Mon costume, ce sésame inattendu
Mon costume, ce sésame inattendu

La dernière fois qu’on m’a demandé de prendre la pose une dizaine de fois en une heure, ça devait être le jour de ma communion. Ou peut-être de mon mariage. «Est-ce qu’on pourrait vous prendre en photo avec les enfants?» et «Can I take a picture?» sont désormais des phrases couramment entendues autour de l’arène de la Fête des Vignerons quand on est figurants! Au départ désarçonnée, puis amusée, et finalement séduite par cette célébrité subite, je dois dire que je me suis laissée prendre au jeu. J’arrange la casquette sur la tête de mon gamin, j’essuye les moustaches de chocolat de sa frangine, je camoufle mon verre et je prends fièrement la pose. Pour le plus grand plaisir des badauds, touristes ou spectateurs ravis de remporter quelques souvenirs numériques dans leur besace.

Pas plus tard qu’hier, jour de Fête nationale, c’est une Thaïlandaise en visite chez des amis qui a demandé à poser avec une équipe de figurants. Notre petit groupe d’après-spectacle comprenait un conducteur de tracasset, un insecte de l’harmonie, une sauterelle percussionniste et quelques membres de la troupe Saint-Martin. Au milieu de tous ces habits colorés, de ces figurants tout juste sortis de scène et remplis d’adrénaline, la dame, les yeux brillants, un drapeau suisse à la main, semblait émue au plus haut point. Que deviendra cette image où l’on me voit, avec ma robe de lin orange, mon petit chapeau de paille, mon fichu blanc brodé (et quelque peu jauni par une erreur de programmation de la machine à laver, mais chuuuut!…)? Peu importe, je profite du moment.

Car le costume s’avère aussi un sésame inattendu. Avec lui, les bouteilles sont dégainées à la vitesse de la lumière et les verres se remplissent sans qu’on demande quoi que ce soit. Avec lui, les langues se délient et l’on se met à parler de sujets totalement intimes avec le premier venu. Avec lui, ma liste de contacts téléphoniques s’est subitement allongée et les enfants se sont déjà fait une sacrée bande de copains. Avec lui, les transports publics sont gratuits. Avec lui, les hommes politiques vous embrassent comme du bon pain, vous donnant du «tu» à tour de bras, pas peu fiers de montrer à la ronde qu’ils connaissent des gens «qui en sont».

Bref, avec lui, nos vies prennent une dimension parfois étourdissante. Même mon garçon, qui a en horreur les carnavals et autres fêtes costumées, semble avoir pris goût à cette deuxième peau. La preuve, de retour de spectacle, il n’ôte qu’à regret – et à mes demandes insistées– ses souliers et pantalons rouges ainsi que sa chasuble verte pour aller taper le ballon avec les copains… Un signe qui ne trompe pas!

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller