Coureurs indiens, le flop!
Coureurs indiens, le flop!

Que d’eau que d’eau! C’est pas bientôt fini là haut??? Les champs se transforment en lac. Les chemins en rivière. Et mon poulailler en un bourbier infâme et nauséabond qui plonge notre beau Georges (le paon) dans une déprime sans fond. Même les canards ne semblent pas à la fête, sauf quand on leur change l’eau du bain pour qu’ils la resalissent dans la seconde. Le spectacle vaut le détour. C’est Barbara, la cane de Barbarie, qui a la priorité. Elle prend tout son temps pour faire ses ablutions tandis que les coureurs indiens et le Rouen Pataplouf trépignent au bord du bain. Quand elle sort enfin, c’est le saute-qui-peut général. Ça gicle et ça s’ébroue. Ça cancane et ça s’éclabousse. Et moi je me dépêche de rajouter de l’eau, comme s’il ne pleuvait pas encore assez.

Séduite par leur réputation de mangeurs de limaces largement relayée dans les ouvrages de permaculture, j’ai adopté mes premiers coureurs indiens il y a deux ans. Une amie m’a offert quatre canetons de cette race tandis que Pataplouf naissait dans la couveuse. Tout ce petit monde a rejoint le poulailler et ne l’a guère quitté depuis, hormis Pataplouf qui, avant de s’intéresser aux canes, adorait nous suivre partout au jardin. Je le confirme: les canards raffolent des limaces et auraient pu nous rendre de grand service au potager. Le problème, c’est qu’ils s’intéressent aussi  aux légumes tendres quand les gastéropodes viennent à manquer, ce qui a été le cas ces deux dernières années. Pas question donc de les lâcher sans surveillance, à moins de multiplier les clôtures et de réussir à empêcher les poules de les suivre. Comme j’ai bien d’autres choses à faire que de courir après mes coureurs, j’ai fini par renoncer à leur rôle d’anti-ravageurs.

Les mâles ont commencé à se battre. La seule cane s’est mise à pondre. Puis des canetons sont nés sous une poule qui a encore du mal à se remettre de cette aventure. Et nous disposons depuis deux ans d’une réserve intarissable d’eau de canard pour fertiliser nos légumes: c’est simplement l’eau de vidange du petit bassin qu’ils souillent si rapidement. Question retour sur investissement, le bilan n’est pas très satisfaisant. Question sentimentale, c’est autre chose. Les canards, c’est salissant mais aussi terriblement attachant. Avec leur sourire toujours en coin et leur formidable énergie positive, ils mettent du baume au coeur de la basse-cour. Surtout quand il pleut. Je suis sûre que Georges ne dirait pas le contraire.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel