Carnet rose et bleu
Carnet rose et bleu

Grand événement au jardin: des paonneaux ont vu le jour vendredi dernier sous le doux manteau de Zéphira. Du haut de son arbre, Georges l’a annoncé à tue-tête à tout le voisinage et nous sommes accourus pour découvrir huit petits dinosaures bossus, dégingandés et tremblants au pied de leur maman. De suite, elle les a emmenés en promenade, lente et attentive, douce et protectrice. Deux d’entre eux, trop faibles, n’ont pas pu la suivre. La sélection naturelle a fait son travail. Les six autres sont en pleine forme. Pas besoin de compléter le mélange de graines habituel de la basse-cour par un aliment particulier: le jardin est nourricier. Zéphira leur apprend à goûter tout ce que le verger peut offrir: herbes, fleurs, fruits, vers et petits insectes. Les massifs d’orties ont la cote car ils sont une source inépuisable de petites bêtes que la paonne distribue une à une à ses poussins. Mais il y a plein d’autres bonnes choses à manger car le poulailler-verger et le jardin-volière sont pourvus d’une multitude de petits fruits qui nourrissent et ombragent à la fois. Les poules se disputent déjà les amélanches (Amelanchier ovalis) et c’est à qui cueillera la première caseille. Privilégiés, les paons picorent au dessus de la mêlée. Et dans quelques années, le mûrier (Morus nigra) que nous avons planté cet hiver au beau milieu du parc devrait satisfaire l’appétit de chacun.

Oui mais à quoi peuvent bien servir des paons? «A rien, comme Mozart» pourrais-je dire pour éluder cette question récurrente, à laquelle je me suis déjà exercée à répondre dans un billet de l’an dernier. «Parce que la beauté aussi se cultive» dirait peut-être Charles Hervé-Gruyer, créateur avec son épouse Perrine de la magnifique ferme permacole du Bec Hellouin, en Normandie.  A moins que ce ne soit pour satisfaire mon côté snob, comme la gloriette et la petite serre en fer forgé! Oui les paons sont du plus bel effet au jardin. Mais surtout ils donnent le sourire aux gens, ce qui est déjà une belle revanche pour un animal si souvent décrié pour son cri.  Oui Georges nous coupe parfois impoliment la parole en implorant le ciel de je ne sais quel voeu, mais nous lui pardonnons volontiers depuis que nous avons réalisé qu’il tient ainsi les autours et les chats à distance. N’empêche. Comme un seul gardien suffit amplement, j’espère que ses six rejetons ne s’empresseront pas de l’imiter…

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel