuite avec une planche de bois bien lestée. Mais l’idée de la lessiveuse ou du tambour de la machine à laver nous a paru bien plus séduisante, d’autant plus que nous avions une machine en bout de course, dont la pièce maîtresse pourrait trouver une seconde vie au jardin.  Le tambour d’une machine à remplissage vertical est idéal, car il suffit de l’enterrer à fleur de terre avec sa porte vers le haut. En acier inoxydable, il ne rouille pas et les petits trous assurent un drainage et une aération parfaite. Nous y mettons nos légumes équeutés pêle-mèle, à peine débarrassés de leur terre. Si le tambour n’est pas plein, on peut le remplir de feuilles mortes ou de foin jusqu’au sommet, mais expérience faite, ça ne me paraît pas indispensable. Par contre, c’est important de recouvrir  les tambours affleurants d’une couche de paille ou de fougères, ce qui protège les légumes du gel, et rend aussi l’extraction plus facile en cas de neige: un coup de fourche et les navets sont à portée de main.

Bien sûr le volume limité des tambours ne permet pas d’y conserver tous nos légumes. Les choux ma foi doivent rester dehors s’ils ne sont pas transformés en choucroute. Le paon Georges, le lapin Touffu et les chevreuils de passage en prennent volontiers des morces, mais allez savoir pourquoi, ils ont droit à plus d’indulgence que les campagnols.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel