Ça chauffe dans la serre! Il est temps de préparer le retour du printemps – février 2016
Ça chauffe dans la serre! Il est temps de préparer le retour du printemps – février 2016

La neige qui est tombée en janvier a contrarié nos plans. Nous lui avons abandonné les premières buttes en cours d’élévation dans notre jardin pour nous réfugier dans la serre. Et le redoux qui a suivi ne nous a pas fait changer d’avis, car si le printemps garde son avance, il devient urgent de préparer la serre aux cultures à venir. Posée fin 2014, notre orangeraie est un bel outil que nous devons encore apprivoiser. L’an dernier, elle s’est transformée en jungle tropicale car j’avais eu l’heureuse idée de planter une courge calebasse dans un recoin en pensant naïvement qu’elle allait se contenter de 2 ou 3 mètres en hauteur et en largeur. À notre retour de vacances, il a fallu jouer de la machette pour offrir un peu plus de lumière aux aubergines et aux tomates ensevelies sous la canopée! Comme nous avions aussi posé les pieds un peu partout, le sol était devenu très compact et difficile à arroser. Bref, tout est à reprendre de zéro pour appliquer dans la serre comme aux potagers l’un des fondements de la permaculture: prendre soin de la terre.

De la récup sinon rien
Notre idée est de réaliser trois couches de cultures permanentes et surélevées entre lesquelles nous cheminerons facilement. Comme la serre est hexagonale, d’environ 4 mètres sur 7, nous dessinons un circuit avec voies d’accès aux trois portes. Par chance, il y a une scierie au village et son patron est sympa. Il me laisse choisir et emporter les couenneaux qu’il nous faut, même le week-end. Ces planches arrondies d’un côté, car coupées en périphérie du tronc, sont bon marché et conviennent bien pour réaliser des bordures. Notre déchetterie communale est une autre source intarissable de matériaux où j’adore aller puiser. Cette fois, je cherche des barres en métal pour maintenir les planches à la verticale. Bingo: je trouve des montants de bibliothèque qui, une fois découpés, feront parfaitement l’affaire! Le chantier démarre entre les salades d’hiver et quelques choux-fleurs, mais comme ils gênent nos manœuvres, j’en transplante une bonne partie dans des pots d’ici à ce que tout soit prêt.

Les parois sont en place. Reste à remplir les couches. Nos lectures et le souvenir des «monstres» aubergines de la ferme normande du Bec Hellouin nous font opter pour du fumier de cheval. Nous souhaitons aussi tester le principe de la couche chaude, qui consiste à utiliser la chaleur de la fermentation pour «booster» les premiers semis et les jeunes plantules en pépinière. Inspirée des jardiniers-maraîchers parisiens qui, au XIXe siècle, fournissaient la capitale en légumes frais toute l’année, cette technique a été notamment réinventée par les permaculteurs Charles et Perrine Hervé-Gruyer (www.fermedubec.com). Par souci d’écologie, ces derniers refusent de chauffer artificiellement leurs serres en hiver. Question crottin, un voisin a ce qu’il nous faut à moins de 200 mètres: un andain de fumier déjà bien composté et du crottin frais à gogo. La seule difficulté sera de hisser à la force des bras quatre remorques pleines sur une pente enneigée!

Crottin chaud à gogo
Nous remplissons à ras bord la première couche, côté ouest, avec un fumier déjà grouillant de vie, avant de le recouvrir d’une dizaine de centimètres de terre. Pour la couche centrale, nous choisissons une autre variante: d’abord un lit de bois mort, puis du fumier mature, ensuite de la terre. Le bois conservera l’humidité et libérera des sels minéraux au fur et à mesure de sa décomposition, et c’est une bonne occasion de recycler un stock de vieilles poutres de grange bien vermoulues qui traînent dans le jardin. Par-dessus la terre, nous rajoutons encore quelques brassées de feuilles mortes, histoire de la maintenir humide. La dernière couche, côté est, sera remplie uniquement de crottin frais mélangé avec de la sciure et de la paille de lin. On y posera nos premiers bacs à semis dès que le fumier commencera à chauffer.
Au fur et à mesure des opérations, étalées sur deux week-ends, je navigue entre des pots, déplace et repique des salades, prends des photos, arrose, perds le mètre ou le marteau, peste contre la table qui nous encombre, m’encouble dans les outils, mais n’échangerais pour rien au monde ces moments bénis contre des descentes sur les pistes de ski. Une seule ombre au tableau toutefois: c’est quand, à la nuit tombée, je retrouve enfin mon nouvel appareil photo… noyé au fond d’un arrosoir!

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens